𝐀𝐆𝐀𝐓𝐇𝐀'𝐒 𝐋𝐎𝐕𝐄𝐒

chapitre quatre

— MANCHESTER
1990

AGATHA PASSA un coup de torchon sur une des tables.

  — Y'a que des réservations ce soir. Je sens qu'on va être débordé, commenta Kingsley en jetant un œil au carnet de réservations.

  La brune le rejoignit.

  — On est samedi, c'est sans doute des retrouvailles en famille.

  Kingsley laissa le carnet de réservation avant de s'asseoir sur un siège de bar.

  — Encore dix minutes de répit, déclara le brun.

  — Tu vas bien ? T'as l'air fatigué.

  — Je commence à être débordé. Plus que deux mois avant les grandes vacances. Les examens de fin d'année.

  — Peut-être que le chef voudrait bien te donner un congé.

  — Deux mois ? Ce serait trop beau pour être vrai.

  — Peut-être, rigola-t-elle.

  Elle se fit un chignon rapidement en regardant son reflet sur une vitrine, renfermant des bouteilles de jus, d'eau et d'alcools.

  — Tu devrais investir dans un miroir de poche, suggéra Kingsley.

  — Trop cher pour une utilisation si peu fréquente. Et la vitrine marche très bien.

  Il haussa les épaules avant d'acquiescer.

  Une dizaine de minutes plus tard, les premiers clients arrivèrent. Agatha se dirigea vers le carnet des réservations et Kingsley était prêt à attribuer des tables aux clients.

  Son rythme cardiaque s'accéléra quand elle vit William entrer dans le restaurant. Il tenait la main d'une fille, elle semblait être sa petite-amie. Ses mains devinrent moites, elle sentait déjà qu'elle allait bégayer.

  Quelle bonne impression devant des clients.

  Le couple arriva jusqu'au comptoir. William sourît en reconnaissant la bijoutière.

  — Oh, William, tu vas enfin pouvoir me présenter à ta cousine ! s'exclama Courtney à l'égard de son petit-ami.

  Agatha rougît d'autant plus. Pourquoi était-elle au milieu d'histoire crées par des personnes qu'elle ne connaissait pas ? C'était un peu étrange.

  La brune adressa un regard interrogateur au blond, qui se contenta d'ignorer son regard.

  — Je te présente Luisa, ma cousine française.

  Cette situation était d'autant plus gênante étant donné qu'il n'avait aucune idée du prénom de la jeune femme.

  Agatha n'avait aucun accent français. Elle pensait qu'apprendre différent accents étaient inutiles, que c'était uniquement pour plaisanter avec les amis. Mais finalement, ça pouvait sauver de certaines de situations.

  Courtney savait très bien qu'il mentait. Encore et encore. C'est William qui avait proposé cette soirée au restaurant. Et elle commençait à se demander pourquoi il avait fait ça. Pour voir sa soi-disant cousine ?

  Il n'avait aucune idée qu'elle jonglait entre deux jobs.

  — C'est à quel nom ? demanda Agatha en prenant tant bien que mal un accent.

  William était intérieurement soulagé qu'elle se prête au jeu et qu'elle ne dévoile pas la vérité. C'était sans doute le pire dénouement qu'il y aurait pu avoir. Mais heureusement, il n'avait pas lieu. 

  — Hamilton, reprit le blond.

  William Hamilton. C'est comme si le destin lui montrait qu'il existait. Partout où elle allait, elle le croisait. Et à chaque fois, elle piochait des informations sans même avoir à les demander. Alors que lui n'avait aucune idée de la personne qu'il avait en face de lui. Mais ce mystère lui donnait envie de creuser et de continuer à la découvrir. D'une façon ou d'une autre.

  Agatha lança un regard complice à Kingsley pour qu'il les dirige vers une table. La soirée ne faisait que commencer.

...

  William feint d'aller aux toilettes auprès de sa copine. Il descendit les escaliers afin de retrouver le rez-de-chaussée. C'était sûrement là qu'il trouverait sa jolie serveuse et sa mystérieuse bijoutière.

  Il la vit là, attendant impatiemment des assiettes de ce qui semblait être du poisson. Peut-être que ce n'était pas le bon moment pour lui parler. Mais il en brûlait d'envie.

Il n'avait aucune idée de l'heure à laquelle son service pouvait se terminer. Le brun se résigna finalement à la rejoindre. Il lui tapa doucement l'épaule, la faisant sursauter sur le coup.

Elle se retourna avant de soupirer de soulagement en voyant qu'il s'agissait juste de William.

— Je peux vous aider ?

  — Ça m'aiderait beaucoup que vous me tutoyiez. J'ai l'impression d'avoir quarante ans quand on me vouvoie. Et ça arrive bien trop souvent à mon goût.

  Elle sourit.

  — Par contre, je ne peux pas rester très longtemps, j'ai un service à maintenir. Tu as quelque chose d'important à me dire ?

  Il hocha positivement la tête.

  — Tu fais quoi demain soir ?

  — Je travaille. Désolée, mon emploi du temps ne me laisse pas beaucoup de temps.

  — Oh, non. Ce n'est pas grave. Et entre tes deux jobs ?

  — Comment sais-tu que j'en ai deux ?

  — Je t'ai croisé à la bijouterie et à la brasserie. Je suis assez intelligent pour réussir à deviner de telles choses.

  Elle lui adressa un sourire avant d'attraper les deux assiettes de poisson qui l'attendait derrière elle.

  — On n'a qu'à se retrouver demain à dix-sept heures trente au parc de la dernière fois, déclara-t-elle.

  — Je serai là.

  Elle acquiesça puis quitta le rez-de-chaussée pour remonter à l'étage.

  Elle avait déjà hâte de le revoir.

Publié le 16/06/23