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[À pas feutrés.]

Alex : « Je suis dans le taxi, j'arrive dans 15 minutes. Je te veux nue dans mon lit. »

Il avance à pas feutrés, les clefs cognent contre le chambranle, la poignée s'abaisse. J'ai fait ce rêve si souvent que j'ai du mal à y croire.

Pourtant, quand la porte se referme doucement, j'ai l'impression que son appartement revit enfin. Mes frémissements deviennent incessants et je lutte furieusement pour ne pas bouger du lit, en vain. Je me redresse sur les coudes, jetant un œil en direction de l'entrée. Un objet lourd tombe au sol et un sursaut plus tard, je me rallonge.

Le silence ne revient pas, à la place, sa respiration s'impose. Il approche. Je retiens mon souffle, mais de l'eau se met à couler. Il se lave les mains et moi je soupire. Souhaite-t-il me torturer ? Me rendre folle d'impatience ? Ou folle de lui ?

Plus les secondes passent et plus je ressens le manque. À croire qu'il me manque plus depuis qu'il a franchi la porte, depuis qu'il est accessible, que lorsqu'un océan nous séparait.

Il apparait derrière le paravent et me fait face. Je le regarde si intensément que j'en frissonne. J'en tremble même. Il me dévisage, comme s'il cherchait une différence sur mon corps, ma peau, mes iris. Il s'apaise finalement, alors que moi je suis de plus en plus fébrile à mesure que son parfum me parvient. Des effluves de lui.

Je crois bien qu'il a changé. Est-ce possible de changer en trois semaines ? Son regard parait plus déterminé. Sa barbe est taillée différemment, à moins qu'elle soit seulement plus longue de deux ou trois jours. J'adore. Le reste, je n'en sais rien, parce que quand il entrouvre ses lèvres, mon corps se tend. Tout mon être attend d'entendre le son de sa voix, son timbre chaud et réel. Le vrai, pas celui qui est légèrement déformé par le combiné ou l'ordinateur. C'est intenable.

Il ne dit rien. Ses yeux se ferment, sa tête s'incline, son torse se soulève rapidement. Je le sens submergé. Je veux l'aider, je suis à genou sur le matelas, juste devant lui. Je m'apprête à le toucher, pour le prendre dans mes bras, pour le soutenir, le réconforter. Il cale ses deux mains contre mes joues, relevant mon visage avec exigence. Il reprend son souffle une fraction de seconde avant de poser ses lèvres sur les miennes.

Alex m'embrasse.

Mon soulagement se mêle au sien et il m'allonge sur le lit. Nous nous embrassons ainsi pendant une éternité, jusqu'à ce que cette sensation de manque s'apaise très légèrement.

Alors nos corps acceptent de s'éloigner l'un de l'autre, un court instant, le temps qu'il se déshabille. Alex replonge sur moi, et cette fois-ci nos mains se cherchent, se trouvent, se rencontrent et explorent le corps de l'autre. Il ressent visiblement le même besoin que moi, celui de toucher chaque parcelle de son être. Je me reconnecte à lui et lui à moi. Son corps n'a pas changé et je me surprends même d'en connaitre les moindres détails.

J'effleure les mots qui sont gravés sur son cœur. Comme un réflexe, il m'attrape le poignet pour le caresser. Puis, pris d'une pulsion séduisante, il me plaque sous lui, coinçant mes mains au-dessus de ma tête.

— Trois mots..., souffle-t-il contre mes lèvres.

— Sept lettres...

— Une apostrophe...

— Un point.

Il s'enfonce en moi avec lenteur, sans me quitter du regard. Lorsqu'il me fait jouir, je ne réussis pas à retenir mes larmes. C'est dans son lit, dans ses bras, que le contrecoup de son absence me saisit.

Le lendemain matin, je me réjouis de voir que c'est lui qui éprouve les aléas du manque. Il me suit de partout dans l'appartement, ses mains me frôlent, me touchent, me caressent furtivement. Il me vole des baisers à tout instant. Et nous parlons pendant des heures. Il s'intéresse aux moindres détails de ce que j'ai pu faire durant ces trois semaines et s'excuse longuement de ne pas avoir su me poser autant de questions qu'il l'aurait voulu lors de son voyage. Puis, une nouvelle fois, j'écoute toute son aventure, agrémentée d'innombrables photographies et souvenirs.

Folie toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant