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[Mets tes baskets.]

Je raccroche fébrilement.

Ensuite, sur un coup de tête, je m'empare d'une caisse que je vide sur la table. J'y dépose les affaires que je trouve, celles que j'ai laissées ici. Les quelques vinyles qui m'appartiennent et qui se mêlent aux siens. La boite remplie de sex-toys qui se niche près du lit. Le mug dans lequel je bois mon chocolat chaud le matin, le soir, ou bien n'importe quand. Les vêtements qu'Alex m'a probablement tous ôtés plusieurs fois, peut-être même cachés ou arrachés. Ma brosse à dents, mes clefs, deux carnets, un tube de rouge à lèvres. Et je sors, encore plus fébrilement, mais sans regarder derrière moi.

La porte d'en face tremble sous mon poing, puis s'ouvre.

— Je te manque déjà ? me lance Renaud.

Puis, son regard tombe sur la caisse que je porte devant moi et son sourire laisse la place à une profonde inquiétude.

— Règle numéro un, Renaud !

C'est un avertissement. Hors de question qu'il me demande comment je me sens. Il hoche la tête, puis ouvre la porte en grand.

— Tu as récupéré toutes tes affaires, mais pourquoi ?

— Je dois me protéger, tu peux le comprendre ?

Il acquiesce, puis secoue la tête dans l'autre sens quand je lui tends la clef d'Alex.

— Règle numéro deux, ne me rends jamais cette clef. Sous aucun prétexte. Est-ce bien clair ?

— Oui, très clair.

Je m'assois sur son canapé, j'enlève mon manteau et j'enfonce mes talons dans le tapis.

— Ah, tu restes ?

— Oui, je ne me sens pas prête à retourner chez moi.

— Et tu crois que ça va durer longtemps ? tente-t-il doucement.

— C'est possible, oui.

— OK, dans ce cas, fais comme chez toi.

J'ai besoin de me changer les idées, de tout mettre en œuvre pour éviter de ruminer ou de déprimer. L'une des meilleures façons d'y parvenir reste de griffonner dans les pages de mon carnet. Malheureusement, les seuls mots qui noircissent les feuilles devant moi ont tout à voir avec la cause de mon émoi. Le soupir qui m'échappe me semble presque théâtral et le bruit que produit mon calepin en claquant sur la table fait sursauter Renaud. Il se penche et peut aisément y lire des demi-phrases comme : « tu ne pourras pas », « sois courageuse », « je vais essayer ».

— Loïs ? m'interpelle Renaud.

Grogner ou marmonner ? Non, je crois que j'en suis à l'aboiement, c'est certain.

— Vu que chez moi c'est chez toi, tout ça, je peux fouiller dans ta caisse ? reprend-il.

C'est plus par principe qu'autre chose, puisqu'il se saisit d'ores et déjà son contenu.

— J'allais dire non, Renaud.

— Ah bon ? dit-il en prenant la boite qui se trouve à l'intérieur.

— Tu n'es pas prêt pour ça.

— Pourquoi ça ? dit-il en hésitant à soulever le couvercle.

— Tu te berces d'illusions sur moi, c'est tout.

Il ouvre subitement la boite, regarde son contenu et me fixe.

— Tu veux que je te montre les miens ? s'exclame-t-il joyeusement, un peu comme un enfant.

Folie toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant