BALLE 89 (c)

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89. 

Comment s'étaient-ils retrouvés dans cette situation ? Pourquoi s'étaient-ils éloignés à ce point ? Qu'est ce qui avait pu déclencher tout ça ? Dans le fonds, la réponse était évidente, et Miho était spectateur de la déchirure d'une famille, une de plus. Du haut d'une passerelle, il regardait les jumeaux face à face, une arme à la main dans cette usine déserte en pleine nuit. L'air frais laissait apparaître une légère buée provoquée par les souffles des êtres présents. 

Il s'était même permis d'allumer une cigarette, comme pour mieux se délecter de cet événement. 

Yuri se sentait dépassé et dépourvu de tout moyen réel d'actions, il n'avait jamais voulu de ça. Il sentait des sueurs froides couler le long de son dos même si ce n'était pas tant dû à cet instant rempli de pression. 

- Je n'ai jamais proposé à mère de te vendre aux Yakuzas !

- Menteur ! Ce n'est pas ce que disent les rapports ! 

Deux canons dirigeaient l'un vers l'autre, deux armes chargées. L'une pour menacer, l'autre pour se défendre. 

Le blond leva doucement les bras, laissant tomber le fer contre le sol, se retrouvant à la merci de la volonté de sa soeur :

- Jamais. Jamais je ne te ferais ça. Yura, contrairement à ce que tu penses, je n'ai jamais cessé de me préoccuper de toi. 

Pourquoi se sentait-il d'un coup si faible ? Comme si tout son organisme avait décidé de l'abandonner à ce moment précis, il n'est même plus sûr de pouvoir viser correctement à côté pour éviter de la blesser. Son sang semblait le glacer aux travers ses veines et artères. 

- Tu mens ! 

Il eut un sourire triste en voyant la haine presque aussi froide que la température de son corps :

- Tu sais ce que m'a dit Mee Na ? Que tu étais comme elle ... 

Miho souffla, voilà que la situation critique perdait de son charme, beaucoup trop de blabla inutile. Il sortit sa propre arme pour viser l'homme désarmé. 

- Si tu ne le fais pas Yura, j'achève ton frère moi même. 

Elle se retourna, levant la tête et son glock vers son nouvel associé plus que douteux. 

- Je t'interdis de faire quoi que ce soit !

- Oh mais tu n'es personne pour me donner des ordres Princesse. 

Elle ajusta sa position, prête à tirer avant que le chien fou recueilli ne décide de mordre la main qu'elle avait tendue. Sauf que ce dernier se mit à rire, presque en sautillant, tel un enfant profondément amusé. Elle était plus que sceptique devant cet instant de folie mais elle ne changea d'un millimètre l'endroit ciblé dans son viseur. 

- Tu ne devrais jamais lâcher ta proie de vue. C'est la première leçon de survie. 

Elle hésita un instant à se détourner du danger que Miho représentait mais elle fut interpellée par un bruit léger de gargouillement. Se tournant vers son jumeau, elle fut horrifiée de le découvrir à genoux, ses mains couvrant son menton et sa bouche. Là où du sang coulait à flot. 

Il ne s'agissait plus de calculs stratégiques, elle se précipita aux côtés de celui qui était son double :

- Yuri ! Qu'est ce qu'il t'arrive ? 

- Tu es donc bel et bien incapable de le tuer. Je ne m'attendais à rien mais je suis quand même déçu. 

Elle ne prit pas le temps de s'indigner de l'horreur de ses propos, elle n'osait pas toucher son frère, obnubilée par ces rivières rouges qui bariolaient la peau blanche de Yuri. 

Ce dernier avait l'esprit ailleurs, la souffrance de son corps était une brûlure si vive qu'elle en était gelée. Il entendait la voix de sa soeur dans un vague fonds lointain, comme si c'était étouffé dans une épaisse couche de coton. 

- Appelle le médecin ! 

Miho prit appuie sur la rambarde de sécurité, observant de ses yeux de prédateur le mourant :

- Je ne sais pas si j'en ai envie. 

- Je ferais ce que tu veux ! MAIS APPELLE LE MEDECIN ! 

Il aurait presque pu applaudir, la scène qu'il avait envie de voir venait de se clore, il sortit son téléphone et prit un cliché de la scène :

- Non. Il se mettait au travers de notre chemin. 

Le corps de Yuri bascula et elle le rattrapa, le serrant contre elle, elle chercha son portable. Ses gestes étaient désordonnés, sa main tremblante glissa sur l'icone d'urgence. Trop occupée dans sa tâche, elle ne remarqua pas le départ de Miho. Il n'avait que faire de savoir si le fils Cha allait survivre ou non, les choses allaient redevenir ennuyantes maintenant alors il n'avait aucun intérêt à rester sur place. 

L'équipe médicale privée du clan fut rapidement au près du faux blond, et assez étonnant Kim Mee Na s'était déplacée. 

- Pourquoi vous êtes là ? 

- Malgré le peu d'estime que tu me portes Yura, je parraine ton frère. Je me dois d'être avertie quand un problème survient. 

- Mademoiselle Cha, votre frère a été empoisonné. Nous lui avons administré l'antidote mais il risque de garder des séquelles. 

Le médecin présent avait transmis les informations relatives à la cause de cette tentative d'assassinat avant de prendre congé avec ses collègues pour transférer la victime ailleurs. Et ce sous le regard inquiet de la jeune femme qui partageait le même patronyme. 

Mee Na haussa un sourcil en voyant les traits tirés de Yura, elle ne jouait pas la comédie et les regrets se lisaient facilement sur son visage. 

- Tu devrais te poser les bonnes questions. 

- Il a mangé avec toi tous les midis ... 

- Oh Yura, ce n'est pas moi la spécialiste en poison. Pourquoi crois-tu que le médecin de ta famille avait déjà un antidote tout prêt alors qu'il faut beaucoup de temps pour identifier un poison ? On n'administre pas un remède au hasard.

Le silence se réinstalla  dans l'immense usine. Imperceptiblement, l'héritière serra le poing, jusqu'à s'en écorcher la paume. Parce qu'elle ne pouvait pas croire en ces mots, elle ne pouvait pas croire ce qui y était insinué ? Surtout quand elle avait toujours pensé que Yuri était le protégé de leur mère, qu'il était favorisé. 

Mee Na jeta un coup d'oeil aux armes désormais délaissées à terre :

- Toi qui devrais te réjouir que quelqu'un t'ouvre la voie. Tu manques peut être de cran. 

Elle attrapa le menton de cette concurrente, la forçant à la regarder droit dans les yeux :

- Si tu veux protéger ce qui t'es cher, tu vas devoir t'endurcir Yura. Crois moi, si tu veux me renverser, tu devrais être au moins capable de garder en vie tes alliés. 

La jeune femme prise en grippe décida de tenir tête à la patronne de la pègre, une lueur d'insolence brillant dans ses prunelles :

- Dit celle qui a assassiné tous les gens qui lui étaient proches. 

- Chérie, ces gens là avaient un couteau dans le dos. Là est la différence entre toi et moi. Je vois ceux qui vont me poignarder et toi tu les imagines. Alors, qui est folle ? 

DIE TO BORN [Édition Séoul] - TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant