Chapitre 12 : "Quand on parle du loup..."

140 9 0
                                    


        Bien au chaud sous un plaid, Lupin venait d'émerger du sommeil et n'avait pas encore ouvert les yeux que déjà son cerveau avait à traiter bien trop d'informations. La première chose qui lui vint à l'esprit était qu'il aurait aimé dormir encore un peu, puis il se demanda ce qu'était ce poids chaud qu'il sentait sur ses pieds, et enfin à qui pouvaient bien appartenir les voix qui chuchotaient près de lui. 
Il se força à ouvrir les yeux et fut aussitôt saisi d'une douleur aigüe à la tête face à l'éclair blanc de la lumière du jour. Il les referma dans un grognement en enfonçant son visage dans le coussin. 
« Tu es réveillé, Remus ? demanda une voix amusée. 
—  La lumière, grogna-t-il pour toute réponse. 
Il entendit le bruit d'un rideau qu'on tire et perçut déjà à travers ses paupières que la lumière se faisait plus douce. Il rouvrit les yeux avec précaution ; la lumière lui semblait toujours un peu vive, mais c'était supportable. Il distingua trois silhouettes qu'il reconnut aussitôt : l'une était grande, fine et se tenait droite, une autre trapue et décontractée, et la dernière était celle toute petite d'un homme. Minerva McGonagall, Pomona Chourave et Filius Flitwick se tenaient devant lui et affichaient un air amusé. 


—  Qu'est-ce que... commença-t-il. 
Oubliant le poids qu'il avait senti à ses pieds, il les bougea en tentant de se redresser et un petit couinement le fit sursauter. Le mouvement qu'il avait engagé avait lancé une terrible douleur dans tout son corps et, dans un nouveau grognement de douleur, il retomba sur le coussin du canapé. Le poids à ses pieds avait bougé et lorsqu'il y jeta un regard, il vit avec surprise Snape sous sa forme de loup roulé en boule. 
—  Sev' ? 
—  « Sev' » ? fit la voix stricte du professeur McGonagall en écho. Ce loup est Severus ? 
—  Euh ... hésita Lupin, coincé. Je, hum, je suppose que ça ne sert à rien d'essayer de vous mentir, finit-il par avouer d'une voix rauque. 
—  Tout va bien Remus ? demanda la voix amicale de Chourave. 
Lorsqu'il avait parlé, Lupin n'avait pu retenir une grimace et avait porté sa main à ses côtes. Son corps était si endolori que même le simple fait de parler lui faisait mal. 
—  Je ne sais pas, j'ai mal partout. 
—  Ça doit être dû à l'attaque de cette nuit, dit Flitwick avec pertinence, Severus te fera une potion. 
—  Quand on parle du loup... dit McGonagall en pointant l'animal gris du menton. 
       Dérangé par les voix qui ne prenaient plus la peine de chuchoter, le loup se réveillait à son tour. Les yeux toujours à moitié fermés, il releva la tête, bailla longuement puis leva enfin son regard noir vers les trois professeurs debout face à lui. Surpris, il se redressa d'un coup, marchant au passage sur les pieds de Lupin. 
—  Aïe, Severus, fais attention ! 
       Le regard du loup alla de Lupin aux trois autres plusieurs fois, comme s'il remettait progressivement les choses en place dans son cerveau, reliant les informations entre elles, puis il abandonna son air surpris pour retrouver son expression indifférente habituelle qu'il arborait en tant qu'humain, décidant apparement que la découverte de sa condition d'animagus par ses trois collègues n'était pas si grave. Il s'étira et s'allongea de nouveau dans une position élégante, observant les trois professeurs. 


—  Je peux te caresser ? demanda Chourave en approchant sa main du loup. Ta fourrure a l'air tellement... Hey ! 
Snape avait fait claquer ses dents tout près de sa main dans un grognement sourd en la voyant approcher. Il ne fallait pas le prendre pour un gentil petit toutou ! Il tourna soudainement la tête vers Lupin qui venait de pousser un soupir douloureux. Les traits de son visage crispés, il avait refermé les yeux et semblait en proie à un profond mal-être. Snape se leva et sauta du canapé pour s'approcher du visage de Lupin. Les trois professeurs, impressionnés par la taille du loup, échangèrent des regards. Snape resta l'observer quelques secondes puis il se dirigea vers la porte d'entrée. A mi-chemin, il reprit forme humaine et dit d'une voix neutre : 
—  Remus a besoin de repos, je vous demanderai de le laisser tranquille, s'il vous plaît. 
—  Mais, Severus, où va-t... 
Trop tard, la porte s'était déjà refermée derrière lui. 


