chapitre cinquante-cinq

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— MANCHESTER
1992

LES VACANCES de février venait de débuter. William avait promis à Agatha dans le courant du mois de janvier qu'elle viendrait avec lui à Portsmouth. Certes, elle ne partirait pas en mission avec lui, mais elle pourrait voir les locaux. Voir où William passait son temps quand il n'était pas à Manchester. Ils resteraient trois jours sur la terre ferme avant qu'il ne parte en mer et qu'elle regagne son appartement.

Le couple venait d'entrer dans le train. William portait sa tenue officielle de marin et la brune le trouvais très craquant dedans. Son visage et ses traits angéliques étaient mis en valeur. Le plus beau quartier-maître que la terre ait abrité.

Il aimait la Royal Navy parce qu'ici, il était traité comme tout le monde. Il n'avait pas de traitement de faveur. Il avait les mêmes chances que tout le monde de réussir. Il était, pour une fois, comme les autres. L'uniforme mettait aussi en valeur sa silhouette mince.

Agatha était assise en face de lui, scrutant son beau visage. Il lui sourit, faisant battre son cœur un peu plus vite.

— T'es très concentrée, remarqua-t-il.

Elle rougit en croisant ses prunelles. Ses yeux étaient d'un marron si clair qu'elle pourrait se perdre à l'intérieur.

— Ouais. J'suis toujours concentrée quand j'admire les jolies choses.

Le train démarra. Agatha posa son coude sur la table, posant sa tête sur son poing. Dans le train, d'autres marins étaient venus avec leurs conjointes ou des membres de leur familles. C'était les seuls personnes autorisées à entrer dans la base, autre que les marins.

— Alors je ne suis qu'une chose ?

— La plus belle des choses.

Il rigola. Elle releva sa tête et regarda autour d'elle. Tout le monde était calmement posé dans le train. Plein de couples étaient l'un à côté de l'autre.

La base navale de Portsmouth avait proposé aux marins d'emmener un proche à eux pour passer quelques jours avec eux. Et William avait de suite pensé à Agatha. Pas une once d'hésitation était passée. L'image de sa belle anglaise était arrivée en première. Lydia aurait le temps de venir une prochaine fois.

— Dis, comment aurait été notre vie si on s'était rencontrés il y a dix ans ? demanda la brune soudainement.

Il sourit face à cette question. A vrai dire, il y avait pensé une fois, avant de dormir. C'était à l'époque où elle sortait avec Kingsley. Il se disait que s'ils s'étaient rencontrés y'a dix ans, ils auraient passé les dix suivantes ensemble. En couple ou pas, mais ils auraient fini par tomber amoureux. C'était inévitable. William et Agatha ne pourrait jamais être juste amis.

Pourtant, ils avaient dû se soumettre à cette amitié quand elle sortait avec Kingsley. Pour elle, ça n'avait pas été un problème puisqu'elle aimait passionnément son copain de l'époque. Mais elle avait déjà pensé à arrêter de voir William de peur qu'il n'influence ses choix de relation.

William avait les clés de son cœur mais il avait dû les ranger pendant une année. Mais William ne les avait jamais perdues. Il les avait gardées précieusement contre son cœur en espérant qu'elle resservirait bientôt. Et ça avait été le cas.

— Différente, déclara-t-il d'un air penseur. Peut-être que le monde entier te connaîtrait déjà.

— Peut-être est-ce déjà le cas. Tu te souviens de l'anecdote de la boîte de nuit que je t'ai raconté en janvier ?

Il hocha la tête.

— Tout le monde sait qu'on est ensemble. On l'a juste pas officialisé. Et je préfère qu'on attende encore un peu.

— Je comprends. Mais toi et moi, c'est une évidence. Je veux dire, qu'on l'annonce dans dix ans, dans un an ou même demain, ça ne changera rien parce que dans tous les cas, on sera ensemble.

Un sourire niais s'affichait sur le visage de la brune. Elle savait qu'il avait raison. Elle avait envie que leur relation dure toujours. Elle l'animait d'un amour puissant et, malheureusement pour Kingsley, elle savait que son amour pour William était plus puissant. C'était deux relations différentes, aussi saines l'une que l'autre, mais avec William, tout était différent.

Mais pour autant, Kingsley avait fait palpiter son cœur un nombre de fois incalculable. Mais maintenant, quand elle le regardait, elle ne ressentait rien. Deux auparavant, elle aurait rougit, voire même affiché un sourire idiot mais maintenant, elle voyait juste un ami. Et heureusement parce qu'elle se concentrait uniquement sur le beau William Hamilton désormais. Il était au centre de son attention, et ça jusqu'à la fin des temps.

Il était son Hadès et elle était sa Pérsephone.

...

Le train arriva à Portsmouth. Agatha fut la première à descendre. C'était une des premières fois qu'elle quittait Manchester et ses alentours. Elle ne voyageait jamais avec ses parents quand elle était enfant. Elle avait été à Londres avec son école en CM2 et ça a été son plus grand voyage.

William la suivit, un grand sourire aux lèvres. D'habitude, il faisait ce chemin tout seul et l'avoir avec elle était beaucoup mieux. Elle était rayonnante dans ce quai aux allures tristes.

Tous les marins et leurs proches marchèrent ensemble jusqu'à la sortie de la gare. William et Agatha se tenaient par la main.

— C'est cool de découvrir ce que tu fais quand je ne suis pas avec toi.

Elle le dévora du regard, se sentant de nouveau reconnaissante de marcher aux côtés d'un garçon aussi exceptionnel que lui sur tous les points.

— Et là, ça vient juste de commencer.

Un car les attendait. Ils montèrent en premier. Même s'il était traité comme tout le monde avec ses supérieurs, ses collègues lui montraient tout de même une forme de respect qui le gênait un peu. Techniquement, il n'avait rien fait pour être connu. Il était juste né chez les Hamilton.

Il laissa Agatha s'asseoir du côté de la vitre. Elle lui avait dit dans le train qu'elle préférerait être assise du côté de la vitre pour regarder le paysage défiler. C'était sa source de divertissement quand elle s'ennuyait dans un car. Même si là, avec William à ses côtés, elle ne s'ennuyait pas du tout.

William présenta sa copine à ses collègues, qui présentèrent à leur tour leurs copines. L'ambiance dans le car était amusante. Tout le monde rigolait entre eux.

La fiancée d'un marin assis devant Agatha se retourna. Elle passa sa tête entre les deux sièges. Agatha sourit en la voyant. Elle ne voyait que la moitié de sa tête.

— Agatha, c'est ça ? demanda-t-elle. Je t'ai déjà vue quelque part.

Agatha fronça les sourcils. Cette jeune femme ne lui disait rien du tout. Elle avait dû la voir sur des journaux. Probablement.

— Désolée, je ne vous reconnais pas du tout. En même temps, je ne vois que la moitié de votre tête, ajouta-t-elle en rigolant.

— Anastasia de la boîte de nuit à Manchester.

Agatha se souvint soudainement de cette jeune femme avec qui elle avait passé la soirée.

— Oh, je suis désolée. Je te prie de m'excuser.

Anastasia rigola.

— Tu préférais garder ta relation avec William secrète.

— Oui. Tu sais, je n'ai pas envie de me réveiller un matin en me disant que le monde entier sache qui je suis sans même que j'aie officialisé avec lui.

— Vous allez le faire ?

— On s'est dit qu'on prendrait notre temps.

— Vous avez raison.

Elle sentit deux tapes sur son épaule. Elle se tourna vers William, qui arborait un grand sourire.

— On est arrivés, déclara-t-il en déposant un baiser sur sa joue.

Son cœur rata un battement. Elle sourit à son tour, charmée par son copain.

Publié le 06/12/23

𝐀𝐆𝐀𝐓𝐇𝐀'𝐒 𝐋𝐎𝐕𝐄𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant