Chapitre 11

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J'ouvre ma valise posée sur ce lit aux couvertures délavées, complètement dépitée. Je ne sais pas à quoi j'ai pensé en venant ici mais, certainement à devoir me battre avec mon guide et dormir dans un endroit à la propreté douteuse.

J'ouvre la petite fenêtre à côté du lit pour faire passer un peu d'air. Est-ce qu'il a fait une lessive récemment? Non, j'en doute fort. En vrai, le ménage ne semble pas être une priorité. A bien y regarder, la poussière non plus. Les étagères sur les murs de métal semblent habiter une colonie de moutons, voire d'autres choses.

Je n'ai pas très envie de déplacer les objets coloré posés dessus pour le découvrir.

Pourtant, le bord de la rive qui se dessine à travers la fenêtre fait naître un sentiment étrange, presque apaisant.

Avoir ce genre de réveil tous les matins doit apporter une certaine paix de l'esprit.

Je secoue la tête, récupère une petite serviette dans ma valise d'un geste vif et récupère le seau posé sur la table de nuit en bois. Je sors de la chambre et me dirige vers la fin du bateau.

La nuit commence à s'installer, donnant au ciel une coloration de rose, orange et bleu. De ce côté-là, je n'ai pas à me plaindre. Le paysage du Pérou est magnifique et ce depuis que j'ai posé le pied hors de l'avion.

Ce qui me perturbe c'est ce sont mes compagnons. Une nuit sur un bateau avec comme compagnon, Rafael et un homme pervers qui pourrait être mon grand-père me fait rester alerte.

Rafael me déroute. D'un côté, il m'énerve au plus au point et de l'autre, il me montre une partie plus humaine. C'est cette partie-là qui me fait frissonner et qui j'espère sera celle qui ressortira le plus durant ce périple.

Enfin, j'espère.

J'ouvre le tonneau d'un geste lent mais aussitôt, je grimace de dégoût. Une odeur de terre et de je ne sais quoi en sort.

Je serre ma serviette contre ma poitrine. Je n'ai clairement plus envie de me laver.

Mais est ce que j'ai le choix? Non! Dans deux jours, tout au plus, les moments ou je pourrais me laver en toute intimité seront plus que limité.

D'où le shampoing sec et les lotions lavant dans ma valise. Ils me permettront de garder un semblant de dignité corporel dans la forêt.

Je récupère un peu d'eau dans le seau à l'odeur douteuse et retourne dans la chambre, pas rassurée.

Après une toilette rapide de chat et beaucoup de lotion sur le corps, je ressors un peu plus frais.

Je prends le couloir de droite, celui qui mène à l'avant du bateau.

— Tu cherches de la compagnie ma jolie ? Propose une voix graveleuse.

Cortes est sur une petite passerelle, au-dessus de moi, le volant du bateau entre l'un de ces doigts et l'autre avec une bouteille ambrée.

Certainement pas avec toi, ai-je envie de dire.

Pour autant, je serre les dents, ignorant proprement ces propos et continue ma route. Je n'aime pas cet homme, il me dégoûte avec ces manières de rustre pervers mais pour l'heure, il m'offre un transport jusqu'au village dont Rafael m'a parlé.

En parlant de Rafael, il faut vraiment qu'on définisse les étapes à suivre pour notre route et surtout qu'on trouve un terrain d'entente.

Mes pas me mènent jusqu'à l'avant du bateau ou je retrouve Rafael. Il est assis et nettoie la lame d'un petit couteau avec un chiffon à côté de deux assiettes. D'autres petits objets sont disposés sur la table, dont une machette.

Il est équipé pour ce genre de voyage et surtout plus à l'aise que moi. Clairement, lui et moi, n'avons pas la même expérience. Pour autant, hormis l'expérience d'un guide, dans mon sac à dos, j'ai tout ce qu'il faut pour la survie.

Enfin j'espère.

Je m'assois en face de lui et serre mes mains entre elles. Je prends une grande inspiration et râpe légèrement mes mains sur la table, pour donner plus d'appui à mes propos.

— Rafael, je crois qu'on est parti sur de mauvaises bases...

Il hausse un sourcil et arrête aussitôt de nettoyer son couteau, comme si mes propos le surprenaient. Puis, il pose son dos contre le dossier de la chaise et pose ses chaussures sur le bord de la table de manière nonchalante et dégueulasse.

— C'est exact, j'accepte tes excuses, dit-il en penchant la tête en avant.

Mes yeux s'ouvrent en grand pendant une fraction de seconde avant de se reprendre. Puis, je secoue mes doigts tendus devant lui.

— Ah non, il y a erreur ! Je ne m'excuse pas, je veux juste dire que...

Que je ne veux pas me battre continuellement avec lui dans une forêt. Que je veux qu'il m'écoute quand je dis quelque chose et que...

— Que?

Je souffle en secouant la tête. Finalement, n'est-ce pas impossible pour nous de trouver un terrain d'entente?

— Que rien.

Le sourire de Rafael s'élargit, puis, il pousse une assiette ébréchée à de nombreux endroits devant moi.

— Tiens, mange!

Je regarde ce plat posé devant moi d'un œil suspicieux.

— Profites-en, dans la forêt on mangera ce qu'on trouvera, continu-t-il.

Je ramène le bol vers moi et goûte un morceau qui flotte sur le liquide ambré.

— C'est pas mauvais, qu'est-ce que c'est?

— Du crocodile

Je m'arrête de mâcher un instant en regardant le morceau qui flotte. C'est surprenant et pas mauvais mais, à bien y réfléchir, mes barres aux graines protéinées dans ma valise me suffiront pour ce soir.

— Dit-moi, ce Cortes, on peut lui faire confiance?

— Absolument pas.

— Alors pourquoi, on est ici?

— Parce que c'est l'un des seuls bateaux qui navigue sur cette rivière?

— Euh...pourquoi personne d'autre ne navigue ici?

— À cause des pirates. Ils sont nombreux par ici et comme les navigations fluviales sont assez surveillées par les autorités, ils commettent des vols sur les plus petites rivières.

Hein? Vols, pirates?

— Tu... penses qu'on peut les rencontrer?

— C'est possible mais, on est hors période touristique. Ils sont plus sur les routes, comme ceux qui ont voulu voler ton sac à dos de niña .

Eux aussi sont des pirates?

— Plus ou moins. Comme je te l'ai dit, ils se disent être le nouveau "Le sentier lumineux" mais, ils sont plus dans la violence et le vol que dans la politique. Dès qu'il y a de l'or, tu peux être sûr qu'ils sont là. J'ai déjà vu leurs chefs faire du trafic avec d'autre pirate pour des échanges d'or et d'armes.

— Et eux, ils peuvent nous retrouver?

— Ils ne s'intéressent qu'à l'or, il ne s'intéresse pas à des touristes qui viennent faire des descentes. Après ce sont des pirates aussi alors ils peuvent s'intéresser aux affaires des touristes mais, il faut que ça en vaille la peine.

Ouais mais, ce que Rafael ne sait pas, c'est que mon père cherche une cité d'or. La question est : Est-ce que cette information nous met en danger?

— Et qu'est-ce qu'on fait si on rencontre les pirates?

Rafael me fixe un moment avec un regard étrangement doux puis, affiche un sourire a me donner des frissons.

— Tu laisses tomber ta valise et tu cours.

— T'es vraiment un con!

Et, je me lève de nouveau en plein doute.

Au cœur de la forêtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant