2. À bientôt

37 7 15
                                    

Serindë.


Éreintée, je m'allonge mollement dans la clairière dénuée de fleurs. Je me contente d'observer silencieusement les étoiles et la nuit noire qui n'est pas éclairée par la Lune ce soir-ci.

Mes combattants, déjà endormis, ne m'entendent pas soupirer.

Bien que mes membres sont engourdis par la fatigue et que mon mental dit « d'acier » ne se résume plus qu'à un tas de poussière, je ne parviens pas à trouver le sommeil. Mon esprit éveillé est bien trop préoccupé par ce qui va suivre.

Deux jours se sont écoulés depuis que l'escouade royale s'est réduite à cinq soldats dont moi.

Deux jours. J'ai raté le couronnement qui s'est déroulé plus tôt dans la journée.

Tout semble calme, comme si mon absence n'a pas eu d'impact, où alors, je n'en ressens toujours pas les effets.

Je ne ressens rien face à la situation. Pas même un peu de satisfaction d'avoir brisé la Charte. Je mets cela sur le compte de la fatigue bien que je suis persuadée que ce n'est pas le cas.

Si mon cerveau est occupé à trop penser, celui des soldats est détendu. Bien qu'ils ont passé la journée dans le sang et les meurtres, la fatigue les a déjà emportés.

Ils ne sont pas les seuls endormis. Il y a certainement bien d'autres personnes auxquelles Morphée n'a pas ouvert ses bras.


•••


Isil.


Nous sommes tous avachis sur la grande table en attendant Serindë Caizana.

Celeanar est dévastée et pleure silencieusement dans les bras de Cirdan, son meilleur ami, qui lui semble dormir.

Dagnir a rentré sa tête dans ses bras qui sont croisés sur la table et paraît dormir également. Seule sa respiration irrégulière le trahit, mais personne ne dit rien.

Quant à moi, j'échange quelques mots par intermittence avec Eöl.

Nous sommes tous épuisés.

Nous avons peur, nous sommes inquiets, nous sommes en colère. Une chose est sûre, Serindë a le don de nous faire passer par toutes les émotions sans même bouger le petit doigt.

La culpabilité qui me ronge les entrailles m'empêche de rester calme.

Je m'en veux. Oh oui, je m'en veux d'avoir couché ces mots sur le papier. Je m'en veux d'avoir banni mon amie alors qu'elle est sûrement blessée, voire morte.

Si je ne suis pas sûre que Serindë soit en vie, Cirdan, lui, la sait assurément vivante et en bonne santé. Il ne s'inquiète pas pour elle et l'a tout de même suffisamment fréquentée pour savoir que ce ne sont pas quelques troupes rebelles qui vont l'abattre.

J'aimerais avoir autant confiance en elle que lui.

-Allons Celeanar, je suis sûr qu'elle va revenir, chuchote Cirdan en serrant la pleurnicharde dans ses bras.

-Par pitié, arrête de pleurer, je grommelle si doucement que mes paroles s'éteignent contre les murs, inaudibles.

-Elle... Elle... Elle ne va pas revenir, sanglote-t-elle.

Inapte à la réconforter tant il est mal à l'aise, Cirdan se contente de frotter tendrement le dos de la jeune Reine. En voyant sa maladresse, je ne peux m'empêcher de rire.

Celeanar essuie maladroitement ses larmes de ses pouces et se défait de l'étreinte de son meilleur ami. Époussetant sa robe, elle est la première depuis des heures à briser le silence qui envahissait la pièce jusqu'à présent.

Eyelash BeatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant