Chapitre 32 : "Tu sais comme c'est grisant"

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        Depuis la mort de Narcissa une semaine plus tôt, Snape refusait de manger. C'en était trop, il n'avait plus la force. Maintenant que plus personne n'avait besoin de son soutien, il était temps qu'il meurt. Il ne pouvait retourner dans cette solitude extrême dont l'avait sauvé Narcissa. Il était temps, plus que temps. Mais bien sûr, ses bourreaux n'étaient pas de cet avis et, pour la deuxième fois depuis la mort de Narcissa, Eliott et Timothy entrèrent dans sa cellule. Quand Snape entendit leurs voix l'apostropher, il eut à peine l'énergie d'appréhender ce qui allait suivre. Il était dans un tel état de léthargie qu'il ne faisait plus qu'attendre la souffrance sans même en avoir peur. Il ne connaissait plus que ça de toute manière. 


       On le souleva pour le mettre sur un chaise. Il regarda les deux hommes d'un air las. Il savait ce qui allait se passer. Puisqu'il ne voulait plus s'alimenter mais que ses bourreaux n'étaient pas prêts à le voir mourir, et surtout pas d'une manière si douce, ils le nourrissaient de force. Il savait donc que cette grève de la faim était inutile et ne faisait que lui apporter davantage de souffrance, mais il s'en fichait. Sa souffrance n'était plus son problème, il ne se sentait plus concerné par tout cela. Aussi avait-il décidé qu'il n'avait plus envie de s'alimenter, et donc ne le ferait plus, même si on le fouettait pour cela. 
       Il avait à présent les mains attachées dans le dos de la chaise. Eliott lui tira durement les cheveux vers l'arrière. 
—  Prêt pour un délicieux repas ? demanda-t-il en affichant un sourire narquois. 
       Snape ne lui offrit pas la satisfaction de réagir. Il ne réprima pas en revanche un spasme de douleur lorsqu'il sentit un tuyau s'enfoncer avec force dans sa narine gauche jusque dans sa gorge et son oesophage, raclant contre les parois de ses organes, griffant ses muqueuses déjà asséchées par le manque d'eau. Ils eurent d'ailleurs justement la gentillesse de commencer par de l'eau, ce qui lui permettrait tout de même d'avaler un peu plus facilement la bouillie encore pleine de morceaux qui allait suivre. Mais déjà il toussa en sentant une partie du liquide infiltrer ses poumons, ce qui fit douloureusement bouger le tuyau dans sa gorge. 
       La bouillie suivit plus lancinante encore. Snape toussait, s'étouffait, suffoquait alors que la pâte d'il ne savait quoi glissait lentement dans son corps. Les morceaux se coinçaient en travers de sa gorge et Timothy et Eliott ne lui laissaient pas reprendre sa respiration. Snape commença à se débattre : il n'avait pas respiré depuis trop longtemps, il fallait que cela cesse. Mais Timothy continuait de verser la mixture avec un regard amusé devant le corps pris de convulsions pénibles de Snape. Ses quintes de toux et hauts-le-coeur faisaient remonter la bouillie qui emplissait sa gorge jusque dans sa bouche et coulait au coin de ses lèvres. 


       Timothy agita le tuyau pour faire glisser les derniers morceaux et le retira enfin. Snape se pencha immédiatement en avant, tombant presque, pour tousser les derniers bouts coincés dans sa gorge et respirer à grandes bouffées. Foutu instinct de survie. Il aurait rêvé s'étouffer avec ces morceaux, en finir enfin. Mais ce corps maudit le trahissait en les rejetant, libérait malgré lui ses voies respiratoires, accroché à cette vie dont Snape ne voulait plus. Il ne s'était jamais particulièrement bien entendu avec son corps —cela se voyait—, mais jamais il ne l'avait tant détesté de s'accrocher à cette stupide vie contre son propre gré. 


***


        Tonks releva la tête au son des trois coups frappés à sa porte. Elle essuya ses mains pleines de jus de tomate sur son tablier et alla ouvrir. 
« Acco ? Qu'est-ce que tu fais là ? 
—  Salut. Je peux entrer ? 
       Le jeune homme aux épaules musclées que Tonks connaissait si bien se tenait dans l'encadrement de la porte, si grand qu'il en atteignait le haut, emmitouflé dans une parka kaki à la capuche bordée de fourrure, les main enfoncées dans les poches. 
—  Euh, je... hésita Tonks, décontenancée. Non, je ne crois pas, Acco. Tu sais, avec tout ce qu'il s'est passé... 
       Tonks vit une pointe de déception dans les yeux d'Acco. Mais que pouvait-elle lui dire d'autre ? Elle savait que ses sentiments pour lui étaient loin d'avoir disparus —cela ne faisait qu'un mois qu'elle avait mis fin à leur relation—, mais elle savait aussi ce qu'elle ressentait pour Lupin, et ce dernier avait plus que jamais besoin d'elle. 
—  S'il te plaît. Je tenterai rien, promit-il avec un petit sourire encourageant. 
—  Pourquoi t'es là ? répliqua sèchement Tonks dont le coeur lui criait déjà de le laisser entrer. 
—  Je– pour te voir. J'ai parlé à Melany et elle m'a dit que t'allais pas très bien alors... je me suis dit que j'allais passer. On s'entend bien après tout. 

Les loups ont des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant