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[Le refuge.]

Quelques jours plus tard, Renaud et José me rejoignent dans l'appartement d'Alex.

— C'est bizarre d'être sans lui, non ?

— Oh, Renaud, ne m'en parle même pas.

— Comment s'est passée ta semaine ? me demande José.

— J'ai visité des locaux avec Lena et Emma.

— Lena ?

— La copine de Maël, vous vous souvenez ?

— Où ça ? me questionne Renaud qui se sent très concerné.

J'entreprends de leur raconter, en commençant par jeudi, quand Emma et moi avons retrouvé Lena à la gare de Rouen. Autour d'un café, elle nous a exposé le programme. Dès ces premiers instants, j'ai tout de suite pu voir à quel point Emma et Lena s'entendaient bien. Même si elles se rencontraient pour la première fois, elles partagent de nombreuses choses en commun, à commencer par l'architecture et l'aménagement d'intérieur.

Le premier endroit que nous avons visité au centre-ville était un immeuble de trois étages en plus d'un local commercial au rez-de-chaussée. Plein de charme et idéalement situé, selon Emma. J'étais moins emballée, car les espaces étaient trop cloisonnés.

Je cherche un lieu où nous pourrions être au moins cinq collaborateurs, il nous faut donc de la place pour cinq personnes avec au minimum deux salles communes. L'une pour un studio photo et l'autre pour un laboratoire graphique. Toutefois, visiter un tel lieu m'a permis de me projeter et de prendre conscience des limites et des contraintes que je dois m'imposer.

Nous avons ensuite exploré l'entrepôt dont elle m'avait parlé sur les quais. Plus en retrait du centre, cet endroit était en fait un espace brut sans aucune cloison. Emma avait plein d'idées, elle était capable de se projeter, ou plutôt elle pouvait aisément imaginer mon entreprise dans ce lieu. Mais moi, pas du tout. La superficie et l'environnement correspondaient toutefois plus à mes besoins. J'ai donc demandé à Lena de m'envoyer toutes les informations concernant l'entrepôt.

C'est un espace qui se loue, alors que le bâtiment est un achat. La question du budget est encore très floue pour moi. Et il est évident que je vais devoir m'en inquiéter. Je dois finaliser mes objectifs quantitatifs et rechercher les solutions de financements pour pouvoir le définir, mais j'ai décidé de ne pas avoir de pensées limitantes pour le moment. Après tout, il faut bien que je débute quelque part, afin de comprendre ce qui est possible ou non. Le soir même, Lena m'a envoyé les informations utiles et les conditions de location. Elle a aussi transmis les plans à Emma, qui s'est trouvée si inspirée et motivée, qu'elle a déjà commencé à faire des esquisses.

Le vendredi, Lena nous a rejoints au Havre et nous avons marché jusqu'au quartier de l'Eure, situé derrière le quartier universitaire. Quand le vieil immeuble en brique blanche, surmonté d'un nombre de fenêtres absolument démesuré, s'est dressé devant moi, j'en eu le vertige. C'est en réalité une bâtisse située dans l'angle d'une rue, avec trois entrées.

Du côté de la rue majeure, il y a une lourde porte en bois, faisant office d'entrée principale. À l'intérieur, les hauteurs sont incroyables et un monte-charge, entouré d'un fabuleux escalier en bois, s'élève jusqu'au quatrième étage. Au rez-de-chaussée, il y a un entrepôt pourvu d'une grande porte coulissante prévue pour accueillir des conteneurs. Plus loin, donnant sur une rue plus discrète, une porte semi-vitrée mène dans une ancienne boutique de vêtements de danse. 

Quand je suis rentrée dans cet endroit, avant même de parcourir les étages, le sentiment de pénétrer dans un lieu qui parait avoir vécu plusieurs vies humaines m'a flanqué des frissons.

Folie toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant