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[Vertige de l'amour.]

La première nuit dans l'appartement se déroule paisiblement. Et ça fait du bien ! Je suis étonnée de constater que le logement est bien isolé, car le bruit du bar ne me dérange pas. Tout doucement je prends mes marques. Je sors de la salle de bain enroulée dans ma serviette quand je sursaute en trouvant Renaud sur mon canapé.

— Tu n'as aucune limite, mec !

— Non.

— Et surtout, pourquoi possèdes-tu une clef ?

— Pour arroser tes plantes.

— Renaud ?

— José me l'avait confié, je suis venu te la rendre.

— Bien, mais je veux quand même que tu arroses les plantes.

— Ce n'est pourtant pas compliqué, au moins ça ne pisse pas partout comme un..., commence Renaud.

Je le regarde, un peu perturbée, car sans comprendre, ma tête est partie ailleurs. Loin, et elle panique.

— Quoi ? Quel jour sommes-nous ?

— Euh, le vingt-huit février, je crois. Je te parle de chaton et toi tu me renvoies au calendrier. Tu me sembles si bizarre parfois.

— Un chaton ?

Mais je n'écoute même pas sa réponse, je compte dans ma tête inlassablement, sans jamais parvenir à trouver une réponse satisfaisante. Je fouille dans mes affaires en cherchant un calendrier que je ne trouve pas. Je reprends mes calculs en dénombrant sur mes doigts tout en faisant les cent pas dans l'appartement.

— Loïs, je sais que je ne dois pas te poser la question, mais tu m'inquiètes là.

Renaud surgit devant moi et ses mains atterrissent fermement sur mes épaules pour m'immobiliser.

— Merde ! Donne-moi mon téléphone. Dépêche-toi !

Ma voix exprime ma panique et puis mes gestes me paraissent trop brusques. Je suppose que Renaud s'en aperçoit, car il agit efficacement. Si bien que six secondes lui suffisent pour me le tendre. Je fouille dans mon répertoire les mains tremblantes et je fais glisser mon doigt sur l'écran. Je dois m'y reprendre à trois fois avant de parvenir à déclencher l'appel.

— Bonjour, c'est Loïs. Excuse-moi d'appeler sur ta ligne privée, mais j'ai une question à te poser. C'est urgent.

La voix douce de Julie contraste avec la panique qui secoue la mienne. Elle m'invite calmement à lui expliquer ce qui me tracasse. Je me retiens de lui dire que je ne suis pas tracassée, que j'ai dépassé ce stade depuis le moment où mes calculs sont tombés faux trois fois de suite.

— Avec mon stérilet, je ne peux pas tomber enceinte, on est bien d'accord ?

Renaud encaisse le choc en me prenant la main.

— C'est le but, mais ça peut arriver. On en a parlé, tu te souviens ? Pourquoi me poses-tu cette question ?

— Je viens de réaliser que j'ai du retard.

— Ce peut arriver, souvent même. Avec le stress, par exemple. Combien as-tu de jours de retard ?

— Dix-sept jours.

— D'accord. Alors voilà ce que tu peux faire, Loïs. Tu peux d'abord faire un test de grossesse urinaire. Tu en trouves en pharmacie ou au supermarché. Dans tous les cas, peu importe le résultat, viens me voir à quatorze heures, je peux te caler un rendez-vous.

Je raccroche. Le silence devient oppressant, mais je ne parviens pas à le rompre. Renaud non plus. Pourtant il est là, pour moi et avec moi. Il s'assied à mes côtés, sur le bord du lit. Est-ce qu'il pense que j'ai besoin de silence ou est-ce qu'il ne sait tout simplement pas quoi dire ? Que dire ?

Folie toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant