chapitre vingt

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— MANCHESTER
1990

— ELLE S'EST mise en couple avec Kingsley, tu le crois ça ? s'insurgea William, serrant un coussin entre ses bras.

Il était affalée sur le canapé, à côté de sa sœur. Cette dernière buvait un thé en écoutant les peines de cœur de son cadet.

— Lydia, tu m'écoutes toujours ? demanda-t-il en voyant qu'elle ne répondait pas.

— Oui, oui. J'attends juste que t'aies fini de te plaindre.

Le blond leva les yeux au ciel, serrant davantage le coussin contre son ventre. Il était en colère. Et en même temps, c'était de sa faute. Les relations amoureuses n'étaient pas son domaine de prédilections. Il lui avait clairement dit qu'il n'y aurait rien entre eux.

— Je trouve que tu en fais trop pour une fille que tu connais à peine. Qu'elle soit là ou pas, ça ne va pas changer la face du monde.

— Si, justement.

— Et tu penses qu'elle voudrait sortir avec un gars qui s'accroche comme une moule à son ex ? Tu lui as clairement dit que tu ne voulais pas sortir avec elle. Tu t'attendais à quoi ? Nous, les filles, on aime être traitées comme des reines. On veut pas de garçons compliqués qui se prennent la tête pour un oui ou pour un non.

— Certes. Mais j'ai une gueule d'ange, pourquoi elle l'a choisi lui et pas moi ? Et qui plus est, elle trouvera jamais un homme aussi plein aux as que moi.

— Maintenant qu'elle a un copain, c'est trop tard pour faire machine arrière, Willy. Tu vas devoir trouver une autre solution.

Il soupira.

— J'ai tout foiré. Il faut que maman et papa ne sachent jamais rien de ce qu'il s'est passé avec Agatha. En fait, il faudrait qu'ils n'apprennent jamais l'existence d'Agatha. Il faudrait qu'il pense seulement que j'ai fait un break avec Courtney. Je suis leur fardeau, Lydia.

Elle déposa délicatement sa main sur l'épaule de son frère.

— Tu n'es pas une mauvaise personne. Même s'ils ne le montrent pas, ils t'aiment très fort. Si tu mourrais demain, ce serait les premiers à pleurer et à t'organiser la plus belle des cérémonies.

— Belle image, merci.

Elle sourit avec fierté avant de reprendre :

— Tu n'es pas le fardeau de leur vie. C'est juste que, tu sais, ils ont cette manie de vouloir être parfait. Et, il y a deux ans, t'as eu un débordement qui a fait beaucoup parlé. S'ils n'avaient pas fait leur possible pour récupérer l'honneur de la famille, on n'en serait pas là.

— J'aurais dû boire encore plus pour faire la une des journaux people et pour que personne ne puisse récupérer mes dégâts.

— A mon avis, ce n'est pas la bonne solution.

— Parfois, j'aimerais donner une claque à chaque journaliste qui passent en leur disant de me laisser tranquille. Quand je vois l'ampleur que ma rupture avec Courtney a pris...

— Un jour, on sera débarrassés de tout ça. Les Hamilton ne seront qu'un vieux souvenir.

— Quand les vieux partirons, la célébrité partira aussi.

— T'es bien optimiste. Peut-être quand on aura soixante ans et que la nouvelle génération qui ne nous connaît pas aura pris le dessus.

Il haussa les épaules.

— Il faut qu'on donne aux journalistes l'image qu'ils ont envie d'avoir de nous. On représente la famille britannique parfaite, avec la famille royale. Il faut qu'on leur fasse entendre ce qu'ils ont envie d'entendre venant de nous.

— C'est dur devoir toujours être dans une case.

Elle acquiesça. Il fallait se faire une raison.

— Toujours est-il que je ne sais pas quoi faire avec Agatha.

— Rien. Tu ne fais rien. Peut-être qu'elle se séparera de Kingsley un jour et que tu pourras tenter ta chance mais là, tu ne fais rien. Sinon, elle voudra carrément t'éjecter de sa vie.

— Tu dois sûrement t'y connaître mieux que moi quant aux états d'âmes des filles.

Lydia hocha la tête avec conviction avant de serrer son frère dans ses bras.

— Tu vas l'oublier.

...

William regardait Courtney, qui entrait dans sa propriété avec son garde du corps. Il l'attendait sur le pas de la porte. A vrai dire, c'est lui qui l'avait invitée.

La jeune femme adressa deux bises à son hôte avant de le suivre à l'intérieur de la demeure.

— Agatha s'est mise avec Kingsley.

Courtney sourit intérieurement. Un obstacle en moins sur son chemin.

— J'ai réfléchi à quelque chose, annonça-t-elle, prenant doucement le chemin du canapé.

Elle s'y assit, suivie par William, qui s'assît à côté d'elle, en position indienne.

— Je t'écoute.

— On devrait faire équipe.

Il fronça les sourcils.

— On n'a qu'à faire croire aux gens qu'on sort ensemble. Tes parents te respecteront un peu plus et ça me fera un coup de pub. Tout le monde voudrait tourner un film avec la copine du célèbre William Hamilton.

— Alors on serait un faux couple. Comme dans les films. T'es sûre que tu veux t'engager sur cette piste ?

— Si c'est avec toi, oui. On est le couple parfait pour le monde entier. On n'a qu'à leur renvoyer l'image qu'ils veulent.

Le blond s'appuya sur le dossier, prenant le temps d'y réfléchir. L'idée était alléchante. Mais si ses parents apprenaient qu'il s'apprêtait à faire un faux couple avec Courtney, la famille serait encore plus brisée. Et si Agatha apprenait que c'était faux, elle ne voudrait plus lui faire confiance.

— Peut-être que si tes parents te voient comme un garçon un peu plus mature, ils accepteront que tu t'engages dans la Royal Navy. Et après, nous pourrons rompre.

Elle tendit sa main au jeune homme. Devrait-il la serrer et conclure un marché avec elle ou alors ne rien faire et continuer à regarder la déception dans les yeux de ses parents, diminuant les chances d'entrer dans la Royal Navy ?

— C'est d'accord. Mais on ne s'embrassera pas, on se tiendra seulement la main en public. On reste professionnel. Les seules fois où on se verra, ce sera aux évènements ou alors juste aux moments où on réglera des trucs pour notre supercherie. Et dès que je partirai pour ma première mission, nous romprons. Les choses sont-elles claires ?

Courtney hocha la tête. Restait plus qu'à jouer la comédie le plus longtemps possible.

Publié le 16/08/23

𝐀𝐆𝐀𝐓𝐇𝐀'𝐒 𝐋𝐎𝐕𝐄𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant