_ISABELLA !
La voix furieuse d'Hernando résonne dans tout le camp. Dès lors, quand je m'apprête à sortir, je me prends violemment un mur de chair. Deux hommes imposants par leur carrure me barrent la route. Les deux ont de longs cheveux noirs. C'est à peine si on peut les différencier, seule une immonde cicatrice recouvrant le visage du premier, nous le permet. C'est d'ailleurs celui-ci qui se jettent sur moi pour m'attraper. Il m'empoigne le bras avec une telle force, que je laisse échapper un bruit rauque.
_Prends en soin tout de même.
Je me retourne, Hernando est adossé à la table, il compresse à l'aide d'une serviette sa lèvre qui a l'air de saigner abondamment : le tissu en est imbibé.
Je n'aime pas du tout le ton qu'il a employé et comment il a formulé sa phrase.
Puis il abandonne sa position et son torchon pour moi. Il s'avance et comme tout à l'heure me prend le menton pour m'inciter à le regarder dans les yeux.
-Sa lèvre est littéralement déchirée et boursouflée. Je ne l'ai pas loupé... -
_Je crois qu'on ne s'est pas très bien compris tous les deux ? Je me trompe ?
Je lui lance un gros vent, mon regard est noir et indéchirable et c'est très bien ainsi.
_Tu souhaites le revoir ? Eh bien, je t'accorde cette faveur. Allons donc faire un tour...
A ces ordres, l'homme qui me tenait jusque-là me saisis les épaules et me pousse sans détacher sa prise pour me faire avancer. On sort dans le soir de la nuit, le léger vent vient s'infiltrer sous les manches de ma chemise, ce qui me fait légèrement frissonner.
J'avance au rythme des gardes et remarque que nous empruntons le même chemin -dans le sens inverse bien sûr. - D'emblée quand nous nous stoppons devant la tente dans laquelle je me trouvais il y a à peine une heure, je constate avec épouvante que c'est celle d'Hernando.
En même temps Isa, tu t'attendais à quoi ?
Celui-ci entre d'ailleurs dans sa demeure, nous l'imitons quand il nous invite à le faire. Nous nous organisons en un cercle. Le conquistador ne me lâche pas. De fort, Hernando demande que l'on lui amène le prisonnier. Mon sang ne fait qu'un tour et il commence sérieusement à bouillir dans mes veines.
Bon Dieu. Dans quel état je vais le retrouver ?
Les secondes sont des heures durant lesquelles j'ai l'impression qu'il ne se passe absolument rien pourtant je sais que Juan souffre et si ce n'est pas le cas, ça ne saurait tarder.
Soudain j'entends des pas imposant et quelqu'un gémir.
Juan
Je reconnaîtrais sa voix entre mille.
Deux gardes le tiennent aux niveaux des épaules. Il est torse nu. Le bandage que je lui ai fait est complètement dépravé et sale. Son visage est égratigné de part et d'autre. Ses cheveux, ses beaux cheveux noirs sont ébouriffés et tout collés de sueur. Il a sans aucun doute, reçu plusieurs coups.
Il me paraît si faible comparé aux gardes qui nous entourent mais si beau, je sais qu'il est fort mais je fais tellement de soucis pour lui. Tout est ma faute, je m'en veux tellement. Je ne tente même pas malgré moi de me débattre pour le rejoindre même si c'est la seule chose qui me tient à cœur de faire en ce moment. J'ai envie de passer mes doigts dans ses cheveux, de caresser sa cicatrice, de lui chatouiller le torse, de l'éteindre de l'embrasser et de lui dire, ... lui dire à quel point il est beau, à quel point je l'aime.
Quand Juan se décide enfin à relever la tête et quand ses yeux se plongent dans les miens, je me sens revivre, un frisson mes parcours l'échine. J'aimerais tellement qu'il puisse lire dans mes pensées. Pour lui faire savoir que je crois en lui, et que je serais avec lui jusqu'au bout, je m'autorise à lui déclarer du bout des lèvres :
_Je t'aime.
D'emblée il se met légèrement à sourire et me répond par un "moi aussi' que j'arrive à déchiffrer.
Soudain, la voix d'Hernando me fait sortir de ce si beau moment dans cette situation si ...
Comment dire ? Cauchemardesque. Cauchemardesque. Ouais c'est ça.
_Alors Isabella ?
_Je me tourne légèrement vers lui pour le regarder de haut, je fronce les sourcils exagérément pour lui faire comprendre que je n'ai pas compris.
_He bien ? Qu'à tu à dire à ce traître ? Tu voulais le voir non ?
L'étonnement fini par prendre l'avantage avec la culpabilité et l'innocence :
_Mais, je n'ai jamais demandé, c'est vous qui...
A ces mots, il sourit et plus que content il clame :
_Très bien, dans ce cas, je considère que vos adieux ont été prononcés.
Puis s'adressant aux soldats qui me tient toujours fermement, il ordonne :
_Passes-la moi.
Hé ! Je ne suis pas un objet.
Je n'aime du tout la manière dont il parle de moi.
Alors le balourd me bouscule légèrement et c'est dans les bras d'Hernando que j'atterris.
De sa paume il me prend la tête pour la basculer en arrière et de concert, il place une petite lame sous mon menton. En collant sa bouche à mon oreille il me demande :
_Tu sais le sort qu'on réserve aux traîtres ? N'est-ce pas très chère ?
Pourquoi sont-ils tous obligés de m'appeler très chère ?
Sa langue est presque contre ma peau. Je n'aime pas ça.
Constatant que je ne lui réponds pas, il presse un peu plus le poignard contre mon larynx et d'une voix bien plus dure, il revient à la charge :
_Alors que mérite-t-il Isabella ?
Son timbre se fait de plus en plus fort, il manque de me transpercer le tympan.
_Dis-lui Isabella, ce qu'il mérite. Regarde le bien -alors de sa poigne il tourne légèrement ma tête pour que Juan soit dans ma ligne de mire. Celui-ci me regarde d'ailleurs avec confiance mais je lis de l'effroi au travers de ses yeux.
_Allez Isabella. Je veux l'entendre de ta bouche.
Ma gorge est bloquée, mon esprit réfléchit de trop, je perds trop le contrôle de la situation. Mon souffle est court, mon cœur bas à tout rompre. Je manque d'étouffer.
C'est difficilement que j'articule :
_La ... la ... la ... mort. Ce mot est tellement dur à prononcer, il me fait l'effet d'un coup de poing dans le cœur. Je ne veux pas que Juan meure. Pas maintenant.
Alors je crie à plein poumons :
_ATTENDEZ !
A ces mots, tous les soldats se pétrifies -Hernando de même- avant de se mettre à rire.
_Quelque chose ne va pas ? Ce n'est pas à ton gout ?
Son timbre de voix est diabolique mais pas autoritaire. A bout de souffle, ma poitrine manquant d'exploser, j'implore :
_Laissez-moi l'approcher une dernière fois. Je vous en prie. Après vous ferez ce que vous voulez.
Il renonce ex-abrupto :
_J'ai déjà laissé du temps pour ça. Tu as perdu ta chance. T'en pis pour toi ... mais ne t'inquiètes pas. Je ne vais pas le faire mourir -même si c'est ce qu'il mérite amplement – Je te dois bien ça. Après tout tu m'as rendu un fier service en tuant Francesco ...
_Qu'allez-vous faire alors ? Demandais-je au bord du précipice.
- Mes jambes manquent de ma lâcher. -
_Le faire souffrir, lentement, longtemps ...
Je manque de souffle, à tout moment je crains de m'évanouir.
Il finit sa phrase :
_Sous tes yeux.
Là c'est le gouffre total. Je ne veux pas. Je n'en ai pas envie. C'est trop.
Voyant que je dois commencer à perdre pied, Hernando me prend par la taille et me colle davantage à lui. Il me souffle dans l'oreille :
_Je te jure que si tu pleures ou que tu cherches à le rejoindre, je demanderais à mon acolyte de taper plus fort ...
A brûle-pourpoint, il commande :
_Attachez le et enlevez-lui son bandage.
Il recolle sa bouche à mon oreille :
_Quant à toi ma belle, tu vas m'offrir une très belle nuit. Tout en disant cela, ses doigts remontent le long de mon ventre et quand ils se fraient un passage entre mes seins, je constate avec horreur que je ne porte pas mon corset.
Avec toute la rage qui existe en moi je lui fais savoir :
_Dans vos rêves.
Pour seule réponse, un petit rictus se forme sur son visage avant de laisser place à un sourire que je connais que trop bien maintenant.
_Regarde.
Mes yeux convergent alors vers Juan. Il est attaché au « plafond » par des chaines lui comprimant les poignets. Ses pieds touchent à peine le sol. Cette position le fait souffrir même s'il ne le montre pas. La plaie de son torse n'est vraiment pas jolie. Elle s'est infectée, -comme je le craignais – la cicatrisation a à peine entamée, et pour couronner le tout, la couture s'est déchirée dévoilant une masse blanche : de la chair.
A cette vue, je me pétrifie. Davantage quand un des jumeaux – pas celui à la cicatrice – s'avance pour lui donner un premier coup dans le flanc. Sous la douleur, Juan se courbe, il se mords les lèvres pour atténuer ses cris. Le bourreau recommence, encore et encore. Les gémissements et les braillements de Juan arrachent, résonnent dans mes oreilles. Ça m'est insupportable. J'ai envie de hurler, de tabasser Hernando, de crier à Juan que ça va aller et qu'il va s'en sortir mais plus les coups sont nombreux et plus sa blessure se fait profonde, du sang commence à couler, la chair à vif s'enlève petit à petit révélant les os de ses côtes qui se trouvent en dessous. Je me retiens de tout, de pleurer, de me débattre. Je prends sur moi pour ne pas craquer, je suis épouvantée par ce que vois mais je fais de mon mieux pour garder mon calme. Juan souffre déjà beaucoup comme ça, je ne veux pas empirer les choses. J'attends que la chose se passe avec frayeur, inquiétude, panique et j'en passe. Tant d'émotions me submerge. Juan ne mérite pas ça, loin de là.
Ho Juan si tu savais comme je m'en veux. Si tu savais à quel point je t'aime. Pardonne-moi de ne pas avoir été à la hauteur mais tient le coup. Je ne mérite plus que tu survives pour moi mais sache que je suis là. Pitié, pardonne-moi. Pardonne-moi.
Ses cris continuent de retentir. Ils sont de plus en plus fort, de plus en plus emplis de douleur, d'émotion, d'angoisse. Son être est en transe, de la sueur coule le long de ses cheveux, de sa nuque, elle rejoint ses épaules puis son abdomen. Ses jambes tremblent et le tiennent à peine, ses poignets doivent être à vif. Les traits de son visage sont déformés, certains cachés par quelques mèches. Quand du sang sort de sa bouche, je plaque ma main contre la mienne pour éviter de brailler. C'est horrible, je ne vais plus pouvoir retenir mes larmes bien longtemps. Quand cela va-t-il cesser ?
Alors je me tourne vers Hernando et je le supplie :
_Pitié, dites-lui d'arrêter. Il va le tuer.
Ses yeux verts d'eau rencontrent les miens, il m'examine un certain temps au bout duquel il me ramène vers lui pour me conférer dans le creux de l'oreille :
_C'est bien par ce que c'est toi.
Alors se tournant vers son acolyte, il lui commande :
_C'est bon, tu peux arrêter Marco. Il en a assez eu pour aujourd'hui. Relâchez-le et sortez tous. L'homme à la cicatrice s'avance, pour enlever les chaînes qui maintenaient Juan prisonnier. Une fois que tous les militaires sont sortis et qui ne reste qu'Hernando, Juan et moi. Le premier me dit :
_Je te laisse vingt minutes pour profiter de lui. Après c'est à mon tour de profiter de toi.
VOUS LISEZ
Fanfiction Les Mystérieuses cités d'or.Saison 1
FanfictionVoilà un an que le père d'Isabella est partit. Un an et elle commence sérieusement à s'ennuyer à la cour d'Espagne. Jusqu'au jour où Charles Quint lui confie une nouvelle mission : ramener à Pizarro la petite Zia... mais être le bras droit de Pizarr...