Chapitre 41 : "Il est juste un peu tendu"

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        La pluie n'avait pas cessé de tomber toute la nuit et le vent n'avait pas faibli. Le parc était épuisé par cette violence incessante qui arrachait les premières feuilles des arbres, détrempait les sols, fouettait les buissons, agitait l'eau du lac, faisait frissonner les rongeurs dans leurs abris, obligeait les oiseaux à se serrer les uns contre les autres sur les rares branches abritées de cette terrible agitation et empêchait même les centaures les plus robustes de sortir galoper entre les arbres malmenés. On distinguait à peine, depuis les fenêtres du château, les plantes entre elles, devenues masse grise derrière le rideau de pluie qui balayait tout dans un tourbillon. Le ciel était si noir qu'on ne soupçonnait le ciel d'étoiles caché derrière. La pleine lune elle-même n'en serait pas arrivée à bout. 


       Mais enfin, vers sept heures, une petite tâche claire était apparue dans le ciel, un nuage blanc, puis un morceau de ciel orangé. La pluie cessa et le vent entraîna avec lui au loin les derniers nuages. La nature fatiguée, dégoulinante et sombre, respirait enfin, reprenant espoir dans les quelques timides et tièdes rayons orangés d'un soleil naissant. Les oiseaux s'ébrouèrent sur leurs branches, toujours serrés les uns contre les autres ; les renardes, blairelles et lapines dans leur terrier dressèrent leurs oreilles ; les biches et leur faon relevèrent la tête entre leurs buissons, attendant les rayons plus certains du soleil pour risquer de briser leur cocon. 
       Le soleil montait tranquillement dans le ciel et ses rayons ambrés, qui effleuraient la terre sans oser l'illuminer, devenaient plus forts. Bientôt, un manteau doré englobait le parc, se reflétant dans les gouttes d'eau qui perlaient des arbres et roulaient le long des brins d'herbe. Les chauds rayons réconfortaient les feuilles trempées de leurs doigts d'or à présent assurés et fonçaient droit entre elles jusqu'aux oiseaux gelés pour les tirer de leur nuit difficile. 
       Le tambourinement terrible de la pluie et le grondement du vent avaient cédé la place à un léger clapotis des dernières gouttes d'eau glissant des arbres et au doux piaillement des oiseaux qui chantaient leur gratitude au soleil et prévenaient la nature qu'il était temps de s'éveiller. Alors, les femelles sortirent de leur terrier à la recherche de victuailles pour emplir l'estomac vide de leurs petits piaillant, les araignées sortirent de leurs trous s'affairer à réparer leurs toiles déchirées, les écureuils galopèrent d'arbre en arbre sur les branches encore humides, les crapauds croassèrent au bord des étangs alors que les insectes s'envolaient de nouveau, les licornes firent résonner leurs sabots jusqu'aux champs d'herbe grasse. Et Remus Lupin se sentit lentement émerger d'un sommeil profond. 


       Il ouvrit les yeux avec précaution, la lumière dans la pièce était vive, les rideaux n'avaient pas été fermés. Une longue chevelure noire lui faisait face et dégageait un doux parfum de laurier. Il tenait contre lui Severus Snape, tous deux nus comme un enfant sortant du ventre de sa mère. Il sourit en repensant à la soirée qu'ils avaient passée la veille et déposa un baiser sur l'épaule de Snape avant de se lever doucement. Mais lorsqu'il voulut marcher, une douleur au niveau des fesses lui arracha un grognement. Il entendit rire derrière lui et se retourna. Snape s'était réveillé en le sentant bouger et le regardait avec amusement en le voyant si mal en point. 
—  Tu ne m'avais pas prévenu de ça, lui reprocha Lupin. Ce n'est que la première fois, j'espère ? 
—  Ça peut arriver de temps en temps. 
—  Heureusement qu'on n'a pas cours, aujourd'hui, fit remarquer Lupin toujours sur un ton de reproche. 
—  Vois-le comme une gueule de bois : ce n'est jamais très agréable mais ça valait quand même le coup de se bourrer la gueule la veille, exposa Snape. 
—  Je suppose, répondit le loup-garou dans un mouvement d'épaule. 


       Boitant légèrement jusqu'à la fenêtre, il regarda le soleil qui brillait sur le parc encore humide de la tempête qui avait fait rage pendant les dernières vingt-quatre heures. 
—  Regarde, le temps s'est levé, c'est magnifique. 
Snape le rejoignit. 
—  Ça me rappelle cette balade sous l'orage de cet été. 
—  Oui. C'était bien, acquiesça Lupin en posant sa tête sur l'épaule de son compagnon. Merci d'avoir été si prévenant hier soir, ajouta-t-il. 
       Snape lui jeta un regard du coin de l'oeil, un demi-sourire aux lèvres. Il passa un bras autour de sa taille et l'embrassa dans les cheveux. Il ne savait pas vraiment pourquoi il avait cette impression, mais son loup lui avait toujours semblé fort gay pour un homme qui n'était sorti qu'avec des femmes, et il trouvait cela très mignon. Lupin passa lui aussi un bras autour de la taille de Snape. 
—  La première fois que j'ai été professeur ici, tu me détestais toujours, commença-t-il à raconter, mais moi, je me posais déjà des questions. Tu m'intriguais beaucoup, un esprit si brillant et si renfermé. Et déjà à l'époque, à force de te côtoyer, même si tu me rejetais plus ou moins, j'avais été très confus de me rendre compte de l'intérêt particulier que j'avais pour toi. 

Les loups ont des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant