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[Nous tombons.]

Le Cold Hands accueille un groupe au sous-sol. Le pub est plein à craquer, rempli de jeunes âgés de vingt à trente ans. L'ambiance est déjantée, mais la musique ne parvient pas à me faire vibrer.

Ce soir, je préfère discuter avec Renaud, tous les deux accoudés au bar. Il est en boucle sur Zoé. Je n'aurais jamais cru avoir le plaisir de voir ce bellâtre sautillant fondre pour une femme. C'est nouveau, inattendu, mais fort agréable. Cependant, je ne m'attendais pas à ce que l'homme habituellement sûr de lui et confiant – que ce soit dans le travail ou dans ses relations amicales – laisse sa fragilité resurgir lorsqu'il s'agit d'amour. J'essaie d'accueillir les angoisses qu'il tente de dissimuler.

— Tu crois que je peux lui envoyer un message ?

— Ça dépend, elle t'a donné son numéro ?

— Non.

— Donc, quoi ? Tu as trouvé un hibou magique ?

— Non, juste un pigeon assis à côté de moi qui peut le demander à son mentor.

— Tu veux que je te chie dessus avant ou après ?

— Tu es d'un vulgaire.

— Renaud, personnellement, je n'aimerais pas recevoir un message d'une personne à qui je n'ai pas donné mon numéro.

— Donc j'attends, conclut-il. Je lui ai donné le mien, après tout.

Je sors mon téléphone et j'envoie un message à Quentin malgré tout : « J'ai un Renaud très envoûté avec moi ce soir, et toi ? »

Quentin : « J'ai une Zoé très charmée à mes côtés. »

Loïs : « Tu peux lui transmettre un message de ma part ? »

Quentin : « Oui. »

Loïs : « J'habite dans la même rue que lui et j'ai un canapé disponible à toute heure. »

Quentin : « Message transmis. Message compris. Message apprécié. »

En disant cela à Zoé, je voulais la soulager d'une pression. Celle de rencontrer quelqu'un loin de chez soi et de se sentir obligé de rester chez lui pour la nuit. Quelques minutes plus tard, Renaud sursaute quand il reçoit un message.

— Qu'est-ce que je fais ? panique-t-il.

— Tu respires.

— Elle me propose d'aller dîner au restaurant demain. Au Havre !

— Cool !

— Tu crois que j'accepte ?

Je ne réponds pas, pourtant, j'ai matière à me foutre de lui. Seulement, une femme que je ne connais pas vient d'arriver et elle fonce droit vers la table du fond. Alex, Ben et quelques camarades de son école y sont installés. Je la suis des yeux à travers le miroir derrière le bar. Elle s'approche de lui et pose ses lèvres pulpeuses sur la joue d'Alex. J'ai un haut-le-cœur. Ils discutent brièvement et elle s'éloigne.

— Tu m'écoutes ?

— Bien sûr que tu acceptes.

— Et si ça se passe mal ?

— Ça se passera bien, Renaud.

— Comment peux-tu le savoir ?

— Je te connais par cœur, trésor !

— C'est ma réplique !

Plus tard, je l'aperçois au comptoir, elle prend un verre et fait claquer ses talons. Elle se déhanche, l'air déterminée, le regard farouche, une cible clairement verrouillée en vue.

Folie toujoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant