J'arrive devant La Casa de las Sirenas trempé jusqu'aux os. La pluie a repris d'un coup. Je frotte mes bras pour me réchauffer, mais ce geste est vain, j'ai l'impression que l'eau a pénétré ma peau.
Je pousse la porte en bois de cet endroit et entre. C'est clairement un bar, mais la fumée et l'odeur nauséabonde rend ce lieu inhospitalier. La décoration est spartiate. Les murs sont vides hormis une carte accrochée au mur. Sur le côté, un immense bar fait la longueur du mur et un barman est derrière à faire un mélange de plusieurs boissons. Sur la gauche, plusieurs tables en bois sont disposées, mais elles sont quasiment vides, hormis, deux hommes dans le fond avec de gros pétards dans la bouche qui expire une fumée dense et un homme adossé à une chaise, sur ma gauche, dans le coin près de l'entrée. Son chapeau est sur son visage et les jambes posées sur la table, comme s'il dormait, loin de ses hommes. Devant lui est posé un verre avec un liquide de couleur ambré, probablement une bière à peine entamée.
Je m'approche du comptoir en posant mes mains dessus pour attirer l'attention du barman. Le contact sous ma peau est collant et légèrement gluant. Je retire ma main et enlève le surplus avec mes doigts, espérant que mon geste passe inaperçu auprès du barman. Mais, je n'ai pas à m'inquiéter de ça, il nettoie sa machine à pression et me jette à peine une œillade ou deux. J'inspire une bouffée d'air plus par réflexe que pour me donner du courage, mais aussitôt, je toussote, l'air est chargé de fumée qui irrite les poumons. J'essaie de respirer normalement et surtout de ne pas agiter les bras pour évacuer l'air devant moi.
J'affiche mon plus beau sourire et me penche en avant, contre le comptoir pour être sûr qu'il est seul à m'entendre.
—Buenos dias, euh, je cherche Rafael Santos, on m'a dit qu'il était dans ce bar! C'est un Guia.
Le barman s'arrête un instant, pose son torchon sur son épaule et me regarde de la tête aux pieds.
—No, dit-il.
Je fronce les sourcils. Pourtant, Al m'a dit qu'il serait ici et ça m'étonnerait qu'il ait menti. Il m'a juste prévenu qu'il pouvait être dur à trouver. Alors, soit je l'ai manqué, soit il n'est pas là, soit le barman ne veut rien me dire.
Le barman se déplace sur le côté, récupère des verres sur son comptoir et les range derrière lui. Je me déplace aussi, pour être en face de lui, histoire d'être sûr que nous nous soyons compris.
—On m'a dit qu'il serait ici. C'est un guide pour... Pour trouver mon père, il est venu en touriste, faire la descente de la rivière Madre de Dios, avec des amis à lui, il y a quelques semaines et s'est perdu, ele esta perdido!
Je sors la photo de ma poche et lui montre du doigt, mais il ne me regarde pas.
—No, dit-il.
Je souffle et surtout, je commence à perdre le peu d'assurance que j'avais pris grâce à Al. Pourtant, je dois battre le fer pendant qu'il est encore chaud et garder mon feu intérieur. Il faut que je trouve ce guide, peu importe le prix.
Le plus délicatement possible, je passe la main dans ma poche intérieure et en bougeant les doigts, je récupère un billet. Puis, dans un geste brusque, je les dépose sur le comptoir.
—J'ai... de l'argent, combien voulez-vous? Dinero, argent! dis-je en chuchotant.
Il me regarde en secouant la tête puis pose furtivement les yeux sur les deux hommes baraqués du fond. Je suis son regard en tournant légèrement la tête vers les deux hommes, mais ils continuent de boire leur boisson sans nous accorder la moindre intention. Je reporte mon attention sur le barman, guettant sa réaction, mais il a la tête baissée et essuie vivement un verre.
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Au cœur de la forêt
RomanceMon père a disparu dans les profondeurs de la forêt Amazonienne. On m'a dit qu'il n'y avait plus aucun espoir de le retrouver vivant mais je ne peux pas accepter cette vérité-là alors ce matin, j'ai pris l'avion direction le Pérou, pour le retrouver...