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[Il faut qu'on parle.]

Nettoyage. Ponçage. Peinture. Montage. Voici ma nouvelle routine ! Emma, Alex, Renaud et moi passons nos journées à travailler dans ce qui sera prochainement le Echo Home.

J'ai passé mon dernier examen, je n'aurais mes résultats que dans quelques semaines. Peu importe, puisque je dois suivre le chantier. Un artisan basé dans le quartier de l'Eure, lieu de résidence de mon entreprise, a déjà effectué quelques travaux concernant l'électricité, les accès et les points d'eau. Avec son équipe, ils ont également monté des cloisons telles que nous l'avions convenus ensemble, grâce aux plans de la talentueuse Emma.

Dorénavant, en plus d'un grand espace commun, il existe trois bureaux de taille similaire et un double bureau semi-cloisonné pour Renaud. Il y a aussi une petite salle de bain avec des toilettes, une local aveugle, qui servira de chambre noire et une salle de reprographie. Dans la pièce commune, Emma a prévu d'aménager une cuisine avec une immense table pour manger, faire des réunions, recevoir des clients ou animer des ateliers.

La première étape pour nous est de peindre les murs qui ont été construits et de nettoyer les parois en briques déjà peintes en blanches, quoiqu'un peu défraîchies, mais qui ont beaucoup de charme. Pendant que je termine de peindre mon futur bureau, Emma nettoie les murs de la salle commune, tandis que Renaud et Alex s'occupent du futur Ancrage Studio. Les deux bureaux vides resteront à l'état brut pour le moment, le temps de trouver des collaborateurs.

*

Je suis complètement absorbée par mes pensées, peindre me détend et je le fais avec plaisir. Je repense à Alex. Deux jours après avoir écoutée l'histoire de Capitaine Futur, il a entrepris de me raconter son aventure. Il était allongé dans mon lit quand il a commencé son récit.

— Quand je suis parti au Canada la première fois, après les vacances de Noël, j'étais bouleversé. Toi et moi, on venait de découvrir les petites madeleines que ma mère avait éparpillées et je pensais les avoir plutôt bien accueillies. Mais quelque chose s'est réveillé en moi à ce moment-là, un je-ne-sais-quoi qui prenait de plus en plus de place dans mon esprit. Pour me protéger, j'ai arrêté d'écrire. Tu l'as remarqué sans doute, Loïs. Quand j'écris, surtout la nuit, je me laisse souvent divaguer et je craignais de laisser sortir cette chose, de poser sur le papier ce que je ne voulais pas voir. Je redoutais de me souvenir.

» Mais un jour, j'ai décidé de prendre un risque et j'ai appelé mon père, je souhaitais relire ce qui m'avait tant perturbé avant le décès de ma mère, ce que j'avais une nouvelle fois enfoui au fond de moi. J'espérais lire ce que je craignais d'écrire sur le moment, mais que j'avais déjà rédigé étant enfant. Quand mon père m'a proposé de venir chez lui, je me suis revu à huit ans. J'aurais tellement désiré entendre ces mots lorsque j'étais petit. À ce moment-là, j'ai cédé et j'ai voulu partir. Je voulais le revoir, tu comprends ?

» Je ne l'avais pas revu depuis si longtemps, même pas pour l'enterrement de ma mère. Je lui avais interdit. Quand je l'ai vu, c'était très difficile, je souhaitais lui poser plein de questions, mais en même temps, je lui en voulais. Et j'avais l'impression de trahir ma mère. J'ai fini par lui poser la question. Je lui ai demandé pourquoi il n'avait pas été présent. Je devais comprendre ce dont ma mère me parlait. Il m'a raconté ce que je vous ai expliqué au téléphone.

» Puis, nous sommes allés dans sa cabane à la montagne, dans son refuge. Au début, c'était pour visiter, pour profiter de mon voyage. Mais j'y ai trouvé du réconfort, j'y ai rencontré un père, j'avais l'impression de connaitre cet endroit. Je pensais à toi et à tes refuges et j'avais le sentiment de te comprendre mieux que jamais. C'est là que je t'ai écrit, Amour. Les premiers mots que j'ai réussi à poser sur du papier étaient pour toi.

Folie toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant