Chapitre 29 : "Un peu plus loin"

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        Son hurlement raisonna dans toute la maison. Terrifiée, Narcissa fondit en pleurs, n'osant le regarder. Le lord noir lui-même ne l'avait jamais tant fait crier. Il se tordait sur le sol à s'en déboîter les membres, ses yeux se retournaient dans leurs orbites, ses muscles se contractaient si fort que sa peau en épousait la forme tendineuse dans les moindres détails, jusqu'à presque se déchirer. 


       Six sorciers et sorcières pointaient en même temps leur baguette sur Snape, tous lançant cette même et terrible incantation, celle de la souffrance ultime. 
       Seule torture que l'ancien espion de Dumbledore craignait, le premier doloris, lancé par Kyle bien sûr, avait été bien moins douloureux que ceux auxquels les années auprès du Seigneur des ténèbres l'avaient habitué. Il était durement tombé sur ses genoux, mais était resté droit, les lèvres étroitement serrées. Devant cette réaction bien faible, Kyle avait appelé du renfort. 
—  Ça ne te fait pas plus d'effet que cela, Snape ? Hmm, il fallait s'y attendre je suppose. Nous ne sommes pas grand chose à côté du maître. Eh bien voyons voir ce que tu vaux face à deux doloris simultanés. Elwyn ! 


       Le jeune homme à l'épaisse barbe noire avait tendu sa baguette à son tour, apparemment indifférent à ce qu'il s'apprêtait à faire. Le regard noir de Snape n'impressionna pas grand monde, cela faisait longtemps qu'il n'effrayait plus personne dans cette maison, démuni de tout moyen de répliquer. Mais la douleur, certes plus intense, ne le fit pas plier davantage. 
Le troisième lui arracha un grognement, déjà signe chez lui d'une extrême douleur. Il se mordit la lèvre et posa les mains à terre lorsqu'Amalia les rejoignit. Au cinquième, il s'effondra et dût user de toute sa volonté pour ne pas hurler à pleins poumons. Gareth, le bras droit de Kyle, venait de se joindre à eux et avait bien plus de puissance que ses congénères : ils venaient à cinq d'égaler la puissance du sortilège du Seigneur des ténèbres. Snape voulait vomir, sa peau était si brûlante qu'il aurait voulu l'arracher, et se débarrasser de ses os devenus épines transperçant sa chair. Il aurait voulu qu'on le vide de son sang bouillonnant dans ses veines à travers son corps, que ses muscles comme parcourus par la foudre fondent, qu'il s'évapore tout entier. Respirant difficilement, il tentait de rester maître de lui-même en s'appuyant au sol froid, dernier repère auquel, aveuglé par la douleur, il parvenait à se rattacher. 


       Une voix lointaine ordonna une nouvelle fois : 
—  Je crois que notre ami réclame une dernière personne. Braceus, nous ferais-tu l'honneur de partir un peu plus loin à la recherche des limites de l'homme ? 
       Une voix grave répondit mais Snape, envahi par une vague de panique alors qu'il se sentait déjà prêt à céder à la folie, ne distingua pas ses paroles. Lorsqu'il voulut tenter de relever la tête pour faire face à ses tortionnaires et que Braceus leva en même temps sa baguette vers lui, il crut mourir instantanément. Il oublia sa promesse de conserver son humanité pour Narcissa, il oublia les pires humeurs du lord noir, devenues simples caresses, il oublia le sol, il oublia qu'il était fait de chair, il oublia à quoi ressemblaient les hommes, il oublia qu'il existait. D'ailleurs, il n'existait plus : son être venait d'exploser de douleur. Sa peau ne brûlait plus, ses os ne transperçaient plus, il ne voulait plus vomir... Il était bien, bien au-delà de tout cela, de toutes ces petites douleurs. Et cette fois, Narcissa ne pourrait pas le sauver de la folie. 
       Si cela durait depuis une seconde ou cent ans, il n'en savait rien. Si le temps continuait de s'écouler, il le savait encore moins. Qu'il hurlait si fort que les flammes du feu dans le coin de la pièce s'agitaient, que ses cordes vocales s'en déchiraient, il ne le sut pas. Qu'il se tordait sans retenue, dans une totale indécence, sans pudeur aucune, sans humanité, il n'en avait pas la moindre conscience. 
       Il mourait continuellement sans jamais atteindre le repos salvateur. 

Les loups ont des sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant