Eyelash Beat

26. Médicalement correct

Serindë.

Je n'ai jamais éprouvé une pareille colère. Le traître - également complice de Lyeecia - est allé bien trop loin, profitant de notre absence à Dagnir et moi pour agir.

Je regarde la une du journal décoré d'une photo de mon dossier médical en espérant terriblement fort que Dagnir ne l'ait pas lu. Que personne ne l'ait lu.

Est-ce que leur vision de moi va changer ? Certainement.

UN RÈGNE MENSONGER ? ET SI LA REINE ÉTAIT FOLLE ?

Tenebris, depuis des années, prisonnier des mensonges, se libère de ses chaînes.
Serindë Caizana qui a toujours été un mystère, n'est aujourd'hui pas plus menaçante qu'un agneau.
Sa faiblesse découverte, elle ne peut plus assouvir son autorité sur son Royaume.
Mais elle ne peut également plus le protéger.
La Reine est follement malade.
Atteinte de TEI - Trouble Explosif Intermittent - depuis ses dix-neuf ans, un proche anonyme de la Reine nous a confirmé que notre Souveraine ne prenait pas de traitement excepté de nombreux antidépresseurs qui ne servent qu'à nuire un peu plus à sa santé.
Son proche nous a ainsi fourni une copie détaillée de son dossier médical nous confirmant bel et bien son étrange maladie.
"-Tenebris mérite de savoir." a-t-il dit.
Mais n'aurait-il pas mieux fallu rester dans l'ignorance ?

Je ne vois plus. Je ne sens plus. Comme si je n'existais plus.

-La presse, soupire Dagnir en s'asseyant à mes côtés. Toujours à se mêler de ce qui ne les regarde pas.

-Tu en penses quoi ?

Pourquoi l'avis des autres m'importe plus que le mien ?

-Rien du tout. J'aurais préféré savoir ça de toi, pas de la presse.

J'aurais préféré que tu ne l'apprennes pas du tout.

Désormais, tout le monde est au courant. Je n'ai jamais eu autant peur de ma vie.

Mon pire cauchemar est en train de se réaliser juste sous mes yeux.

Et je ne peux rien faire pour l'en empêcher.

-Pourquoi tu ne m'as rien dit ?

-J'aurais dû ? je demande, le ton empli d'un sarcasme déroutant.

-Oui ! Tu... Tu as mis en danger chacun d'entre nous !

Je m'éloigne de lui, blessée.

-Ta réaction me prouve que j'avais raison de ne rien te dire ! je m'écrie.

Il enfouit son visage dans ses mains comme si la situation l'importait plus que ce que j'y accorde de l'importance.

-Tes crises de colère auraient pu nous tuer.

Mais elles m'ont tuée, moi.

Malgré moi, je suis terriblement blessée par sa réaction.

-Je pensais que nous étions... amis, je chuchote si doucement, espérant malgré tout qu'il ne m'entende pas.

-Mais nous ne sommes pas amis !

-Comme tu le dis si bien, nous ne sommes pas amis. Alors pourquoi j'aurais parlé de mon trouble à quelqu'un en qui je n'ai même pas confiance ?

À son tour, il semble blessé. Mais après tout, nous ne sommes pas amis, pourquoi voudrais-je me préoccuper de ce qu'il ressent ?

-On se connait depuis treize ans !

-On se déteste depuis treize ans, je rectifie.

Il secoue la tête, m'indiquant que je ne le comprends pas.