1. Sang versé

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Serindë.


Ma lame s'enfonce dans un bruit de succion dans la gorge de l'ennemi. Le sang de ce dernier éclabousse mon visage pâle qui était jusqu'à présent immaculé.

Lentement, je retire l'arme de la carotide du combattant ennemi tout en ordonnant au cheval que je montais de s'arrêter. Je descends du dos du destrier et essuie la lame de mon épée sur mon haut déjà maculé par le sang.

-Ma Reine, m'interpelle un de mes derniers soldats encore en vie parmi l'entièreté de mon escouade. Le couronnement de Sa Majesté le Roi des Mers est dans moins de deux jours. Au rythme auquel nous allons, cette bataille prendra plus de temps que prévu et vous serez déclarée absente.

Si le Royaume abandonne le combat contre les troupes rebelles qui ne cessent d'envahir Sinia, le Royaume des Ténèbres signera sa propre déchéance.

La guerre doit continuer, qu'il y ait le couronnement du Roi des Mers ou non.

Le fait que je ne lui réponde pas encourage le soldat à continuer la discussion.

-Nous allons briser la Charte.

La Charte. Elle est le dernier de mes putains de problèmes, à ce jour.

-La Charte est moins importante que les troupes rebelles. On ne peut pas laisser le Royaume s'effondrer, je soupire, ennuyée par la tournure que commençait à prendre cette discussion.

-Madame, il ne faudrait pas sous-estimer le pouvoir qu'à la Charte sur les six Royaumes, intervient une voix rocailleuse appartenant à un second soldat.

Bien que j'étais déjà furieuse, je me sens d'autant plus irritée à la seconde évocation de la Charte. Tout en resserrant la sangle autour de ma taille qui maintient le fourreau dans laquelle siège son épée, un soupir désespéré s'échappe de mes lèvres et j'ignore volontairement le combattant.

-Le combattant que j'ai abattu ne devait pas être seul. Fouillez les environs.

Lesdits environs ne sont qu'un simple chemin entouré de grandes clairières à l'herbe jaunie par la sécheresse. Les quelques arbres visibles sont morts et font tâche aux grands bosquets jaunes qui entourent les clairières.

Le dégout tort les traits de mon visage lorsque ma botte écrase une baie noire au sol. Les baies noires écrasées tout au long du chemin indiquent à la troupe une présence autre que la nôtre. Une présence ennemie.

L'épée en main, les derniers soldats constituant notre petit groupe s'éloignent des destriers sagement accrochés à un arbre mort. Leurs bottes tachées par la terre foulent silencieusement le chemin sec. Seuls le bruit des respirations irrégulières des combattants perturbent le silence qui entoure les clairières.

Un hurlement de rage coupe court au silence pesant.

Les troupes rebelles.

Nous n'avons à peine le temps de bouger qu'un coup d'épée s'abattit sur le soldat dont la voix rocailleuse appartenait à celui qui avait tenté de contester ma décision concernant la Charte précédemment. Je viens de perdre un énième soldat.

Le sang du soldat gicle et sa dépouille s'effondre au sol.

L'escouade royale, la semaine dernière, était constituée de trois-cent cinquante soldats près. Neuf jours après, nous ne sommes plus que sept. Six en comptant le soldat décédé.

D'un mouvement brusque, j'égorge - non sans regrets - le soldat qui vient d'assassiner mon camarade.

-Nous avons perdu trop de soldats. Rentrons au Royaume, suggère un soldat dont le nom m'est inconnu. D'autant plus que la Charte stipule que...

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