K-OS [Commandes Fermées]

56 - Under the mask

Juho laissa un sourire courber ses lèvres avec une grâce travaillée par des années de pratique, face à lui son interlocutrice en fit de même. La demoiselle Karina était une cadette du prince qu'il connaissait depuis des années, principalement de vue. Aucun d'eux n'avait jusque-là éprouvé le besoin de venir faire connaissance avec l'autre, cependant ce soir-là le choix ne leur avait pas été laissé. Juho maintint son sourire en tendant le bras à la jeune femme, celle-ci venant y déposer sa main avec la délicatesse d'une fleur fraichement éclose. Le prince fit de petit pas, les talons de sa cavalière ne lui permettant pas de grandes enjambées qui lui aurait de toutes manières été interdites par la bienséance. La soie purpurine caressa les jambes de la demoiselle, frôla celles de Juho, alors que le jeune homme les guidait sur le balcon de la salle de réception.

L'espace avait été spécialement aménagé pour l'héritier au trône alors personne ne s'y trouvait, l'accès ayant été scrupuleusement surveillé par des gardes sincèrement placés. Juho salua poliment les membres de la cour qui les arrêtèrent, soit pour les féliciter soit pour simplement transmettre leurs salutations. Ils parvinrent enfin à atteindre le lieu souhaité et Juho laissa sa cavalière récupérer sa main, lui-même allant s'appuyer sur la balustrade.

L'air était chaud, digne d'une fin d'été dans ce paisible petit royaume de l'ouest. Le prince laissa ses yeux se porter sur la silhouette gracieuse de la jeune noble. Karina était une splendide jeune femme, de quelques années sa cadette. Ses longs cheveux noirs et lisses cascadaient tel un rideau de soie ébéne dans son dos, sa peau blanche scintillait d'un éclat opalin sous la clarté de la pleine lune, alors que ses courbes discrètes jouaient avec les plis de sa robe rouge. Juho comprenait pourquoi ses parents insistaient tant pour qu'il laisse une chance à la belle, elle était éduquée, raffinée, intelligente et son apparence n'était en rien déplaisante. Le jeune homme soupira discrètement, il allait avoir du mal à trouver les mots pour convaincre son père et sa mère qu'il n'était pas intéressé.

— Vous ne souhaitez pas être avec moi sur ce balcon, je me trompe ?

La voix de Karina était claire, il n'y avait aucune incertitude décelable dans ses propos. Juho ne vit alors aucune raison de lui mentir, il avait été percé à jour.

— Ce n'est pas contre vous demoiselle Karina, je vous l'assure. Vous êtes d'une excellente compagnie et une danseuse tout aussi remarquable.

— Cela n'empêche pas que vous ne désiriez pas être avec moi, répondit simplement la jeune noble.

— Qu'en est-il de vous ?

— Je ne le souhaite pas non plus. Je pense que nous sommes d'accord pour dire que cette mascarade n'est que de la poudre aux yeux visant à satisfaire nos familles respectives.

Un rictus amusé sincère remonta les commissures de la bouche de Juho. Il avait pensé sa cavalière aussi conciliante que les précédentes personnes qu'il avait dû rencontrer mais Karina s'avérait être d'une étonnante fraicheur qui ne lui déplaisait pas. Sa personnalité plus directe le dépaysait et cela le mit étrangement en confiance.

— Vous êtes comme une brise d'air pur demoiselle, j'ai peur de commencer à sincèrement vous apprécier.

— Tant que cela reste du domaine de l'amitié cela ne peut que me ravir.

Un rire complice secoua leurs épaules et Juho se détendit. La soirée ne serait peut-être pas tant une catastrophe que cela, au moins sa cavalière semblait aussi réticente que lui sur une potentielle relation et cela lui allait très bien.

— Est-ce parce que votre cœur est déjà pris que vous refusez tous les partis que vous proposent votre famille ?

— Que voulez-vous dire ?