Lupin se redressa en sursaut dans un halètement de peur. Son coeur battait si fort contre ses côtes que c'en était douloureux ; il peinait à faire rentrer suffisamment d'air dans ses poumons pour reprendre sa respiration et tout son corps était recouvert d'une désagréable couche de sueur froide. Les yeux grands ouverts, il voyait encore se dessiner dans un blanc lumineux et vaporeux sur le noir impénétrable de sa chambre à l'heure avancée de la nuit qu'il devait être, la silhouette terrifiante de l'ancien illustre directeur de Poudlard qui fondait sur lui. Il se passa une main sur le visage pour tenter de reprendre ses esprits et se frotta les yeux, faisant progressivement disparaître cette vision d'horreur imprimée sur sa rétine.
Tout son rêve repassait dans sa tête : les morts, Snape et Black disparaissant à travers le voile, ce Dumbledore cadavérique et accusateur... Enfouissant sa tête dans ses mains, il pensa alors avec colère que c'était vrai, tous ses amis les plus proches étaient morts, et bien d'autres personnes encore qu'il appréciait. Et à présent, ç'allait être le tour de Snape. Après ses parents, après tous les maraudeurs, après ses élèves, Snape était le suivant. Celui en qui Lupin avait trouvé le plus grand réconfort, en qui il s'était retrouvé le plus, avait reconnu ses goûts, sa façon de penser, celui qu'il lui semblait comprendre et qui semblait le comprendre, celui avec qui il avait envie de passer plus de temps qu'avec n'importe qui, même Sirius Black ou James Potter, allait mourir à son tour, si ce n'était déjà le cas. Et cela à cause de lui, parce qu'il n'avait pas su se défendre, parce que, comme d'habitude, incapable, il n'avait été qu'un fardeau ; Snape avait dû voler à son secours et en avait payé le prix. Tous avaient beau lui répéter que ça n'était pas sa faute, qu'il n'aurait rien pu faire, Lupin savait la vérité. Bien sûr qu'il aurait pu faire quelque chose, il aurait pu avoir de meilleurs réflexes, être plus puissant, empêcher Snape de le suivre...
Empêcher Snape de le suivre... C'était évidemment ce qu'il aurait au moins dû tenter de faire. Snape avait bien plus de valeur que lui ; plus intelligent, plus puissant, plus doué, plus courageux, c'était un héros de guerre, et lui, un loup-garou à l'aspect maladif. Mais la vérité, c'était qu'il avait espéré de tout son être que Snape viendrait le sauver, même s'il avait très vite compris que c'était un piège. Il était si terrifié qu'il ne souhaitait que ça, de voir sa haute silhouette mince apparaître devant lui, baguette brandie. Il avait d'ailleurs cru son salut arrivé lorsque la silhouette tant attendue avait enfin émergé d'entre les arbres, il avait senti ce soulagement ravi et plein d'espoir qui nous saisit lorsque l'objet tant convoité nous est enfin donné. Ce sentiment terriblement égoïste de vouloir être sauvé, même si c'est au péril de la vie de l'autre, Lupin l'avait ressenti si fort ce soir-là, qu'il savait que c'était justement dans toute son impuissance à agir que se trouvait sa culpabilité. Il était coupable de n'avoir pas été capable, coupable de l'avoir compris, coupable d'avoir alors compté sur quelqu'un d'autre, tout en sachant que ce quelqu'un d'autre allait tomber droit dans un piège en exauçant sa prière, et coupable d'avoir tout de même ardemment désiré voir cette prière se réaliser. Coupable de lâcheté en somme.
Snape n'aurait jamais eu cette faiblesse. Il ne l'avait jamais eue. Il s'était retrouvé dans tant de situations qui auraient légitimé une telle prière, mais jamais, au grand jamais, Lupin en était sûr, il n'avait émis ce souhait égoïste, immoral, lâche, qu'un autre vienne le sauver au péril de sa vie. Jamais il n'aurait pensé à mettre en danger la vie d'un autre pour la sienne.
Lupin, lui, n'avait pas cette force mentale, et jamais il ne s'était senti si peu légitime d'enseigner à de jeunes âmes en formation. En cette veille de rentrée, Lupin ne se sentait plus l'âme d'un professeur. Il n'était qu'un imposteur. Un professeur se devait d'être capable de protéger ses élèves, or lui était bien trop faible, il n'était pas même capable de se protéger lui-même, il n'était pas capable de protéger qui que ce soit. Il représentait en fait un danger plus qu'autre chose, il l'avait prouvé dans le passé : sa première année en tant que professeur à Poudlard, lors de la troisième année de Harry Potter, avait bien failli se finir par une attaque de loup-garou sur ses élèves, le-dit loup-garou étant bien évidemment lui. Comment pouvait-il alors s'autoriser à approcher de nouveau de jeunes âmes innocentes ? Encore une fois, par lâcheté. Il n'avait pas eu le courage de refuser le poste que lui avait offert McGonagall en mai, il n'avait pas eu le courage de refuser une place si confortable, de se refuser l'exercice du métier qui l'avait le plus comblé de tout ce qu'il avait pu expérimenter dans sa vie. Il ne méritait pas ce merveilleux poste.
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Les loups ont des sentiments
FanfictionSnape a été assassiné par Voldemort. Et pourtant, il est toujours vivant. Décidant alors de laisser son passé derrière lui après la chute du lord noir, Snape se laisse approcher par Lupin. Mais son passé, lui, ne semble pas tout à fait prêt à le la...