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[Tu as de la crème ?]

Alex est assis par terre, l'arcade sourcilière ouverte.

Cette bagarre a réussi à vider le bar un peu avant la fermeture. Je tourne la clef dans la serrure. Face à lui, il semble désemparé. Avant que je ne puisse l'atteindre, il se relève, il me fuit.

— Je vais y aller.

— Il t'attend peut-être en bas de chez toi.

Je me dirige derrière le comptoir afin de récupérer mes affaires. Je pousse la porte battante et je patiente. Il ne bouge toujours pas, mais au moins, j'ai retenu son attention.

— Tu peux me faire confiance, Alex.

— Je te suis, cède-t-il finalement.

Il s'engouffre dans la cuisine, j'insère ma clef dans la serrure et j'entre dans l'appartement. Il hésite, mais franchit le pas en refermant derrière lui. Il regarde mon nouveau lieu de vie avec prudence, je ne l'ai jamais vu aussi peu à l'aise chez moi. J'abandonne mes chaussures sur le tapis, lâche mon sac au sol et me dirige vers la salle à manger.

— Tu veux bien approcher, que je puisse te soigner ?

Il imite mes mouvements, délaisse ses baskets et vient s'installer sur la chaise.

— Par quoi est-ce que je commence, Alex ?

Car même si j'ai investi dans une trousse de secours, à la suite du cambriolage de Renaud, je ne sais pas l'utiliser.

— Tu nettoies ma plaie avec une serviette propre et humide, m'explique-t-il après avoir inspiré profondément.

En revenant de la salle de bain, je n'en mène pas large. Je suis à fleur de peau et j'ignore comment je peux réagir en entrant en contact avec lui. Je trempe le linge dans un bol d'eau tiède, je l'applique délicatement sur son arcade, en prenant soin de ne pas le toucher avec ma peau. Il ferme les yeux et se crispe.

— C'est douloureux ?

— Continue, balaie-t-il.

Je reprends mon geste et je repose la serviette sur la table.

— Ensuite ?

— Est-ce que tu as des strips ?

Je fouille dans ma boite et j'en trouve quelques-uns. Alex doit percevoir ma perplexité.

— Tu dois les mettre perpendiculairement à la plaie.

Autrement dit, je vais devoir le toucher. Pour de vrai, cette fois-ci. J'inspire profondément, rien ne peut me préparer à ça, autant ne pas trop y penser. Je souffle sur sa blessure pour qu'elle sèche un peu, et il retient le sien. Je m'empare d'un premier pansement que j'applique avec délicatesse sur son arcade. Quand je l'effleure, j'éloigne mes mains aussitôt, comme si je m'étais brûlée.

J'en attrape un second que je pose sur le bas de la coupure, cette fois-ci mes doigts s'attardent plus longtemps, jusqu'à ce que la chaleur de sa peau m'imprègne. Ma respiration devient le reflet de mes émotions et s'emballe maladroitement. Et c'est loin d'être fini. Je recule. Alex se lève, grimace, grogne, la main plaquée sur le côté.

— Enlève ton t-shirt.

— Loïs, je..., je vais...

— Je te propose mon aide, Alex.

La culpabilité que je lis dans son regard me déstabilise. Il acquiesce et je m'approche encore un peu, je pose mes paumes sur ses hanches. Je tente de repousser les souvenirs qui affluent sous forme de flashs dans mon esprit. J'enroule mes doigts dans la maille fine de son t-shirt et je le soulève lentement. Les yeux clos, je me concentre sur son odeur. Comment pourrais-je faire autrement quand elle m'a manquée si souvent ?

Folie toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant