Chapitre 39

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J'avance le plus vite possible. Déjà six heures que nous avons repris la route. Mon corps me brule, mais, clairement, tant qu'il peut avancer, je me moque de ce qu'il ressent.

L'air est assez frais, ce qui me permet de pouvoir respirer.

Les arbres sont encore plus denses de ce côté-ci et le chemin est difficile à trouver dans ce paysage ou autant de végétation poussent. Heureusement, j'ai la chance d'avoir un guide qui sait où il va sans avoir besoin d'une carte. Il est devant moi, coupant les branches qui bloquent son passage avec son couteau.

Soudain, je fronce les sourcils, intrigué par des boules suspendus aux arbres devant moi. Intrigué, je m'approche pour examiner ce curieux objet. Je découvre assez vite que ce ne sont pas des boules, mais de petites statuettes accrochait par une lanière aux branches des arbres, comme des boules accrochées à un sapin de noël.

C'est l'équivalent de nos poupées, ici ?

Je contourne les arbres, suivant mon guide, mais, tandis que lui continue, moi, je m'arrête net. Devant moi, sur les arbres, a la place des petites statuettes, se trouvent des crânes posés sur des pics.

Des crânes ?

J'expulse malgré moi l'air dans mes poumons et recule aussitôt, mais mon dos rencontre un obstacle dur. Je me retourne, d'un bond, prête à hurler, mais une main se pose aussitôt sur ma bouche.

Pourtant, c'est le visage de mon guide qui apparaît devant moi. Il me fait signe de ne pas faire de bruit et lentement retire sa main.

— Raf... Rafael... dis-je dans un souffle. Il y a des crânes...

Il souffle, puis recule d'un pas. Ses yeux se posent alors tout autours de nous.

— Je sais...

Hein ?

À la fois choqué et dans le déni total, je m'approche vivement de mon guide.

— Comment ça tu sais ? Mais, on est où au juste ?

Mais, il ne répond pas tout de suite et reprend sa route. J'ouvre la bouche, mais la referme aussitôt, comme si finalement, je regrette d'avoir posé la question. Néanmoins, si nous sommes en danger, je dois le savoir ?

— Rafael...Je vais commencer à me faire des films si tu ne dis rien.

Il s'arrête, s'essuie le front d'un geste de la main en soufflant. Puis, il se retourne vers moi, affichant un air décidé dans ses yeux sombres.

— C'est le territoire des réducteurs de têtes.

À ce moment-là, je sais que si je voyais ma tête dans un miroir, mes yeux seraient totalement ronds.

Pourquoi ? Et, bien, parce que ces mots n'ont aucun sens dans ma tête. Ce sont des réducteurs de tête et nous, nous venons volontairement, sur leurs territoires avec nos têtes sur nos épaules ?

— Des réducteurs...

Le reste de ma phrase reste coincé.

— Ce n'est pas possible, tu...je... p...pourquoi...

— Écoute, le groupe qui nous poursuit s'est divisé en plusieurs groupes, nous laissant peu de marge pour aller à la montagne carrée. On n'avait pas trop le choix si on veut les contourner, ils ont trop peur de passé sur le territoire des Jivaros alors, on a des chances de ne pas les rencontrer.

Et, moi donc !

— Mais les réducteurs de têtes réduisent des têtes !

— Non voyons, ils n'ont plus coupé de tête depuis 60 ans. Franchement, ce n'est rien, ils ne nous feront pas de mal.

Mais, si ce n'était rien, il me l'aurait dit, non ?

Je souffle pour réprimer un frisson.

— Je ne te crois pas ...tu me caches un truc, chuchoté-je.

— Danielle, on fait que passer, ils pourraient même jamais le sav...

Soudain, il se retourne d'un bond, brandissant son couteau devant lui. Ses yeux se referment en deux fentes et balaient la foret.

Inquiète, je pose ma main sur mon cou, retenant un cri.

— Ils viennent pour nos têtes ? Marmonnè-je.

Je retiens mon souffle, écoutant les bruits de la foret. Pourtant, seul le froissement des feuilles et le vent parviennent à mes oreilles ?

— Reste ici ! m'ordonne Rafael.

Il s'avance avec une rapidité peu connue, sans faire de bruit avec ses pieds.

J'ai envie de lui dire de ne pas partir, de ne pas me laisser seule, mais je sais qu'il ne le fait pas pour rien.

— D'accord, repondé-je finalement.

Puis, il disparaît, me laissant seul à côté de statuette et de crâne de la taille de mon poing.

Angoissé, je m'accroupis contre un arbre et resserre mes bras autours de mes genoux. Je ferme les yeux, essayant de relativiser le plus possible.

Ce n'est probablement rien.

Soudain, un bruit de craquement me force à lever la tête.

— Raf....

Mais, je pose immédiatement une main sur ma bouche.

Un groupe d'hommes apparait alors sous mes yeux. Ils sont presque de dos et ne semblent pas m'avoir vu. Sans bruit, je me relève en m'appuyant contre l'arbre à l'aide de mes mains. Puis, lentement, je me glisse sur le côté, me cachant derrière l'arbre.

Le silence est glaçant. Mon cœur bat si fort que j'ai l'impression qu'il va exploser.

C'est forcément le groupe qui nous recherche, mais je croyais qu'ils ne s'aventuraient pas sur la terre des réducteurs de tête.

Je fronce les sourcils, laissant place à une évidence qui m'avait échappée jusqu'à maintenant.

Rafael et Sergio ont dit qu'ils s'étaient divisés en plusieurs groupes, réduisant notre moyen de ne pas les rencontrer, donc normalement, on n'aurait pas dû se croiser sauf...

Sauf, si c'est calculé et qu'en nous bloquant une partie de la foret, il ne nous restait plus que le territoire des Jivaros.

Un piège pour nous tomber dessus ?

Et si ma déduction est bonne, ils vont fouiller ce territoire de fond en comble pour nous trouver.

Je regarde une dernière fois, mais mes yeux se posent sur le torse d'un homme. Je lève la tête, rencontrant un visage familier : Rico !

Ses yeux sont rivés sur moi. Avec une rapidité qui me surprend, je m'élance dans le sens inverse, mais l'homme tend la main et m'attrape le bras et me ramène contre lui.

Au cœur de la forêtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant