Chapitre 26

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Je me déplace vite ou du moins, le plus vite possible. Des traces de mon père sont peut-être là-devant moi et l'envie d'être déjà sur place est vive.

Des traces de passage.

Je sais que je ne dois pas trop espérer, mais, si mon père et son groupe son passé par là, Ça voudrait dire que nous sommes sur la bonne route.

— Par ici, dit soudainement Dantae.

Je le suis, poussant les branches avec force.

Peu à peu se dessine la silhouette familière de Sergio, accroupie devant un tas de feuille. Dantae s'approche aussitôt de son ami.

— Sergio ?

Il se relève, dévoilant pas la même occasion un feu et des branches a même le sol.

Un fuego. Dissimulé dans les feuilles par les guides, ce sont les nôtres.

Les guides qui accompagnent sont des Mastanahua donc ça veut dire que c'est bien eux.

Un bond se forme dans ma poitrine, accélérant les battements de mon cœur. Je m'approche de Sergio, regardant le feu de plus près.

— Ils sont passés par ici...

— Et, ils sont partis vers le nord, il y a des traces de pas, dit soudainement une voix derrière nous.

Je me retourne, découvrant Rafael qui sort d'entre les arbres.

— Il y a d'autres restes de feu. Ils ont dû faire une pause avant de reprendre le chemin, continue Sergio.

Dantae s'approche du feu et remue quelques branches.

— S'il y a plusieurs feux, c'est qu'ils se sont arrêté un ou deux jours tout au plus pour se reposer.

Rafael s'approche de moi, et sort de sa poche un objet.

— Et j'ai trouvé ça dans la foret. Une petite pelle.

Entre ses doigts se trouve un objet familier. Je le récupère entre mes doigts et le monte bien haut, sous mes yeux.

— Ce n'est pas une pelle, c'est une binette, appelée chez les archéologues la « rasette » qu'ils utilisent pour racler le premier centimètre du sol, mais mon père ne s'en est jamais servi. C'est son porte-bonheur. Son mentor lui a offert lors de sa première fouille et depuis, elle ne le quitte jamais.

Jamais et pourtant à cet instant, elle est entre mes doigts.

Mon cœur se serre douloureusement. Pourquoi mon père a laissé un objet d'une telle valeur pour lui ?

Je regarde la foret, comme si ce geste pouvait me permettre de le voir. Ce paysage, bien que dense, ne m'offre aucune explication, aucun moyen de savoir ou ils sont allés.

— Rafael, il n'y a aucune trace des canots, aucun autre indice, tu ne penses pas qu'ils sont juste arrêtés pour se reposer et qu'ils sont repartis par la rivière ?

Les trois hommes se regardent, affichant un air sombre.

— Pour éviter d'être suivis, explique Rafael. Le mieux est de dissimuler les canots en les perçants pour qu'il coule. La terre de la rivière absorbe toute trace.

Mon sang se glace. C'est un lourd rappelle.

— Suivis ? Tu penses à ses hommes ?

— Oui.

Je baisse la tête, dissimulant ma peur.

— Mon frère, dit soudainement Dantae. Le groupe est remonté vers le nord à partir d'ici, c'est sûr, mais, partir à l'aveuglette n'est pas une bonne idée, il nous faut un but précis.

— Retournons près des canots, il faut qu'on pose un plan.

Aussitôt, Sergio et Dantae disparaissent, nous laissant seuls.

Je ne bouge pas, trop absorber par la peur de l'inconnue, la peur de ne pas y arriver.

— Danielle ?

Je relève la tête, rappeler par la réalité. Je dois rester forte, mais c'est difficile après tous ces jours passés à sa recherche. Le feu mort sur le sol est à la fois une merveilleuse nouvelle et a la foi un cauchemar.

— L'équipe de recherche n'a jamais rien trouvé et je....

Il s'approche de moi.

— Parce qu'ils n'ont pas la méthode des Autochtones. Cette foret est difficile, imprévisible, mais, si on sait lui parler, on peut communiquer avec elle.

Difficile, oui, mais surtout meurtrière.

— J'ai tellement peur que ....

Je laisse le reste de ma phrase se perdre dans les airs et serre les poings à la place.

Mon guide ne bouge pas, ne sachant probablement pas comment réagir, mais, au bout de quelques secondes, il lève le bras jusqu'à mon visage et d'un geste doux, déplace une mèche derrière mon oreille avant de poser sa paume contre ma joue.

— Danielle, je te promets qu'on le retrouvera, même si ça nous prend des semaines.

Mes yeux se posent dans les siens. Au fond de ses prunelles sombres se dessine une vérité sincère. Je laisse alors sortir ce que je n'avais jamais réussi à sortir jusqu'ici : Ma peine.

Les larmes coulent, d'abord doucement sur mes joues, puis se transforme en pluie sur ma peau.

Je pose une main sur ma joue, serrant davantage la main de Rafael contre ma peau, frôlant mes lèvres de sa chaleur.

Cette sensation est agréable et m'offre un réconfort inespéré.

Lentement, mon guide pose son autre main sur ma taille et me ramène contre lui, sur son épaule.

Nos corps restent serrés l'un contre l'autre pendant plusieurs minutes. Ma peine trouve le réconfort dont il avait besoin. Celui que je n'avais pas laissé rentrer dans mon cœur depuis plus de 6 semaines.

Plus sereine, je m'essuie d'un geste, les traces de mes larmes sur mes joues. Puis, je recule en levant la tête vers lui.

Nos lèvres ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, diffusant la chaleur de nos souffles. Ses lèvres m'attirent, me donne envie de les caressés, de les aspirés.

Le regard brulant de mon guide me donne des frissons indescriptibles. Je m'approche, réduisant davantage l'espace entre nous. Ses mains se resserrent autour de ma taille, me rapproche contre son torse. Nos yeux se cherchent, s'analyse mutuellement. Ses prunelles sombres se posent alors sur mes lèvres avec envie.

Mais, sans crier gare, il recule. Ses mains quittent mon corps, laissant un vide inexpliqué. Puis, comme brulé par le feu et disparaît à travers les arbres.

Je le regarde partir, un peu perdu. Puis, je pose mes doigts sur mes lèvres froide et vide.

Oui, j'aurais voulu qu'il m'embrasse, mais peut-être que lui non. 

Au cœur de la forêtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant