K-OS [Commandes Fermées]

42 - Le secret du prince

La nuit s'était installée depuis plusieurs heures, un peu avant que la pluie ne se mette à tomber et que le vent ne souffle dans les branches des arbres nus. L'automne tirait sur la fin, bientôt l'hiver serait à leur porte avec ses températures glaciales et son beau manteau blanc. Changbin souffla sur ses mains pour les réchauffer alors qu'il remontait rapidement le couloir menant aux appartements du prince. Il était de retour au palais après une mission diplomatique qui l'en avait tenu éloigné pendant plusieurs semaine, il avait hâte de retrouver son ami d'enfance et il savait que malgré l'heure avancée il n'y avait que très peu de chance pour que Jisung soit endormi.

Changbin vérifia que personne ne se trouvait dans le couloir et il toqua rapide contre le battant de bois. Il attendit quelques secondes mais devant l'absence de réponse il se résolut à entrouvrir juste assez pour pouvoir jeter un regard à l'intérieur. Le jeune diplomate soupira et poussa plus franchement le battant pour entrer dans les appartements. Il aurait dû s'en douter.

Jisung était assis sur le rebord de sa fenêtre ouverte, simplement vêtu d'une chemise de nuit. Ses cheveux blonds, collés par la pluie ne se soulevaient plus au gré du vent mais ce dernier laissait une trace de son passage en marbrant de rouge le visage fatigué du prince. De là où il se trouvait, Changbin percevait la chair de poule qui hérissait la peau de son ami mais ce dernier n'y prêtait pas attention, comme s'il ne ressentait pas le froid.

Changbin récupéra un tissu épais dans une commode de la chambre du prince et s'approcha de lui en silence. Le blond sursauta à peine en le sentant lui sécher les cheveux et se détendit tout aussi rapidement en comprenant de qui il s'agissait. Aucun des deux ne parla. Changbin triste de retrouver son ami aussi apathique et Jisung honteux d'avoir été une fois de plus surpris dans cet état.

Il était connu pour être un héritier à la couronne brillant, doux, joyeux, optimiste et plein de vie. Il était le petit soleil de la royauté, l'homme le plus désiré du royaume. Personne ne pouvait résister à son charme solaire, pas même Changbin et cela ne s'était pas dégradé quand il avait découvert l'autre facette de Jisung. Peut-être parce qu'ils se connaissaient depuis si longtemps, les fissures de Jisung ne l'avaient pas dégoûté mais lui avaient donné envie de le protéger, de protéger son sourire. Malheureusement, le prince refusait de lui ouvrir son cœur et de se libérer de son fardeau. Alors Changbin attendait, patiemment, que son ami accepte de se confier à lui.

Le jeune homme tendit sa main à l'héritier qui y glissa la sienne. La fraîcheur de la peau de Jisung brisa le cœur du diplomate et il eut peur de ce qui avait pu lui arriver s'il n'était pas rentré ce soir-là. Le blond ne prenait pas assez soin de lui, comme s'il cherchait à se punir d'une terrible faute. Pourtant ça n'avait pas toujours été comme ça, deux ans plus tôt tout allait pour le mieux et Changbin avait même eu l'espoir d'être plus qu'un ami. Cependant, du jour au lendemain tout était parti en fumée et Jisung s'était transformé en fantôme. Il n'était vivant que lors des apparitions publiques. 

— Pourquoi tu restes auprès de moi ? murmura l'héritier d'une voix éteinte.

Changbin serra les dents tout en continuant à tamponner la peau fragile pour la sécher. Il ne voulait pas que son ami attrape la mort.

— Tu sais très bien pourquoi.

Parce que Changbin n'avait jamais caché ses sentiments et que s'il continuait à agir comme un ami ce n'était pas pour autant que son amour avait disparu. Il ne l'imposait juste pas à Jisung, il ne voulait pas ajouter du poids à son fardeau.

— Tu ne devrais pas aimer un monstre comme moi, je ne le mérite pas.

Le diplomate fronça les sourcils et envoya le prince changea de vêtements. Il ne comprenait pas, Jisung n'était pas un monstre et ne l'avait jamais été. C'était bien la première fois depuis deux ans qu'il exprimait ses émotions et elles n'étaient pas des plus réjouissantes. Lorsque Jisung revint, Changbin le coucha dans le lit et rabattit les couvertures sur lui. Il s'installa ensuite sur le rebord du matelas et caressa avec tendresse les mèches claires.

— Tu n'as jamais été un monstre Jisung.

— Si, hoqueta le jeune homme. C'est de ma faute, tout est de ma faute.

Le futur souverain sanglotait et son front brûlant sous la paume de Changbin informa ce dernier qu'il devait faire une poussée de fièvre. Peut-être que c'était pour cette raison qu'il se décidait enfin à lui parler. Changbin hésita, il se sentait mal de profiter de l'état de faiblesse de son ami pour obtenir des informations mais il avait l'impression que s'il n'en profitait pas de cette faille alors il n'aurait plus jamais l'occasion d'aider Jisung. 

— Parle-moi Jisung, je suis là pour toi.

— Je veux pas que tu me détestes, je vais mourir si tu me laisses.

Le cœur du noiraud se contracta douloureusement et il se baissa pour embrasser le front de Jisung. Il voulait lui faire comprendre qu'il serait toujours là pour lui, qu'il n'y avait aucun moyen pour qu'il l'abandonne peu importe ce qu'il avait fait. 

— Aujourd'hui ça fait deux ans, souffla le prince.

— Il faut que tu me parles Jisung, je ne comprends pas.

Le blond releva un regard vitreux vers lui qui brisa le cœur de Changbin. Il y avait une telle détresse dans ces yeux qu'il s'allongea à côté de son ami et le serra fort dans ses bras.

— C'était il y a deux ans que j'ai refusé la proposition de mariage et... et ça fait deux ans que la princesse s'est suicidée pour échapper au mariage qui lui a été imposée après mon refus...

Changbin fronça les sourcils. Il en avait évidemment entendu parler mais il ne comprenait pas pourquoi Jisung se sentait aussi mal à ce propos, il n'y était pour rien.

— Si j'avais accepté, elle serait encore en vie... Je suis un monstre, je l'ai tuée avec mon égoïsme...

Changbin écarquilla les yeux et se redressa. Alors c'était donc ça, le prince culpabilisait, il se sentait responsable du décès de la jeune fille et pensait que c'était de sa faute. Le noiraud posa ses mains sur les joues de Jisung et plongea son regard dans le sien.

— Ce n'est pas de ta faute Jisung.

— Si, si j'avais accepté...

— Alors elle aurait peut-être mis fin à ses jours ici-même. C'était une jeune fille brillante qui voulait être libre, elle aurait été malheureuse dans n'importe quelle union. Vous auriez juste été malheureux tous les deux si tu avais accepté et... j'aurais été malheureux aussi, murmura Changbin dans un souffle timide.

— Mais...

— Jisung, tu peux demander à n'importe qui. Tu n'es pas responsable de ce tragique événement et je suis désolé de te l'annoncer mais elle ne voulait pas de toi, pas plus que de cet autre mariage. La finalité aurait été la même, tu n'es pas coupable. Elle a malheureusement fait son choix, tu dois le comprendre.

Jisung fondit en sanglots et se blottit dans les bras de Changbin qui le serra fort contre lui. Il se doutait bien que ses mots ne seraient pas suffisamment pour soulager le cœur meurtri du prince et alléger son sentiment de culpabilité, mais maintenant qu'il connaissait le problème il allait pouvoir agir. Il pouvait faire en sorte que Jisung ne souffre plus, même si cela allait demander du temps, de la patience et des efforts des deux côtés.