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[Et tout implose.]

Le père d'Alex m'a promis de me tenir au courant. Et il tient promesse. Il m'envoie un message à chacune de ses étapes et Renaud passe des heures sur son écran à suivre l'avancée de ses différents vols. Deux jours plus tard, il arrive enfin sur le sol canadien. À des milliers de kilomètres de chez lui, car il a choisi l'aéroport le plus proche.

Le lendemain, il est en route pour le refuge et si j'en crois son dernier message, il devrait y parvenir dans quelques heures. Renaud et José patientent à mes côtés, comme deux rocs, m'aidant à tenir le coup. Le silence est de mise, et comme si cela ne suffisait pas, la pluie rend l'ambiance morose.

Je sursaute quand mon téléphone sonne et Renaud pousse un juron. Je tremble tellement que je n'arrive pas à décrocher. José prend une profonde inspiration, le genre bruyant, mais aussi le genre rassurant. Je cale ma respiration sur la sienne et mon doigt glisse sur l'écran.

— Loïs...

Quand j'entends le son de sa voix, je ne peux m'empêcher de pleurer violemment. Il n'a prononcé que mon prénom, mais c'est lui. Même si sa voix m'apparait faible et chevrotante, c'est la sienne.

José et Renaud essaient de m'apaiser en me tenant la main, en caressant mon poignet, en pressant mes doigts, en chuchotant des mots d'encouragement. Seulement, je ne perçois rien d'autre que la voix d'Alex qui me parle, qui s'excuse, qui me dit qu'il m'aime. Il m'est impossible de lui répondre, alors il continue. J'écoute ses mots et j'entends ses larmes.

L'envie de le consoler devient viscérale. Je ne supporte pas sa souffrance. Je voudrais lui dire que je suis là pour lui, que je l'aime et que je le comprends. Je souhaiterais lui apporter mon soutien, lui dire que ce qu'il traverse est inconcevable, que la vie est injuste. Et j'aimerais lui exprimer à quel point je le trouve courageux.

— Alex...

— Oui, Amour.

J'entends ses pleurs, mais lui écoute mes reniflements.

— Ton père te l'a annoncé ?

— Oui.

Nous restons silencieux un instant. Que dire ? Ça aussi j'aurais peut-être pu y réfléchir avant.

— Je suis en route, reprend-il d'une voix à peine plus posée. Je prends le premier vol. Je serai là dans deux jours, Loïs. Je t'en supplie...

Et voilà, je le sais. Je sais enfin quoi dire, si bien que je lui coupe la parole de peur de reculer.

— Alex, j'avorte demain.

Est-ce que j'ai l'impression d'avoir lâché une bombe ? Non, pas encore.

— Demain ? répète-t-il d'une voix lointaine.

— Oui, je voulais juste que tu sois au courant.

— Je serai là à ta sortie. Je vais prendre soin de toi, Amour.

— Tu avais raison, c'est beaucoup trop dur d'entendre ta voix, Alex.

— Non. Non, non, non, ne dis pas ça, Amour, s'il te plait...

— C'est beaucoup trop douloureux.

Je sens tout mon corps qui vacille, pas de peur, mais de douleur.

— Non, reste Loïs. Reste avec moi, ne raccroche pas.

— Tu m'as demandé d'être courageuse, tu te souviens ?

— Oui, Amour. Et tu es la personne la plus courageuse que je connaisse. Je t'aime et...

— Alors, promets-moi une chose, veux-tu ?

Folie toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant