35 - Les amants des enfers

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Felix boitait difficilement, la longue estafilade sur sa cuisse le brûlait et il craignait que certains de ses muscles souffrent de cette blessure à l'avenir. Il savait qu'il ne devrait pas forcer sur sa jambe mais il avait besoin de rejoindre le point de rassemblement pour s'assurer que son amant allait bien. Son cœur battait à vive allure dans sa poitrine, pulsant comme un tambour de guerre, les battements résonnaient dans ses oreilles comme une mélodie horrifique. Le goût du sang dans sa bouche était métallique, désagréable, et il cracha un peu de sang pour se débarrasser de la saveur amère. Felix dégagea les longues mèches blondes qui tombaient devant ses yeux. La rude bataille n'avait laissé que des ruines et des corps derrière elle, le jeune soldat ne parvenait même pas à se sentir heureux de la victoire de son royaume. Il ne voyait que des êtres sans vie ou brisés qui se trainaient lamentablement en quête de soin alors que plus loin les prisonniers de guerre étaient déplacés sans ménagement. Felix détourna les yeux, il savait ce qu'ils encouraient mais ne voulait pas en être témoin.

Il grimaça, sa main tenant fermement le haut de sa jambe pour limiter l'écoulement de sang en attendant de trouver un soigneur. Son regard de la couleur d'un ciel d'été balaya l'étendue dévastée sans réussir à trouver celui qu'il cherchait. Son ventre se noua mais il n'abandonna pas sa recherche, il avait besoin de le voir. Felix se faufila comme il le pouvait entre les soldats qui s'amassaient en attendant l'ordre qui les ramènerait chez eux et le jeune homme se mordilla la lèvre inférieure. Changbin était l'un des commandants des troupes, il avait été sur le champ de bataille pour les guider alors il ne devait pas se trouver bien loin.

Felix repéra finalement l'imposant rocher qui leur servait de repère et il accéléra le rythme, quitte à empirer son état. Il avait besoin de sentir les bras de son compagnon autour de lui et qu'ils puissent retourner à leur maison pour y passer quelques jours tranquilles. Il en fit rapidement le tour et se figea, son cœur se figeant de dépit. Changbin n'était pas là à l'attendre. Le soldat se laissa tomber sur le sol poussiéreux en poussant un grognement de douleur. Il allait attendre, après tout il s'était dépêché de venir alors peut-être que son petit-ami n'était pas encore arrivé ou qu'il avait été arrêté par l'une des recrues en cours de route.

Il déchira un bout du tissu sous son armure et s'en servit pour bander sa cuisse, cela ferait l'affaire en attendant de trouver mieux. Agacé par sa chevelure indisciplinée, il déchira une autre bande dont il se servit pour nouer les mèches dans son dos. Ses yeux se portèrent sur le ciel, les teintes rouges et ocres créèrent des ombres dans le regard de Felix. Il avait l'impression que le sang de la guerre avait souillé le ciel de son horreur.

Une main se posa sur son épaule alors qu'il divaguait, la fatigue lui faisant cligner des yeux de plus en plus souvent. A présent qu'il était assis son corps réclamait un repos bien mérité mais il ne pouvait pas encore baisser sa garde, pas alors qu'il se trouvait à quelques mètres à peine du champ de bataille. La main sur son épaule dut exercer une certaine pression pour qu'il prenne conscience de sa présence et alors il se retourna d'un bond, le souffle coupé et un sourire soulagé commençant à s'épanouir sur son visage. Cependant il s'arrêta bien vite, déçu et préoccupé.

— Ne sois pas aussi déçu, je vais me sentir blesser.

— Désolé commandant, grimaça Felix en évitant son regard.

Il vit immédiatement que son attitude déplaisait à Minho, l'autre commandant avec Changbin chargé de mener cette guerre à bien, mais il ne se voyait pas réagir autrement. Il voulait voir son amant, pas l'autre. Surtout qu'il ne savait plus comment se comporter depuis que Minho lui avait confessé son amour quelques semaines plutôt et qu'il l'avait repoussé. Les accolades de son supérieur, ses sourires et même chacun de ses mots avaient à présent une autre dimension qu'il ne pouvait pas assumer.

K-OS [Commandes Fermées]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant