chapitre vingt-huit

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— MANCHESTER
1990

UN SOURIRE se forma sur les lèvres de Kingsley quand il vit Agatha sortir de l'université où elle venait de passer son concours. Il sortit de la voiture. Elle sourit à son tour en le voyant.

  — J'ai tout déchiré ! fit-elle en souriant de toutes ses dents.

  Le métis la prit dans ses bras.

  — Je te l'avais dit que t'allais réussir.

  Il desserra l'étreinte avant de poser sa main droite sur la joue de sa copine.

  — Je suis super fier de toi, Agatha. C'est quand les résultats ?

  — Dans deux semaines. Le temps va passer très lentement, déclara-t-elle en s'éternisant sur l'adverbe "très".

  Il rigola.

  — William a essayé de t'appeler. Il avait oublié ton examen, cet imbécile. Voilà pourquoi tu devrais l'ignorer jusqu'à la fin de ta vie.

  Elle secoua la tête, peu convaincue par la thèse de son petit-ami. Elle s'assit sur le siège passager de la voiture.

  — Kings', ça arrive à tout le monde d'oublier des choses.

  — Tu le défends en plus ? répliqua-t-il à la seconde près.

  Elle leva les yeux au ciel.

...

  Après avoir partagé un restaurant bon marché avec Kingsley et s'être promenés dans les rues de Manchester, le couple rentra chez Agatha. Avant de monter dans son appartement, elle vérifia qu'elle n'avait pas de courrier dans sa boite aux lettres. Elle avait un courrier.

  — Encore une facture, annonça-t-elle à l'égard de son copain.

  Maintenant qu'ils vivaient à deux pratiquement à temps complet et qu'elle avait lâché son boulot à la bijouterie, elle craignait le pire.

  Ils montèrent les quelques étages qui les séparait de l'appartement de la jeune femme.

  — J'ai été voir mon père au cimetière. Et je suis passé chez ma mère prendre quelques affaires. Mais dis-moi si tu trouves que je passe trop de temps chez toi. Je ne le prendrai pas mal.

  — J'aime ta présence ici. Tu ne me déranges pas du tout. Au contraire, je me sens plus en sécurité quand t'es là. Reste autant que tu veux.

  — Super, c'est gentil.

  Il déposa un baiser sur ses lèvres.

  Agatha s'assit sur son canapé avant de déballer la facture du loyer.

  — Il a augmenté ses prix. Il sait très bien quand je suis fauché et il ose quand même monter ses prix. Je déteste mon proprio.

  Elle soupira avant de s'affaler sur le canapé. Kingsley la rejoignit.

— Quitte à passer autant de temps ici, je peux t'aider financièrement.

— Non, répliqua-t-elle sans l'ombre d'une hésitation. Ce n'est pas à toi de payer tout ça. Je me suis toujours débrouillée seule, je vais m'en sortir.

— Regarde tes cernes, Agatha. Tu ne peux pas continuer à te fatiguer comme ça en vivant à cent à l'heure. T'as besoin de repos. T'as besoin de stabilité. T'as besoin d'aide. Tu pourras répéter le contraire autant de fois que tu veux, on saura l'un comme l'autre que c'est faux. Depuis combien de temps tu n'as pas dormi ? Je veux dire, une vraie nuit de sommeil. Pas une nuit où tu te réveilles à trois heures à cause du stress et que tu ne te rendors plus. Ces trois derniers jours, t'as révisé à fond. Et en plus, t'as travaillé. Tu mérites de prendre une pause en te sachant aidée. Et je suis là.

Elle fondit en larmes. Elle remerciait tous les jours le ciel d'avoir mis Kingsley sur son chemin. Ce dernier la serra dans ses bras.

— Je dirai au boss que tu ne peux pas venir ce soir puisque t'as passé tes examens aujourd'hui et que t'as besoin de repos. T'es une de ses meilleures serveuses, il te doit bien ça.

Elle était épuisée de la complexité de sa situation. Le loyer qui augmentait, son examen et le peu de chance qu'elle soit acceptée... Elle avait l'impression que tout ce qu'elle accomplissait ne la menait à rien du tout. Elle avait le sentiment de toujours revenir au point de départ. De ne jamais avancer. Elle se noyait dans ses problèmes et Kingsley l'aidait. Il ne pouvait pas tout régler, mais il pouvait faire de sa vie un chemin plus calme, débarrassé de quelques embûches.

— Je payerai pour ce mois-ci le loyer le temps qu'on trouve une solution. En attendant, repose-toi. Pense à autre chose.

— C'est plus facile à dire qu'à faire, sanglota-t-elle en se levant pour rejoindre sa chambre.

Il lui adressa un sourire rassurant, essayant tant bien que mal de la réconforter.

— Si tu n'as pas envie de rester avec moi, je comprendrai.

— On traversera la tempête ensemble.

Cette métaphore suffit à la rendre un peu moins stressée. Elle était épaulée.

Publié le 13/09/23

𝐀𝐆𝐀𝐓𝐇𝐀'𝐒 𝐋𝐎𝐕𝐄𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant