Folie toujours

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[Le bateau qui tangue.]

Le printemps s'étiole doucement et j'arbore avec fierté mon second tatouage, Le bateau qui tangue. C'est mon Renaud qui m'a proposé de passer sous son aiguille, il m'a confié qu'il me sentait prête. Cette session était à l'opposé de la première. Je l'ai accueilli avec sérénité. Il est vrai que je me sens bien, qu'il est temps pour moi de tourner la page. Je ne coule plus, je tangue encore un peu, mais je suis bien.

Nous nous retrouvons souvent à la plage où nous faisons des soirées entre amis. Au bout de quelques nuits, nous sommes devenus experts en organisation.

Emma emporte toujours deux ou trois coussins. Ben a pour mission d'allumer du feu dans un brasero nomade. Renaud vient avec deux skimboards pour nous amuser à glisser sur l'eau à marée basse. José et David apportent des plaids. Tom nous rejoint parfois et alors il rythme nos soirées avec des jeux de société. Quant à moi, je m'occupe de la musique. Et nous fournissons tous de quoi boire et manger. Maël et Quentin se mêlent quelquefois au groupe. À force de se croiser, ils sont devenus amis et font du covoiturage pour parvenir jusqu'à nous.

Ce soir-là, nous sommes tous présents et nous fêtons l'arrivée de l'été. Je m'amuse avec Ben au bord de l'eau, je saute à pieds joints sur la planche, elle glisse d'un coup et je perds l'équilibre. Un splash, suivi d'un éclat de rire, se mêlent à une mélodie qui m'interpelle.

Je cours vers les autres rassemblés en cercle autour d'un feu, pour monter le son. Frisson. Je ferme les yeux et me laisse emporter par la chanson. C'est si familier, si plaisant. Je commence à danser, céder le contrôle à mon corps, m'abandonnant à la musique. Je rouvre les yeux et m'étonne de trouver la bande qui m'observe, silencieusement, mais le sourire aux lèvres.

— J'ai une algue collée aux fesses ?

— Ça fait plaisir de te voir comme ça, dit Emma.

— Avec un hématome sur la hanche ?

— Tu sembles heureuse, continue David.

— Oh.

— Et sereine, ajoute Tom.

— Ça devient gênant, non ? intervient Renaud.

La nuit se termine doucement et il ne reste plus que lui et moi. Renaud a été nerveux toute la soirée et à présent que nous sommes seuls, il est fuyant.

— Renaud ?

Il marmonne un bref oui, les yeux toujours rivés sur la mer. Il se contente de lancer des galets dans l'eau.

— Il t'a contacté, n'est-ce pas ?

— Oui.

J'attrape à mon tour des pierres. Le bruit des vagues qui s'écrasent devant nous, l'eau fraiche qui effleure nos pieds et l'odeur salée m'enveloppent dans une bulle. Le temps s'étire à une allure étrange, mes émotions sont indéchiffrables.

— Des recommandations, trésor ?

— Pour toi ou pour moi ?

— Je prends tout.

— J'ai besoin de...

Je fais tomber tous mes galets d'un coup, manquant de peu mes orteils, et je pivote vers lui.

— Je crois que j'ai besoin de ne pas savoir.

Renaud laisse échapper un éclat de rire qui réchauffe l'ambiance.

— Je ne comprends plus, signal brouillé.

— Je ne veux pas savoir quand il rentre et je ne veux pas qu'il cherche à me voir.