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[Qu'une illusion.]

C'est bien la double peine de l'alcool : une nuit sans rêve et un réveil difficile. Malheureusement, j'ouvre les yeux bien avant l'heure. Je n'ai dormi que quelques heures à peine. Il est six heures et je me lève non sans mal.

J'attrape mon baladeur, je fouille dedans, je cherche une chanson, sans trop savoir laquelle. Je ne trouve pas d'ailleurs, alors je choisis de trier mes morceaux par ordre chronologique et je remonte, loin, loin, loin, j'arrive dans les années soixante-dix et là je sais. The Rolling Stones, Fool To Cry. Je lance la musique, j'active le mode répétition et je me prépare silencieusement.

Je suis très en avance pour aller en cours, mais j'ai envie de traîner près des docks. En marchant devant le café, encore fermé, je vois de la lumière et quand je passe, Tom sort. Il m'attendait.

— Loïs, attends !

Je me retourne, je lui balance un regard noir et je continue mon chemin, mais il me rattrape.

— S'il te plait, laisse-moi t'expliquer.

— M'expliquer quoi, ton insulte ? Je l'ai saisie, crois-moi.

— Mais...

— Tom, il est sept heures du matin, j'ai la gueule de bois et je ne suis pas d'humeur. Tu es vraiment sûr de vouloir faire ça maintenant ? Tu risques de ne pas apprécier.

Il s'arrête et me regarde partir. Quelques instants plus tard, je reçois un message de sa part : « Passe quand tu peux, s'il te plait. »

Je continue mon chemin, la ville se réveille tranquillement. En arrivant sur les quais, j'achète un chocolat chaud à emporter et un croissant, je m'assois plus loin près du bassin Vauban, les jambes dans le vide. Je prends paisiblement mon petit déjeuner. Mon esprit s'éclaircit au fur et à mesure. Je m'allonge au bord du quai et je regarde les couleurs du ciel se mélanger, prendre vie. Le jour se lève bientôt et j'aime ce moment. La musique change et me fait penser à Alex.

Moi : « Allongée sur le quai, écoutant la musique... »

Alex : « Belle idée, tu es avec qui ? »

Moi : « Marguerite et Damien. »

Alex : « Un rapport avec ton dernier coup de cœur ? »

Moi : « Oui. »

Alex : « Moi aussi. »

« Parlait-il de moi ? », pensé-je.

Moi : « Tu viens te réfugier avec moi ce soir ? »

Alex : « Évidemment. »

Moi : « 18 h, au square près de chez moi. »

Alex : « Noté. »

Je décide d'envoyer un message à Tom : « 17 h, au café. »

*

La journée s'avère difficile, mais relativement productive au vu des circonstances. Je constate quand même que j'ai pris un peu de retard cette semaine. Il faut que je me reconcentre un peu. L'été est fini, je dois bien m'en rendre compte.

J'arrive au café et pousse amèrement la porte de ce que j'appelais, il y a quelque temps encore, mon refuge, ma maison. Je regarde brièvement l'endroit. Je vois le fauteuil et le tapis que j'ai chinés en brocante, les caisses de vinyles que j'entrepose ici et mon juke-box. Je comprends que je suis prête et que je dois parler à Tom.

Folie toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant