K-OS [Commandes Fermées]

22 - Le renard

Si ChangBin était tombé amoureux de l'automne, une saison peu appréciée en raison de son humidité, de son vent et de sa perte de luminosité, c'était tout simplement car le mois de Novembre et ses couleurs de rouille lui avait apporté le plus beau cadeau qu'il n'avait jamais espéré et ses meilleurs souvenirs. A présent il attendait avec impatience que les arbres se teintent d'orange, de jaune et de brun, que le vent fasse joyeusement s'envoler les feuilles brunies par le froid et que les rues se vident de présence humaine. Car si lui aimait la fraîcheur et la brise automnale, la plupart de ses compatriotes avaient une nette préférence pour le confort de leur foyer et la chaleur de leur plaid.

Vêtu d'un pull épais en grosses mailles, une couverture sur les genoux et un bonnet sur le crâne, l'étudiant en photographie de vingt-quatre ans se balançait gentiment dans son large fauteuil à bascule. Installé sur la terrasse derrière sa petite maison de campagne que sa grand-mère lui avait offerte pour sa majorité, il profitait du calme et de l'absence de voisinage pour admirer la beauté de la nature et ses occupants.

La petite maison étant située aux abords d'une forêt laissée volontairement à l'état sauvage par les habitants du village, il n'était pas rare que le jeune homme partage son petit-déjeuner ou sa fin de soirée en compagnie de cervidés, de lapins ou autres animaux sauvages. N'étant pas une personne bruyante ou violente, il ne leur faisait pas peur et ils s'étaient même habitués à sa présence au point de ne plus hésiter à venir lorsqu'il était là.

Ses doigts froids enroulés autour de sa tasse de café brûlant, ChangBin laissa son regard fatigué parcourir le jardin couvert de feuilles rousses jusqu'à ce que celui-ci se pose sur la source de son bonheur. Presque invisible, seul un bout de truffe noire pointait de sous le tas de feuilles mortes et l'homme aux cheveux noirs rit doucement. Il posa sa tasse et plia sa couverture avant de se lever et de la glisser à sa place. ChangBin s'avança sur l'herbe puis alla s'accroupir devant le tas coloré avant d'en dégager le surplus de matière jusqu'à dégager une forme enroulée sur elle-même. Les grandes oreilles rousses oscillèrent légèrement, et l'animal ouvrit un œil endormi sur l'humain qui osait venir le déranger.

- Salut beauté, chantonna ChangBin avec douceur, ça te dirait de rentrer te mettre au chaud ?

Le goupil s'étira en baillant, sa queue noire et touffue se dressant dans le mouvement. Son pelage roux se fondait dans le paysage d'automne et tranchait à merveille avec la teinte de nuit de ses pattes, comme s'il avait de grandes chaussettes, et une fois étiré le canidé se mit debout, prêt à suivre l'humain. ChangBin le gratouilla affectueusement entre les oreilles et déposa un baiser sur le bout de la truffe humide, avant d'essayer d'empêcher le renard de le débarbouiller à l'aide de sa langue râpeuse et baveuse.

L'étudiant se redressa alors et regagna sa terrasse où il récupéra sa tasse et sa couverture avant de faire coulisser la petite baie vitrée. L'air chaud de l'intérieur s'échoua sur son visage et le fit frissonner de bien-être. Autant il adorait passer du temps dehors, autant son corps n'était pas aussi enthousiaste et adorait lorsque les températures étaient un peu plus élevées. Une pression contre ses mollets lui indiqua que son amour à fourrure était lui aussi rentré et il referma soigneusement derrière eux.

- Je vais prendre un bain pour me réchauffer, rejoins-moi si tu veux, sourit ChangBin en adressant une ultime caresse sur le poil flamboyant.

Le jeune homme alla mettre le restant de sa boisson à présent glacé dans l'évier, déposa la couverture sur le canapé, et se rendit dans la salle de bain. Celle-ci avait le même caractère rustique que le reste de la maison, avec ses poutres apparentes brunes, son carrelage un peu vieillot et ses grosses lampes diffusant une lumière jaune, et ChangBin avait beau avoir grandi et vivre en ville il appréciait de retrouver ce genre de décor d'une autre époque de temps à autre. C'était comme s'il voyageait à travers l'espace-temps pendant quelques minutes et il trouvait ça amusant.