Chapitre 28 : "J'ai crié"

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        La porte de la cellule s'ouvrit dans un glacial son métallique. Snape se força à relever la tête et ouvrit péniblement les yeux sur le visage patibulaire d'Eliott et, derrière lui, Amalia, cette femme grossière qu'il détestait plus encore que les autres. 
« Levez-vous, ordonna Eliott d'un ton agressif. 
       Snape soupira. Il était épuisé et commençait sérieusement à en avoir assez d'être torturé.  Tout ce qu'il avait dû subir auparavant avait été plus ou moins ponctuel et il avait pu entrevoir une fin : que ce soient les éclats de colère du lord noir qui ne duraient jamais plus de quelques heures ou des ennemis à la recherche d'informations, les tortures qu'il avait subies au cours de sa vie n'étaient que passagères ou dans un but précis. Mais cette fois, le seul but était de le faire souffrir, et cela le plus longtemps possible. Snape ne pouvait ni se contenter de serrer les dents en attendant que cela passe, puisqu'il n'y aurait pas de fin, ni espérer s'en sortir en leur donnant ce que ses bourreaux voulaient, puisqu'ils n'attendaient rien de lui. 
Il se leva tout de même, n'ayant pas le choix, suivi de Narcissa. Elle jeta un regard glacial aux deux anciens partisans du Seigneur des ténèbres. Elle était à présent dans un état aussi pitoyable que Snape. Les partisans du lord s'étaient bien fait la main sur le professeur, et avaient donc montré une efficacité redoutable dans la destruction de la femme aux yeux bleus. Peut-être même était-elle dans un état pire encore. Le dos lacéré par la lanière de cuir, le visage tuméfié et le corps couvert d'hématomes, les côtes brisées, déshydratée et épuisée... Tout ce que Snape subissait, elle le subissait aussi –elle avait même elle aussi eu le droit de creuser sa propre tombe et elle aussi avait depuis les poignets et chevilles enserrés par de lourds fers–, à la différence qu'elle n'avait pas cette résistance étonnante de Snape, et avait en plus de cela l'énorme désavantage d'être une femme. Elle devait ainsi subir les mains plus que baladeuses de ses bourreaux. Elle ne pensait pas possible avant ces quelques jours enfermée dans cette cellule de ressentir une telle haine pour des personnes, mais si son regard avait eu la capacité de tuer, ils le seraient tous depuis longtemps. 


       Ils furent emmenés jusqu'à la salle habituelle mais, quand Snape y entra, il sentit immédiatement que quelque chose était différent. Quelque chose semblait avoir frémi tout au fond de lui et il comprit tout de suite ce que c'était. Mais il était si faible après ces semaines entre les mains de Kyle et ses acolytes, que cette sensation de la magie en lui n'était rien de plus qu'un léger frisson, une goutte de magie, un courant d'air au mieux. Rien qui aurait permis de lancer le moindre sort. Narcissa l'avait senti également et ils comprirent très rapidement que ça n'était absolument pas une bonne nouvelle. Si la magie était de nouveau praticable en ce lieu, c'était sans aucun doute pour permettre au groupe de fidèles d'utiliser le sortilège doloris. Et malgré tout ce que Snape avait vécu ces dernières semaines, il ressentit une vague d'appréhension qu'aucune autre torture ne lui avait fait ressentir. Ce sortilège était de loin ce qu'il avait connu de plus insupportable dans sa vie de mangemort plus qu'exposée à la douleur : il procurait une douleur si puissante qu'on ne savait déterminer si c'était davantage celle du déchirement des chairs, du broiement des os, ou si elle était semblable à un embrasement du corps. Les trois à la fois, sans doute. Mais surtout, il était impossible d'en identifier la source, et la douleur s'emparait de l'être tout entier, chaque cellule souffrait jusqu'au coeur du plus profond organe. 


       Kyle s'approcha de Narcissa après leur avoir jeté un regard narquois à tous les deux et il sortit sa baguette. Elle ne montra aucun signe d'appréhension mais tous les muscles de son corps étaient tendus. Kyle prit son visage abîmé par les coups entre ses doigts et l'approcha tout près du sien, le scrutant avec attention. 
—  Tu es bien amochée, ma jolie, constata-t-il. Enfin, je dis jolie mais, justement, mes amis ont exprimé leur déception de ne pas pouvoir jouir de ta beauté, quelques peu ravie par notre très cher Eliott. 
       Narcissa n'aimait pas du tout ce qu'elle entendait. Elle ne pourrait supporter qu'un seul de ces porcs pose la main sur elle. 
—  Je vais donc faire preuve de charité, poursuivit-il en levant sa baguette. 
       Narcissa sentit une vague de chaleur passer dans son visage et put soudainement mieux voir, son champ de vision semblait s'être élargi. La bosse que formait son oeil s'était résorbée et tous les bleus et coupures avaient disparu. Kyle avait guéri ses blessures. 
—  Voilà qui est mieux, dit-il en contemplant son travail. Ce joli minois doit être protégé, ajouta-t-il si près d'elle qu'elle sentait son souffle contre son visage. 
       Elle refusa cependant de reculer, immobile. 
Lorsque Kyle s'écarta, Narcissa vit avec horreur les regards avides qui s'étaient posés sur elle. Répugnant. Elle regrettait ses blessures. 

Les loups ont des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant