Aout 1533, Tumbes, Cordillère des Andes :
Le soleil se lève petit à petit à l'horizon. Il épouse délicatement les montagnes s'étendant à perte de vue. Le ciel vient les peindre en un léger rose saumon. Le paysage est à couper le souffle. Ça et là, on distingue quelques cactus verdâtres légèrement recourbés. Le sol poussiéreux est jonché d'herbe brunie par le soleil. L'ensemble est très aride. Ce n'est que l'aube pourtant il fait déjà chaud et vient s'ajouter l'humidité.
Montée sur un cheval, je me penche en arrière afin de coller mon dos au sien. Les bras derrière la tête je contemple la voûte céleste qui se réveille. On avait accosté la veille et décidé qu'il était plus prudent et plus convenable de marcher la nuit. En effet, à moitié submergée par mes rêves, j'arrive faiblement à distinguer le son des sabots des chevaux embraser le sol, la poussière formant au gré du vent, de jolies envolées ; ainsi que ceux des pas des soldats répondant à la cadence. Bien sûr j'avais remis sur moi ma tenue fétiche et j'espérais ne plus avoir besoin de me séparer de mes armes -et de mes gants à la même occasion-.
Quelques lieux de marche plus loin, on arrive à distinguer les murs d'une forteresse. Encadrée par la mer d'un côté, elle est imposante. On ne pouvait pas la placer dans un lieu aussi stratégique que celui-là. Je me contracte presque immédiatement quand elle entre dans ma ligne de mire. Je suis tendue et affreusement nerveuse. Une fois arrivé au niveau du pont-levis, je descends de ma monture, j'ai les jambes horriblement engourdies. Je caresse gentiment l'encolure de l'animal puis sursaute quand j'entends une voix forte et grave :
_Voilà le renfort ! Levez la herse !
-Je lève la tête, un conquistador vêtu d'une armure se met gentiment au travail. Un écuyer arrive vers moi et se propose gentiment pour me débarrasser de mon cheval. -
Une fois celle-ci levée, c'est un spectacle obscur qui s'offre à moi. Au premier regard le fort est tout à fait « accueillant » avec ses belles murailles. A gauche se présente un bâtiment simple que je décris comme étant la poudrière. En face, la bâtisse est remarquable, flanquée d'une tour, ce qui lui donne toute son élégance. Mais si on regarde plus loin, le sol sableux et crasseux est absorbé de sang, et flotte dans l'air une odeur de transpiration mêlée à celle de l'humidité. A côté de la tour je distingue une potence et je n'imagine pas le nombre d'armes blanches, de fusils et de canons qu'on peut trouver dans l'armurerie. Je décide de suivre le mouvement ne sachant pas où je suis sensée me rendre. A chaque pas que je fais, la plupart des soldats se tournent vers moi, j'ai le droit aussi à quelques sifflements. Mais quelles idées Charles Quint a-t-il eu pour m'envoyer ici ? Je fini par franchir le seuil de la bastille. Je me décale sur la droite et attends. Le hall est spacieux, plus dans le fond, survient un escalier permettant de monter à la tour -je pense- et de descendre à ce qui doit être les prisons. Pour le moment pas de Pizarro en vue. Je continue de scruter les lieux du regard. Plus le temps passe et plus mes mains deviennent moites. Je suis terriblement nerveuse et mal à l'aise. Dans la foulée, on entend le résonnement d'un pas déterminé et lourd dans la cage d'escalier. Les talons cognant sur chacune des marches, l'écho s'amplifiant au fur et à mesure que la personne approche. C'est alors que je le vis. Sortant de l'ombre, se tenant droit, la main droite posée sur le manche de son épée. Pizarro. Il a l'air furieux. Sa carrure est imposante. Ses cheveux noirs sont ébouriffés. La forme de son visage est marquée par sa barbe. Il fronce les sourcils amplifiants les traits de ses quelques rides. Malgré son âge, il est encore en excellente santé. Je le fixe ainsi pendant plusieurs secondes. Un homme l'interpelle, malheureusement je ne peux pas voir qui s'est en raison de l'affluence des soldats. Au bout de quelques minutes, il finit par remarquer ma présence. Il avance vers moi, il garde un air sérieux :
_Laguerra ! Te voilà enfin.
Il me prend la main et y dépose un baiser. Puis il m'invite à me rendre dans la pièce d'à côté.
Elle est sublime. Le parquais est impeccablement ciré à tel point qu'on peut se mirer dedans. S'offre à nous une majestueuse table en bois vernis accompagnée de chaises dorées à coussins rouges. Pizarro s'assoit sur l'une d'elle et m'invite à faire de même. Il se sert un verre de vin rouge puis m'en tend un. Je l'accepte et porte le contenu à mes lèvres. Dès les trois premières gorgées je sens déjà les effets de l'alcool. Sur ce, il m'adresse la parole :
_Bien. Tu sais pourquoi Charles Quint t'a fait convoquer ici.
_Affirmatif. J'essaye de rester impassible et de faire attraction de la substance qui me monte à la tête.
Il réfléchit, trifouille sa poche, en sors un quipu, le met sur la table. Je me penche pour l'examiner de plus près. Le travail est magnifique. Chaque nœud est fait avec une telle délicatesse. Puis le gouverneur me dit :
_Comme tu le sais, ceci est un quipu d'or. Pour le déchiffrer j'ai besoin de la jeune inca Zia. Il me semble que tu la connais...
Je hoche la tête pour lui dire « oui ».
Je pose tout de même une question :
_Et comment comptez-vous vous y prendre pour la capturer ?
_J'y arrive : mon capitaine Alvarez et sa troupe sont à sa poursuite. La dernière fois qu'ils l'ont vu, elle était sur un imposant vaisseau en or. Ça ne passe pas inaperçu n'est-ce pas ? Ils ne devraient plus tarder à mettre la main dessus. -Son regard est grave, tout en parlant il émet un claquement quand son point droit vient se cogner dans sa paume gauche. -
_Alors quel rôle je suis sensée jouer ? Je croise les jambes et essayé de paraître détendue mais je sais au plus profond de moi que suis terrifiée.
_Alvarez est maladroit. Toi, tu es le meilleur agent qui soit. -Il me pointe du doigt. - Une fois que la jeune fille sera entre nos mains, je veux que tu la fasses parler.
Entonnée je m'exclamais-je :
_C'est tout ?
_Crois-moi Isabella, c'est bien plus dur de ce qu'il n'y parait. - De concert, il recule sa chaise. - Mais tu es une femme et c'est une jeune fille donc logiquement tu devrais avoir plus de succès que nous. -Il se passe les mains dans ses cheveux « embrumés ». -
_Bien
_Mais ce n'est pas tout. Je ne sais pas comment mais ces gamins réussissent toujours à s'en sortir ! -Il sert les points. -
Je le coupe :
_Vous avez dit : « ces » ?
_Oui, en effet. Elle voyage avec deux jeunes garçons du nom de Tao et d'Estéban mais aussi avec trois marins espagnols dont le capitaine Mendoza qui d'ailleurs lui aussi à la charge de me l'a ramener -son ton monte, l'atmosphère est palpable- et ils arrivent malgré nos efforts à nous échapper avant qu'on ait pu récupérer n'importe quelles informations. -Il cogne son point contre la table à tel point que celle-ci se met à chavirer. - Je veux donc que tu les espionne. L'empereur m'a fait part de tes prouesses et tu es pleine de talents, je te demande donc de les mettre à profit.
_C'est entendu.
Soudain Francesco se lève, il contourne la table et vient se poster à côté de moi. Il pose d'ailleurs sa main sur le dossier de la chaise.
_Ecoute moi bien Laguerra.
Je tourne la tête et le regarde dans les yeux.
_Les informations que nous voulons récolter, elles ont un but. Celui de nous mener aux cités d'or. Je veux, et j'ai bien dis « je veux », que tu sois irréprochable sinon je me ferai un plaisir de battre une jeune inca innocente sous tes yeux à chaque fois que tu échoueras.
J'écarquillais les sourcils. Je savais que Pizarro était un être pourvu de violence mais pas à ce point. Pourquoi vouloir faire du mal à une innocente, si c'est moi qui agis mal et par conséquent qui devrais « mériter » une correction ? Et voilà, encore une question !
Je garde mes yeux rivés sur ceux du gouverneur. Nous nous défions ainsi pendant un certain temps. Il finit par soupirer, baisse la tête et récupère le tissu d'or noué.
_J'ai à faire, je te laisse vaquer à tes occupations. Ta chambre est au deuxième étage, au-dessus de la mienne.
Il s'en va, me laissant seule face à mon verre de vin à moitié plein.
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Fanfiction Les Mystérieuses cités d'or.Saison 1
Fiksi PenggemarVoilà un an que le père d'Isabella est partit. Un an et elle commence sérieusement à s'ennuyer à la cour d'Espagne. Jusqu'au jour où Charles Quint lui confie une nouvelle mission : ramener à Pizarro la petite Zia... mais être le bras droit de Pizarr...