***


        Une agitation sans pareil régnait dans la salle sombre aménagée sous le village de Faisting Light. Kyle, visiblement très énervé, disputait un groupe de personnes dont la plupart présentait des blessures, plus ou moins sérieuses. Au milieu de la nuit, Jean était arrivée totalement paniquée dans leur salle secrète en transplanant, le corps inerte de Eris, un homme mal rasé, dans les bras. Elle avait alors raconté à Gareth et Kyle, les deux présents sur place, tout ce qu'il s'était passé et ils avaient aussitôt entrepris de ramener les trois sorciers restant. Gareth avait eu la brillante idée de se servir de poudre d'obscurité instantanée du Pérou ; dès que lui et son chef étaient arrivés sur le lieu que leur avait indiqué Jean, ils avaient lancé la poudre, plongeant la rue dans le noir, et s'étaient saisis de leurs collègues qu'ils avaient repérés juste avant puis étaient réapparus dans la pièce sous les égouts de la petite ville. Jean avait contacté les autres et ils s'étaient tous retrouvés réunis en plein milieu de la nuit entre un Kyle furieux et leurs collègues franchement mal en point. 


        Braceus affichait un air ennuyé, assis nonchalamment sur une chaise pendant qu'Elwyn, un jeune homme barbu, soignait son épaule. Il était épuisé par le combat de cette nuit et se sentait déjà assez humilié de l'avoir largement perdu, il n'avait vraiment pas besoin d'être réprimandé devant tout le monde comme un gamin par un homme dont il avait trois fois la taille et la puissance magique. Il posa son regard sur Eliott, allongé sur le sol. Jean penchée sur lui, seule une tignasse d'un châtain-roux émergeait de derrière le rideau de cheveux épais qui tombait de l'épaule de la femme. Le pauvre était inconscient et refusait de se réveiller. 
Une douleur vive à l'épaule le tira de ses pensées ; Elwyn venait de la remettre en place, sans le prévenir. 
« Tu aurais eu encore plus mal si je t'avais prévenu » se justifia-t-il. 
Braceus ne prit pas la peine de le remercier et tourna les yeux vers Kyle, rouge de colère, qui continuait de postillonner ses remontrances sur la table. 
—  Je vous avais pourtant prévenus, qu'il était puissant... A cause de vous, on va être poursuivis par les aurors... Si l'on arrive jamais à l'approcher de nouveau, ça sera un miracle... Vous avez ruiné nos chances de l'attraper... 
       Et cela dura pendant plusieurs minutes, les mêmes idées revenant sans arrêt mais formulées différemment, jusqu'à-ce qu'Amalia, agacée, lui demande d'arrêter de vociférer. Il y eut alors un silence terrible puis un claquement sonore. Kyle, furieux que l'un des auteurs de cette catastrophe ose lui parler ainsi, avait asséné une gifle puissante à la femme aux traits grossiers.  Presque projetée hors de sa chaise, elle se tenait la joue en regardant par terre, humiliée. 
—  C'est moi le chef, ici, et je ne tolèrerai pas que de simples sorciers comme vous me parlent sur ce ton. Surtout lorsque vous venez de ruiner nos chances de tuer le traître qui a fait échouer le Seigneur des ténèbres, déclara-t-il d'un ton menaçant en promenant son regard impérieux autour de la table. 
Il se rassit, croisa les mains devant lui et reprit d'un ton normal : 
—  Bien, nous n'allons pas éternellement nous appesantir sur les erreurs qui ont été faites, aussi lourdes de conséquences soient-elles. Il nous faut aller de l'avant. Bien que la tâche sera bien plus ardue à présent, nous devons garder notre objectif en tête et, même si cela doit prendre beaucoup plus de temps que ce que nous espérions initialement, nous trouverons un moyen de venger le maître. Et puisque la tâche risque de ne pas s'avérer facile, autant commencer tout de suite. 

Les loups ont des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant