Chapitre 47 - Sunna et Land

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Adiel


Devant moi, alors que le soleil poursuivait sa course dans le ciel, celui-ci baignait les mèches rousses d'Egbert de ses rayons. Cela fut semblable à du feu ; un feu dont je ne parvenais pas à détourner mon regard ou tout du moins n'aurais-je pu m'en détourner si mon attention n'avait pas été accrochée par les marques que je lui avais offertes la nuit dernière. Là, sur ce dos large et puissant, reposaient mes griffures, multiples et profondes, certainement douloureusement quand viendrait le temps de les laver, mais Egbert ne semblait pas frissonner à l'idée.

La nuit dernière avait été inattendue. Je peinais encore à réaliser que c'était arrivé. J'avais couché avec Egbert, avec un autre géant que celui avec qui j'étais uni. Pourtant, pour les géants, se partager les uns aux autres était d'un naturel déconcertant. Pour moi, c'était spécial. Je ne m'imaginais partager la couche de n'importe qui. Quand bien même j'aimais les frères, Gunnar et Gudbrand, je ne m'imaginais pas le faire. Alors pourquoi Egbert ?

Il était indéniable que j'éprouvais de l'attirance pour Egbert. Ce qui m'avait tout d'abord terrifié chez ce rouquin était aujourd'hui synonyme d'amusement et d'émerveillement. Alors, était-ce de l'amour ? Nul doute que ça en était, mais bien différent de celui que je portais à Arjen. Considérais-je Egbert comme un ami ? À n'en point douter, mais alors, pourquoi Gunnar et Gudbrand, que je considérais également comme des amis, n'étaient pas dans le même cas ?

Était-ce un mélange ? De l'attirance, de l'entente et de l'amour ? Tout cela faisait-il qu'Egbert était devenu spécial ? Il avait pris le temps, contre toute apparence, de m'apprendre les mœurs des géants. Il avait délesté Einherjar de ce poids. Il avait pris soin de moi. Et puis, soudain, je compris. Les géants qui étaient venus à Hemel m'avaient toléré. Par respect pour leur chef, ils avaient tous accepté, mais Egbert ne l'avait pas fait. C'était la différence.

Plutôt que de me considérer comme le futur Jötnar comme les autres avec qui j'avais navigué, Egbert m'avait d'abord vu comme moi : le prince de Hemel, un homme, une épine dans son pied. C'était sa façon d'être honnête, au point d'en blesser, qui nous avait permis de discuter et d'apprendre sans faux semblant. C'était en cela que le rouquin était différent, au même titre qu'Arjen et c'était pour cela que notre nuit, à tous les trois, m'avait plus.

— Comment va votre corps ?

Egbert marchait à côté de moi, à mon rythme. Arjen, sa main dans la mienne, caressa mes doigts et me couva d'un regard tendre. Mon corps... mon corps était faible. Ça ne tenait pas qu'à la nuit que nous avions passé tous trois. Le voyage m'épuisait. Les pentes étaient à n'en plus finir. Le manteau semblait peser le poids d'un ours sur moi. Mes poumons me brûlaient et ma vue se troublait parfois. Je me sentais brûlant, alors même que le froid mordait ma chair douloureusement.

— Je suis un peu fatigué par tant de marche, mais je ne regrette rien à notre nuit passée, confiai-je à Egbert.

Les lèvres d'Arjen se posèrent contre mon crâne avec un sourire et le rouquin hocha la tête, sobrement. Dans ses traits résidait la même douceur surprenante que je lui avais découverte au lit.

— Nous serons à Land d'ici la tombée de la nuit.

Je ne fis qu'acquiescer à mon tour. Parler me demandait un effort inhumain et c'était sans parler de la nausée abominable qui ne me quittait guère depuis hier. Je jetai un regard derrière moi. Ainsi, je parvins à me dire qu'avec tout le chemin parcouru jusque là, ce qui restait ne devait pas être si terrible, mais... Il n'y eut que la brume. Les nuages recouvraient le chemin derrière nous et devant, la pente semblait interminable.

BJÖRSARION - LA TERRE DES GÉANTS (BL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant