Je ne sens plus mes jambes. Les trois heures ont achevé de ce qu'il reste de mon âme et de mon corps.
Pourtant, je ne veux pas m'arrêter.
Je lève les yeux vers le ciel, essayant de voir où se trouve le soleil, mais la forêt est si dense, que c'est difficile à voir. Dantae et Rafael, ne sont pas réapparus, mais, Sergio semble savoir où aller alors, je me contente de le suivre.
Mais, à l'instar de Dantae, je n'essaie pas d'engager la conversation. Je sais que Sergio ne me ferait pas de mal, mais inutile de pensée, à engager une conversation amical.
Ma montre indique presque 17 Heures. Ce qui veut dire le coucher du soleil, ne va pas tarder.
De ce côté aussi, c'est très différent des heures françaises.
Soudain, mon pied glisse et mon genou, fatigué par cette longue marche, se plie en deux. Mon corps se courbe en deux, déséquilibré par la gravité.
Un cri s'échappe de ma gorge en même temps que mes bras s'agitent pour se rattraper en vain à quelque chose. Mais, alors que le sol se rapproche, une main se pose sur mon ventre.
Je tourne le regard, et aperçois mon compagnon de route, Sergio, le visage fermer.
— M...merci, murmuré-je.
Il ne dit rien, se contentant de me remettre debout d'un geste souple et de reprendre sa route.
J'inspire un bon coup pour faire rentrer l'air dans mes poumons. Ce geste est douloureux et pas suffisant pour oxygéner le reste de mon corps. Mes muscles sont en compote, portant à peine mes genoux tremblants. Un point dans mon dos s'accentue à chaque fois que ma poitrine se soulève.
Mais, il faut que je reprenne, que je continue de marcher avec mes compagnons.
Soudain, Sergio porte ses doigts à sa bouche et produit un son d'oiseau en direction de la foret.
Je fronce les sourcils, curieuse de ce geste et regarde dans tous les sens.
— Qu'est-ce...
Les secondes défilent uniquement guider par le son de la foret. Puis, dans un bruit de feuille et de craquement, les arbres devant nous s'agitent, dévoilant mon guide qui sort de travers les arbres, le court souffle, suivis par son ami, Dantae.
À vive allure, il se rapproche de moi, laissant ses yeux chercher quelques choses.
— Qu'est-ce qui se passe ? questionne aussitôt Rafael.
— Il faut s'arrêter, dit simplement Sergio. La mujer esta cansada, tienes que parar.
Mon guide regarde son ami avant de reposer ses yeux sur moi, inquiet.
— Très bien, on va s'arrêter pour la nuit, explique Rafael. Sergio trouve nous un coin pour le camp.
Son ami acquiesce et disparait sans attendre.
Non !
Je m'approche de Rafael en serrant mon sac à dos entre mes doigts pour montrer que je ne suis pas fatiguée.
— On continue, proposé -je. Il reste encore du temps avant la nuit.
— Non, on s'arrête, ordonne mon guide.
— Je peux ... continuer, je peux encore avancer.
Ses prunelles sombres se posent sur moi, affichant à la fois de la bienveillance et l'inquiétude.
— Non, tu ne peux pas justement.
Vexé, j'inspire un bon coup. Je ne veux pas perdre de temps et être a la traine.
— Tu es mon guide, le chef d'expédition, c'est moi, alors si je dis, on continue, on continue !
Mais, Rafael m'ignore totalement et avance en direction de la foret.
— Je vais chercher du bois, dit-il.
Je souffle, sortant par les narines ma frustration et ma colère. Ma faiblesse touche mon ego, la piétine. Eux ne disent rien, ne se plaignent pas et surtout ne s'arrête pas à cause de la fatigue.
Dantae s'approche de moi.
— Je crois qu'il s'inquiète pour toi.
— Mais, je vais bien, j'ai juste...
— Dans la forêt, coupe-t-il. C'est difficile de se mouvoir, surtout quand on n'est pas habitué. Si vous êtes blessé et qu'il faut vous porter, c'est encore plus difficile. Repose-toi et demain, tu seras en forme pour avancer.
Et, il avance, me laissant seule avec ma frustration.
***
Assise autour du feu, j'observe les flammes danser entre elle contre le bois, une tasse avec liquide ambré à l'intérieur dans mes mains. C'est chaud et malgré le fait que je n'ai pas froid, me réchauffe le corps.
Dantae, assis à côté de moi, me pose des questions sur la quête de mon père. Au loin, derrière le feu, Sergio nous écoute non sans parler ni m'accorder un seul regarde. Mon guide, a le dos contre un arbre, une tasse a la main.
— J'ai toujours pensé que Paititi était une légende urbaine de non autochtones, dit Dantae.
— Il y a beaucoup de légende. L'une d'elle dit que Paititi a une rivière qui la longe et qu'au bout, le dieu soleil l'avale pour la mettre près de son cœur.
— Tu penses qu'il y a une rivière près de Paititi ?
— Je ne sais pas... En réalité, personne n'a jamais trouvé la cité.
Je bois une dernière gorgée et me frotte les bras.
— Je prends le premier tour de garde, dit Rafael.
Il repose sa propre tasse, se relève et sans me regarder, disparaît dans la foret.
Je resserre mes bras sur mes épaules, le cœur aussi froid que mon corps.
— Tient, la couverture de Rafael, propose Dantae.
J'observe le tissu vert plié en boule dans les mains de mon compagnon d'un œil sceptique.
— Mais, il en a une deuxième ?
Dantae regarde derrière lui en riant avant de reporter son attention sur moi.
— Non, mais il va monter la garde une bonne partie de la nuit alors, il n'en aura pas besoin.
Je récupère la couverture et m'allonge sur le sol de feuille, en mettant la couverture sous mon menton.
Son odeur m'enivre aussitôt. C'est un mélange de pin, de foret et de quelque chose que je n'avais jamais senti.
Peut-être sa propre odeur.
Je ferme les yeux, guider par les bruits du feu, de la nuit, en sécurité sous la couverture de mon guide qui m'aspire dans les limbes du sommeil.
Soudain, un bruit d'animal me fait sursauter. J'ouvre les yeux, alerte et m'assois, cherchant des yeux d'où le danger peut provenir avant de me rendre compte que je suis la seule éveillée. Sergio est allongé, près du feu, sa couverture sur lui.
Mais, ce n'est plus Dantae à côté de moi, c'est Rafael, un bras replié sous sa tête et son chapeau sur les yeux.
Mais sans couverture.
D'un geste lent, je récupère la couverture et la pose sur son torse.
Je me rallonge, serrant mes bras contre moi pour me réchauffer.
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Au cœur de la forêt
RomanceMon père a disparu dans les profondeurs de la forêt Amazonienne. On m'a dit qu'il n'y avait plus aucun espoir de le retrouver vivant mais je ne peux pas accepter cette vérité-là alors ce matin, j'ai pris l'avion direction le Pérou, pour le retrouver...