L'amitié

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- Natacha... J'ai pris le temps de réfléchir, à tout ce qu'il s'est passé en dix ans de vie commune.

Je remue la tête doucement, pour lui montrer que je ne suis pas en colère, mais aussi pour l'inciter à continuer. Antoine n'est pas du genre à parler à cœur ouvert. Il continue :

- J'ai été con, j'aurai dû te parler quand je n'allais pas bien. Au lieu de ça, j'ai préféré te tromper pour oublier ce qui me tourmentait.

Je suis soulagée qu'il me parle enfin, qu'il assume ce qu'il a fait, ou même qui il est. Il poursuit :

- Pendant toute notre relation, je n'étais pas bien. Comme tu le sais, mes parents n'ont pas été présents pour moi, je suis un enfant brisé, tout comme toi.

Je baisse les yeux, j'ai été égoïste. J'étais une enfant brisée, oui, et il a passé tout son temps à panser mes blessures et moi, je n'ai rien fait pour lui. Je relève les yeux vers lui où des larmes menaçent de s'échapper.

Je suis à fleur de peau ces derniers jours et je vois dans ses yeux toute sa peine... Avant que je ne puisse lui répondre, il reprend la parole :

- Je l'ai fait parce que je t'aimais et sachant que tu n'étais pas bien, j'ai voulu t'aider. Mais je me suis oublié pendant ces années... Bien que mes sentiments pour toi ont toujours été forts, quand je te regardais souffrir de ton passé, ça me rappelait également mes propres douleurs. Et donc, j'ai été voir ailleurs, de nombreuses fois, tellement que je ne pourrai te donner un nombre....

Je pleure à chaudes larmes, c'est une des premières fois où Antoine avoue ses fautes et qu'il m'explique, avec ses mots, pourquoi.

- Je suis désolée Antoine, je suis quelqu'un qui d'ordinaire est altruiste, j'ai toujours fait passer le bonheur des autres avant le mien, même si ça m'en coûtait. Mais avec toi, tu m'aidais tellement que je t'ai oublié, et puis ça a été pire quand j'ai découvert tes tromperies au fur et à mesure des années.

- Ne t'en veux pas Natacha, si je t'avais parlé, si j'avais assumé mes conneries et si tu avais su que mes démons me tiraient vers le bas, tu m'aurais aidé toi aussi... Je voudrai aussi que tu ne doutes jamais des sentiments que j'ai eu à ton égard, tu es la première que j'ai autant aimée. Tu n'as pas simplement été ma copine, tu es la mère de mes enfants mais aussi la meilleure amie que je n'ai jamais eu.

Je me lève et je vais le prendre dans mes bras, j'en ai autant besoin que lui. Nous pleurons ensemble et ça fait un bien fou. Je me rends compte également que je ne ressens rien, son odeur est commune, mon cœur ne bat pas comme il le fait avec Édouard...

Il me décale légèrement de lui, je m'assois à ses côtés et il continue :

- Je sais que j'ai été un connard de choisir la facilité, de fuir mes problèmes en te trompant et je sais le mal que je t'ai fait. Mais il faut que je t'avoue quelque chose.

Je deviens blême, qu'est ce qu'il a encore fait dans mon dos ?

- Quand tu m'as trouvé sur le canapé avec un autre homme, je ne savais pas encore. J'ai été attiré par lui sans que je ne sache pourquoi, mais j'ai pris le temps de réfléchir. Je suis bisexuel je crois.

J'écarquille les yeux et suis totalement surprise par sa révélation... Je n'ose pas prononcer un mot, je ne sais pas quoi lui dire, il reprend la parole :

- J'ai toujours senti qu'il manquait quelque chose à ma vie comme je te l'ai dit tout à l'heure, et, je m'excuse de te dire ça mais, cet homme que tu as vu chez nous, m'enlève ce poids à chaque fois que je suis avec lui.

- Oh.... je vois. Il faut que je te dise quelque chose moi aussi, puisque nous parlons sans tabou ce soir.

Je respire et je me lance :

- J'ai eu un coup de foudre pendant notre relation, ça remonte à trois ans. J'ai essayé de faire abstraction des sentiments nouveaux qui m'animaient mais encore aujourd'hui, je n'y arrive pas. Je ne t'ai pas trompé, mais je pense que si l'occasion s'était présentée, j'aurai sûrement fauté moi aussi.

Je baisse les yeux, honteuse de ma révélation. Il m'attrape le menton, me regarde et me sourit tristement :

- Je sais qu'il s'agit d'Édouard... Ça fait un moment que je m'en doutais...

Je pleure en lui disant que je suis désolée mais je ne comprends pas comment il a pu le savoir quand il reprend :

- Je l'ai découvert parce que toutes les nuits, quand tu dors, tu prononces son nom...

Mes yeux sont gros comme des billes, je fais ça moi ? Mais il continue :

- Je savais que ton cœur ne m'appartenait plus mais n'assumant pas ma bisexualité, j'ai continué de t'aimer... Je sais aujourd'hui que c'est un amour fraternel, tu as été ma meilleure amie et tu le resteras toujours, mais nous ne nous aimons plus, c'est une évidence.

- Qu'est ce qu'on fait maintenant ?

Antoine inspire et me dit qu'il faut qu'on arrive à être heureux, mais que nous deux, on ne peut plus continuer à se mentir.

Je suis d'accord, nos cœurs appartiennent à d'autres âmes...

- Ecoute Natacha, nous avons deux filles ensemble, et je ne veux pas te perdre. Je voudrai, si tu le veux bien, qu'on essaie d'être amis. Je tiens tellement à toi... Et puis, les filles ont besoin de nous deux.

- Oui, je ne veux pas te perdre non plus, Élise, Clémence et toi êtes les seuls à me connaître vraiment et j'ai besoin de vous dans ma vie.

Antoine m'attrape par les épaules et me fait un câlin. Quand il me relâche, nous nous sourions. Nous pouvons enfin avancer.

Je sèche mes larmes et nous appelons les filles pour leur expliquer notre séparation. Nous veillons à les rassurer, en leur disant que c'est notre choix à tous les deux et que nous sommes plus heureux comme ça.

Elles semblent plutôt bien accueillir la nouvelle, nous leur expliquons la future organisation, une semaine chez maman et une semaine chez papa. Nous nous sommes mis d'accord sur le fait qu'Antoine ne parlera pas de sa bisexualité tout de suite aux filles, elles sont trop jeunes pour comprendre. Il ne leur présentera pas d'hommes ou même de femmes dans l'immédiat.

Nous finissons la soirée dans la bonne humeur, soulagés d'un poids, installé depuis dix ans sur nos épaules.

Nous allons border les filles, et Antoine prend congés. Je me sens soulagée mais vide tout à coup. C'est le point final à notre relation et le début de ma solitude...

Je m'installe dans mon lit et j'appelle ma sœur. Je suis contente de lui parler, j'ai tellement de choses à lui dire...

Elle est en vacances en même temps que moi et je l'invite à venir les passer à Paris. Je propose qu'elle vienne avec Maeva, sa colloc et meilleure amie.

Elle débarque donc demain dans l'après midi. Sa meilleure amie travaille et pourra être présente que pour l'enterrement de vie de jeune fille d'Élise.

Oui, nous avons fait toutes les quatre quelques soirées inoubliables ! Maeva et Élise sont notre famille que nous nous sommes choisie avec Clémence.

Nous continuons de discuter un moment puis nous raccrochons en nous disant à demain, je glisse un je t'aime à ma petite sœur, ils sont très rares mais j'en ressens le besoin ce soir.

Je mets en charge mon téléphone et le pose sur la table de nuit. Je me couche et essaie de trouver le sommeil.

Je ressasse les mots d'Antoine et assimile le fait qu'il soit bi. Malgré tout, je suis vraiment fière de lui, qu'il assume enfin qui il est, et surtout qu'il soit heureux...

Je finis par m'endormir, rêvant que je suis dans les bras de celui qui fait chavirer mon cœur puisqu'il n'est à moi que dans mes songes.....

Coup de foudre à ParisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant