[Les sombres héros.]
Nous sommes de nouveau tous les trois, José, Renaud et moi. Et comme souvent, nous traînons au bar. José travaille moins qu'il ne papote avec nous ce soir-là. Renaud rigole moins qu'il n'en a l'habitude. Et moi, je me sens scindée en deux, peut-être même en trois. Mon corps est avachi sur le tabouret, mon cœur s'est fait la malle et mon esprit est paumé un peu plus loin, juste de l'autre côté du mur. Chez moi se trouve un carton qui m'obsède.
— C'est n'importe quoi !
Tout en marmonnant, je délaisse mes amis une minute, le temps de revenir avec cette boite de malheur.
— Tu vas voir José. Je sais de source sûre qu'il doit y avoir des tonnes de sex-toys, là-dedans.
— Tu veux qu'on parle des tiens ? En particulier du noir avec la petite...
— Non ! Je ne veux rien savoir, nous coupe José.
Je dépose le couvercle à côté de la boite et je me laisse tomber lourdement sur le tabouret.
— Je ne sais pas quoi faire de ça. C'est trop difficile de les garder chez moi.
Renaud ne prend pas la peine de regarder le contenu, il sait déjà qu'il endigue mon cœur brisé sous forme de rondelles de plastique noir et de rectangles de papier eux-mêmes noircis.
— Tu veux que je les brûle ? demande Renaud avec un grand sérieux.
Je ne réponds pas tout de suite, pas par sarcasme, loin de là. En réalité, je pèse réellement le pour et le contre. Pourrais-je supporter de faire disparaitre toutes ces tranches de vie, tous ces souvenirs, tous ces morceaux de moi ?
— Je vais donc te les confier à toi, José.
Le barman pose ses mains sur la boite et la referme soigneusement. Il plonge ses yeux dans les miens, carre les épaules et effectue un salut militaire. J'aimerais éclater de rire, seulement je n'en ai pas la force. Il devra se contenter d'un faible sourire et d'un merci. Sa minutie et ses précautions s'arrêtent là. Un bruit sourd retentit quand le carton trouve le sol. José le fourre sous le comptoir d'un coup de boots et il reprend son service.
— Tu as vraiment considéré ma proposition et pour ça je te remercie, ajoute Renaud.
— Je ne t'oublie pas pour autant.
Je glisse un papier devant lui. Sa paume le recouvre presque aussitôt. Il ne s'en empare pas et me lance un coup d'œil méfiant.
— C'est un projet sur lequel j'apprécierais que tu travailles.
Une étincelle illumine son regard couleur chocolat et une bouffée de chaleur m'irradie.
— Un nouveau tatouage ?
— Deux, plutôt.
Enfin, il soulève le petit papier. Il hoche la tête, le genre de mouvement bref, sec et furtif.
— Carte blanche ?
— Presque.
— Je t'écoute.
— Je souhaiterais les réaliser au-dessus des coudes et j'aimerais qu'ils se fassent écho.
— Un seul projet en deux parties. C'est bon pour moi, ma belle. Je suppose que tu voudras que je te les tatoue en deux fois ?
Je lui souris et je remarque que je ne suis pas étonnée de voir qu'il a tout de suite saisi l'idée.
— José, tu me sers à boire ce soir ?
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Folie toujours
Romance"Si tu tombes, je tombe." Alex la trouve belle et sauvage, ses seins sont même sublimes. Loïs le découvre beau et mystérieux, aux mains assurément magiques. Leur vie s'entrelace depuis longtemps, pourtant c'est un jour de septembre, dans la chambre...