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[La ruelle.]

La journée de vendredi commence par un cours de commerce, puis continue par des recherches graphiques pour l'identité visuelle de mon entreprise. Je me freine constamment sur ce point, tout simplement parce que c'est la partie que je préfère, celle qui m'anime. Malheureusement, je n'en suis pas encore là dans mon projet. Il me reste de bien trop nombreux points à définir avant de pouvoir m'amuser pleinement. La musique dans mes oreilles rythme mes flâneries dans les rues du Havre, jusqu'à ce que je parvienne devant un long bâtiment fait de briques et de portes de garage bleues.

— Alors c'est le bon jour à votre avis ? nous demande Emma.

— J'espère, j'ai déjà loué un nettoyeur vapeur pour le week-end.

— Oh, c'est une bonne idée, Loïs ! se réjouit Tom.

Nous entrons dans l'entrepôt de meubles et d'objets d'occasion et nous partons à la recherche de notre canapé de préférence en velours capitonné. Nous traversons les différents halls, sans un regard pour les amas de choses curieusement rangées de l'espace bric-à-brac, sans aucune considération pour la vaisselle souvent ancienne et dépareillée, sans renifler l'odeur des livres de seconde main, non, notre objectif se situe tout au fond, dans la section du mobilier. Emma qui a pris les devants en nous imposant une allure soutenue s'immobilise d'un coup et l'on s'écrase l'un après l'autre sur elle.

— Eh, vous avez vu ? lance-t-elle en partant en courant s'asseoir sur un fauteuil en velours de couleur kaki, orné de franges. Cool, non ?

Elle s'amuse à battre des jambes et des cils en buvant un café imaginaire.

— Oui, mais il nous faudrait la version trois places, Em'.

Tom me semble déjà ailleurs, peut-être parce que lui aussi vient de tomber amoureux. L'émotion qui le submerge quand il observe le sofa en velours doré délaissé seul un peu plus loin m'attendrit. Son jaune moutarde est plein de douceur, à l'instar de ses accoudoirs joliment arrondis.

— C'est celui-ci que je veux.

— Joli ! siffle Emma.

Cette dernière tourne autour du canapé pour en apprécier les détails tout autant que son état. Quant à moi, je suis déjà en train de demander son prix, ainsi que celui du fauteuil.

— Deux cent quatre-vingts euros les deux.

— On les prend !

— Loïs, le fauteuil n'était pas dans le deal, s'affole Tom.

— Tu ne le veux pas ?

— Je l'adore, minaude Emma. En plus, ils iront parfaitement bien ensemble. Un vrai petit salon, comme dans la série.

Tom fronce les sourcils, visiblement contrarié, mais il n'arrive pas à se détacher de l'un, comme de l'autre.

— Écoute, l'an dernier quand on a décidé ça, j'ai mis de l'argent de côté. Tom, tu disposes d'un budget de trois cent cinquante euros, donc si tu veux aussi le fauteuil, tu peux l'avoir. Et puis, je n'y peux rien si tu craques toujours pour des objets qui ont déjà vécu mille vies et qui ne sont pas très chers.

— Dans un autre endroit, tu n'aurais eu qu'un repose-pied, lance Emma, ou un canapé miniature de designer pour une maison de poupée.

Tom éclate de rire, puis d'un sourire, il accepte et s'assoit sur le fauteuil pour l'essayer, l'air plus que conquis.

— Donc si l'on prend le canapé, le fauteuil, le nettoyeur vapeur et la camionnette pour demain...

— La camionnette ?

Folie toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant