BALLE 67 (c)

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67.

Miho se frotta les tempes, la douleur qui semblait résonner dans sa tête était insupportable. Il ne buvait jamais à outrance. Car, au vu des lieux qu'il fréquentait, il valait mieux être en pleine possession de ses moyens. A moins de vouloir se faire dépouiller au mieux, se faire dépecer au pire.

Le balafré se laissa rouler dans son lit pour finir sur le ventre, se rapprochant du bord de son matelas. Il tendit son bras vers sa table de chevet, là où reposait son téléphone. Plusieurs notifications attendaient le réveil de leur propriétaire. Notamment, des messages de plusieurs de ses hommes proches, enfin ceux encore en vie.

Des mots de remerciements. Pourquoi ? Il chercha à remonter les heures précédentes à son repos. Il sentit son sang bouillir et ses muscles se tendre. Qu'est ce qu'il lui a pris ? Pourquoi avoir tenté de discuter ? Sur des termes qui ont été convenus dès le départ ? Certes, il le pensait mais il aurait dû le taire. Il enfonça violement sa tête dans son oreiller et se mit à hurler comme un damné. Il était déjà peu sain d'esprit mais il devait vraiment avoir eu un problème pour avouer le poids de ses sentiments.

Le pire ? Tout le clan semblait au courant du congé de Kim Miho. Un congé pas vraiment voulu, puisque cela devait servir à faire pression dans l'échange.

Il se retourna, fixant maintenant le plafond immaculé de sa chambre. Qu'est ce qu'il allait devenir ? Il avait le droit de partir comme ça ? Simplement ? Personne ne quittait la pègre comme ça. Personne ne survivait. Et il serait l'unique à partir ?

Une sonnerie le tira de son auto-flagellation, en voyant le nom, il se dépêcha de décrocher pour connaître les détails de la situation :

- Noona ?

- Je t'ai organisé une jolie soirée, comme un pot de départ. Qu'est ce que tu en penses ?

- Comment ça ?

- Oui, tu as servi toute ta vie dans la mafia sans jamais faillir à la moindre de tes missions. Il serait juste que tu partes avec un minimum de reconnaissance. A moins que tu ne préfères tirer ta révérence dans le silence de la méconnaissance ? C'est ce que j'ai offert gracieusement à mon demi-frère grâce à son anonymat même s'il a fait la une des journaux.

Quelle manoeuvre se cachait derrière ces propositions ? Où était le piège ? Il le savait mieux que quiconque, personne ne clôturait ce chapitre sans des ratures rouges.

- Quand ?

- Ce soir, j'ai réservé un Plazza qui devrait te plaire.

Il ferma un instant les yeux, se demandant si c'était là sa sanction. Où se moquer de lui était devenu une activité suffisamment divertissante pour enfin obtenir son attention, quel dommage que ce soit dans un tel contexte.

Elle n'attendit pas de réponse pour raccrocher, elle avait transmis les informations nécessaires à son ancien second. C'était bien la première fois qu'elle le traitait avec une humanité presque touchante. Quel désillusion que ce soit pour une telle occasion.

Mee Na rangea le téléphone dans la poche de son tailleur, n'ayant jamais lâché du regard la pierre tombale qui se tenait devant elle. Elle eut un petit sourire en voyant le nouveau nom qui avait été ajouté sur la gravure.

Ainsi sa mère, son père et désormais un enfant mort né étaient réunis pour reposer ensemble dans l'éternité.

- A mon cher frère qui n'a pas eu le temps d'exister, puisses-tu te venger outre-tombe.

Elle tendit la main et son nouvel assistant lui donna une bouteille de champagne de luxe, déjà débouchonnée. La jeune femme renversa le liquide mousseux sur l'emplacement édifié en leur mémoire.

" Ici gît Kim Tae-Yeong, son épouse et leur regretté enfant "

Les indications ne pouvaient pas être plus floues que ça. Il fallait dire qu'au sein du réseau de la pègre même si les identités étaient souvent connus, jamais n'étaient inscrits les noms pour l'éternité.

Et puis, qui irait inscrire le nom d'une putain sur du marbre ? Surtout quand elle a fini par trahir son mari qui a tant sacrifié pour elle, pour la sortir de son milieu, pour lui faire gouter la vie de luxe, la vie qu'elle ne méritait pas ? Puisqu'elle n'était qu'une femme opportuniste, avide d'argent Ou plutôt une femme aveuglée par la promesse d'un grand bandit, lui proposant la sécurité, et son amour. Un amour aussi fictif qu'un fugazi voulant s'incruster sur une rivière de diamants.

- J'espère que toi, tu ne me décevras pas.

- Comment te décevoir alors que tu n'as aucune confiance en moi ?

Elle eut un petit rire, tournant la tête afin de plonger ses iris froids dans ceux sans vie de son nouveau binôme :

- Tu as raison, Seo. Comment ?

L'homme en costard haussa un sourcil devant l'air enjoué de sa nouvelle patronne. Il était rare depuis qu'il avait vu le visage de Kim Mee Na, de voir apparaître tant de sincérité. Même si elle semblait osciller entre ses deux personnalités, qu'elle avait créé.

Il avait accepté un deal dangereux pour espérer un jour arrêter cette cruelle comédie, il devait remplacer Hadès. Lui, un agent du N.I.S, prendre la place de Kim Miho. Personne dans la pègre n'allait accepter ce genre de changement. Mee Na était-elle assez sûre de son influence et de son pouvoir pour se permettre d'engendrer le scandale que ça allait être.

Seo ouvrit la portière de la berline teintée, avant de monter dedans, elle posa sa main sur sa joue et caressa avec douceur son épiderme :

- Tu es, et tu resteras un chien aux crocs acérés. Je n'oublie pas que tu es de ceux qui veulent me trancher la gorge.

Elle avait raison et en même temps, il ne pouvait pas s'empêcher d'éprouver une certaine empathie envers elle. Il n'arrivait pas à seulement voir l'Impératrice des Enfers, il pensait sincèrement que Jug-Eun n'avait pas été une totale illusion. Que lorsqu'elle a avoué ses peurs, il aurait pu la prendre dans ses bras pour lui conter monts et merveilles.

Parce que le dégoût est sa haine. Et qu'il n'y a qu'un pas pour se mettre à aimer.

Peut être est-ce pour cela que Kim Mee Na est si réservée sur ses sentiments, parce que s'autoriser à ressentir des choses, la pousserait un jour à s'attacher à quelqu'un. Et elle n'a jamais aimé les drames romantiques. Roméo et Juliette, lui ont toujours tenu en horreur car dans leurs actes, rien n'était logique.

Que le coeur peut penser ? Lorsqu'il inhibe complètement le cerveau.

Elle se laissa aller dans le siège en cuire, laissant sa tête se reposer en arrière. Ses épaules meurtries par le poids de ses idées, de sa propre vie.

- Dans 2 heures, vous avez rendez-vous avec une partie du clan pour désigner les nouveaux membres du Cercle.

Elle ferma les yeux pour écouter le programme qui l'attendait. Elle avait trouvé ça amusant de forcer Seo à la vouvoyer dès qu'il s'adressait à elle en tant qu'assistant. Combien de temps allait-il tenir ? Elle avait hâte de le réprimander pour un tutoiement inopportun.

- Et après ?

- Déjeuner avec le directeur du N.I.S pour lui payer

Il eut un petit instant d'hésitation, avant de terminer sa phrase :

- Ma location.

Elle ne répondit pas, mais elle savait bien que tout ce qu'elle avait engendré, prendrait un jour fin. Après tout Park Seo n'était qu'un remplaçant temporaire

DIE TO BORN [Édition Séoul] - TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant