chapitre onze

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— MANCHESTER
1990

WILLIAM S'INSTALLA sur un des bancs du parc. Il savait qu'Agatha viendrait. Se voir au parc le soir venu était devenu presque une habitude.

L'objectif d'aujourd'hui pour William était d'annoncer à Agatha qu'il allait demander à Courtney s'il pouvait séjourner chez elle. Et Agatha allait simplement l'informer que l'appel avec l'université de Manchester s'était parfaitement déroulé. Il y aurait deux états d'esprits différents ce soir.

Agatha arriva vers lui, un large sourire aux lèvres. Elle était magnifique. Elle n'avait pas besoin d'acheter les derniers produits de luxe pour être rayonnante.

— Salut ! s'exclama-t-elle en prenant place à côté de lui. J'ai une très grande nouvelle à t'annoncer.

  — Ah oui ? Dis-moi !

— Je suis inscrite au concours d'entrée !

Il entre-ouvra la bouche avec fierté. Il savait que malgré tout, c'était un peu grâce à lui. Avec son histoire de bourse, il l'avait un peu motivée. Comme elle l'avait motivé pour la Royal Navy. Sauf que le moyen d'y parvenir n'était pas le même.

— Félicitations ! Je suis sûr que tu vas déchirer ! Quand est le concours ?

— Début septembre. Je dois avoir approximativement cinq mois pour m'y préparer. Et demain, je vais aller voir la patronne de la bijouterie et lui expliquer la situation. Je suis une bonne employée, elle me gardera sûrement mon job si je rate le concours.

— Je te le souhaite.

— Et toi ?

— J'ai parlé à mes parents de mon souhait de quitter l'école d'ingénieur. C'était un non catégorique. Y'a pas eu de débat.

— T'es majeur, purée !

— T'as le droit de dire des gros mots avec moi.

Elle haussa les épaules.

— Et après ce rapport infructueux, j'ai décidé de quitter le manoir. Ils ont dit que tant que j'étais sous leur toit, je ne faisais pas ce dont j'avais envie donc, Lydia m'a dit de partir.

— Tu veux venir chez moi ?

— Non, j'avais pensé à quelqu'un d'autre.

Elle lui adressa un regard interrogateur.

— Courtney.

— Courtney ? répéta-t-elle avec surprise. Tu vas aller habiter chez Courtney ?

— Pas longtemps. Je remonterai un peu dans l'estime de mes parents si je vais chez elle.

— Et tes grands-parents ?

— Mes grands-parents paternels sont en Ecosse et les autres sont à Londres. Y'a personne hormis mes parents et ma sœur à Manchester.

— Si c'est ce que t'as à faire, fais-le.

— Elle habite à cinquante minutes du parc. Donc on ne se verra plus aussi souvent.

— 'Fin, faut déjà qu'elle accepte, William.

Il pouffa de rire.

— Tu marques un point. Et dans trois jours, j'ai le Met Gala. Ma famille a été invitée et je suis obligé d'y assister. Quelle corvée. Je vais encore être interrogé sur ma relation avec Courtney et tout ce qui s'en suit.

  — Purée, ta vie à l'air si nulle et si bien en même temps.

  Il rigola.

  — Tu n'imagines même pas, Agatha. Non, tu n'imagines même pas, répéta-t-il dans un murmure.

...

  Agatha s'assît sur un siège de bar, posant son coude sur le comptoir. Son regard était rivé sur Kingsley, qui la faisait rougir depuis quelques minutes déjà. Elle n'arrivait pas à détourner le regard de ses beaux yeux et elle ne voulait pas écouter autre chose que le son de sa voix.

  Kingsley Walton, qui l'aurait cru ?

— Tu me regardes comme si on était déjà ensemble, déclara-t-il, un sourire amusé aux lèvres.

Elle rougit davantage, mais de gêne cette fois. Elle détourna le regard vers les tables vides de fin de service.

— Oh, tu rougis.

Il remuait le couteau dans la plaie.

  — Kingsley, arrête, répliqua-t-elle en se concentrant de nouveau sur lui.

  — Je t'ai blessé dans ta fierté ?

  Elle lui adressa un doigt d'honneur avant de se lever et de déposer un baiser sur sa joue.

  — Alors, c'est qui qui rougit maintenant ? chuchota-t-elle au creux de son oreille.

  Kingsley sentit une bouffée de chaleur s'emparer de son corps. Ce simple contact l'avait rendu encore plus épris d'elle. Les sentiments étaient quelque chose qu'il ne contrôlerait jamais.

  — Sorcière, déclara-t-il en la fusillant du regard.

  Elle lui adressa un sourire narquois avant de se lever pour rejoindre les vestiaires. Il la suivit d'un pas de course.

  — Tu m'aimes tellement que tu n'arrives plus à te détacher de moi, remarqua-t-elle en enfilant sa veste.

  — Je profite des derniers moments où tu ne seras pas en pleine révision pour le concours. Après, tu ne parleras que de ça.

  — Dis de suite que je n'ai pas de conversation.

  — T'as pas de conversation, Agatha.

  Elle entre-ouvra la bouche avec stupéfaction devant son audace. Elle attrapa son sac.

  — Madame n'a-pas-de-conversation rentre et te dis à demain.

  — Elle ne me dit même pas bonne nuit ?

  — Pas assez de mots sur son disque pour dire cela. Elle doit se contenter de choisir toujours les mêmes mots. Une de ses particularités : elle change rarement de disques.

  — Agatha, je ne voulais pas briser ton égo à ce point.

  — T'as touché un point sensible, Kings'. Je ne pourrais pas te pardonner de sitôt.

  Il pouffa de rire avant de passer son bras droit autour du cou de la brune. Elle se décala de son emprise et le toisa du regard.

  — Tu ne sais vraiment pas t'y prendre avec les filles.

  Sur ces mots, elle quitta le vestiaire, laissant derrière elle son collègue, perplexe et désarçonné par sa réaction. Il fallait vraiment qu'il s'y prenne différemment. Et il était prêt à trouver des tutoriels auprès de ses connaissances pour réussir à la faire tomber pour lui.

  Elle tombait doucement amoureuse de lui, mais il ne s'en doutait pas. En réalité, il réussissait très bien à la faire tomber à ses pieds.

Publié le 15/07/23

𝐀𝐆𝐀𝐓𝐇𝐀'𝐒 𝐋𝐎𝐕𝐄𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant