Eyelash Beat

27. Un verre de plus

Serindë.

Je frotte mes avant-bras jusqu'à ce qu'ils me soient douloureux.

Mon regard croise mon reflet dans le miroir, et je ne vois que le sang qui goutte de mes mains, puis qui disparaît, emporté par la pâleur de l'eau.

Je ne me rappelle pas de la dernière fois où je me suis sentie autant horrible qu'aujourd'hui.

J'avale rapidement mes médicaments quotidiens tout en les faisant passer avec une rasade d'alcool pour en amplifier les effets.

Mais l'alcool est bien plus qu'une boisson. Souvent, elle devient une addiction.

Et une gorgée ne suffit plus. Alors, le contenu de la bouteille descend à mesure qu'il s'enfonce dans ma trachée.

Pourquoi suis-je stupide à ce point ?
Pourquoi Aerin m'a laissée pour Isil ?
Pourquoi Dagnir repousse à ce point mon trouble ?

-Passe une bonne soirée Serindë. Je rentre à Maria.

Je ne peux que passer une bonne soirée en étant ivre.

-Pourquoi tu es venu me dire au revoir, Dagnir ?

-Je ne sais pas.

Je comprends.

Non. Je ne comprends plus rien.

-Tu es venu pour que l'on se dispute à nouveau.

-Je ne veux pas qu'on se dispute, il souffle.

Je quitte la salle de bain, emportant avec moi une multitude de bouteilles qui seront vides lors des premières lueurs de l'aube.

Je finis par m'installer sur le rebord de la fenêtre, où Dagnir soupire avant de s'installer à côté de moi.

-Ainsi, tu changes d'avis ? je demande sarcastiquement en lui passant la bouteille, bien trop arrachée pour comprendre mes propres intentions.

-Je ne peux pas rester loin de toi.

Ne me fuis pas.
Reste avec moi.

Sa présence est une malédiction.

Mais j'ai besoin qu'il me maudisse.

Ce n'est plus une envie, comme lorsque nous étions plus jeunes.

C'est devenu un besoin.

Le goulot de la bouteille touche ses lèvres, et il finit par se laisser tenter par le goût divin de l'alcool.

Et l'alcool délie les langues afin de les faire valser.

-Tu me fais penser à ma mère, Serindë.

-Ta mère est morte, je chuchote.

-C'est vrai, il avoue pas le moins du monde blessé. Elle s'est suicidée.

Il se tourne finalement vers moi, et sa main trouve la mienne dans le but de me redonner la bouteille.

Il me regarde, et ses yeux portent toutes les peines du monde.

-Elle s'est tuée le jour de son anniversaire. Mon père la frappait. Et je ne l'ai jamais remarqué. Pas une seule fois. La veille de son anniversaire, elle voulait que je passe la journée avec elle, mais comme un idiot, j'ai refusé. Je ne savais pas que le lendemain, j'allais la retrouver allongée sur le carrelage de la salle de main, morte d'une overdose de médicaments. Elle n'arrivait plus à vivre dans la peur de mourir des mains de son mari. Du père de son enfant. Alors, elle a préféré se tuer avant qu'il ne le fasse.