Chapitre 22

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En position fœtale, je suis tiraillée par la douleur. Chacun de mes muscles est en transe. Ignorante du lieu où je me trouve et de la situation, je mets à m'imaginer dans le ventre de ma mère. - La sensation est agréable, j'ai l'impression de flotter. – Elle que je n'ai jamais connu. Elle que je n'ai jamais vu. Elle qui m'a aimée et portée pendant neuf mois. Neufs mois. Elle qui a aimé mon père et qu'elle aime surement toujours. Elle qui a donné sa vie pour me mettre au monde. Je me recroqueville davantage, je sens de légères et douces larmes coulées lentement le long de mes joues. Cette émotion est douloureusement affable. C'est avec regrets que je prends l'initiative de me lever mais j'ai cruellement besoin de bouger. Une fois debout j'analyse les lieux. Je suis dans une chambre, elle me dit vaguement quelque chose mais je suis incapable de me souvenir pourquoi. Tout me paraît nouveau : l'air frais et pur de la nuit, la luminosité argentée, la paix et le silence qui m'entoure. J'ai l'impression de revivre.
Je sors. La fraicheur me fait trembler - je ne porte sur moi que ma chemise - mais me rend légère. J'inspire profondément et je m'étonne à sourire. Soudain j'entends un plongeon. Y a quelqu'un. Sans savoir pourquoi et comment mes jambes font pour avancer, je me dirige à petit pas vers le bruit. Plus j'avance et plus je sais que je m'en approche. Il me faut qu'un quart de seconde pour en trouver la source.
C'est alors que je le vois - luisant dans l'eau sous la lune - lui, Mendoza. Je ne sais plus d'où ni pourquoi je connais cet homme mais je suis certaine que c'est lui. C'est Mendoza.
Les quelques gouttes de son torse nu humide reflètent les légers rayons lunaires qui semblent se diriger uniquement vers lui. Alors que même que je ne connais et n'aime pas cet homme, je suis incapable de détourner mes yeux de cette scène. Je suis médusée. Incapable de bouger. Je me mets alors à le contempler.
Par tous les Saints !
Ses magnifiques cheveux mouillés se collent élégamment à sa nuque. Sa silhouette parfaitement musclée s'étend dans une nage douce et maîtrisée.
Oh mon Dieu !
Il me fait tellement pensée à Charles.
Diable !
Charles ! Charles ! C'est pour lui que je suis là ! Alors que mes souvenirs refont surface, Mendoza se retourne inopinément. Prise au dépourvu, j'ouvre la bouche de stupeur. C'est la seule chose que je suis capable d'effectuer. Mon être est encré dans le sol. Bien que la situation soit gênante et que j'ai envie de m'enfuir, quelque chose me retient. Je n'arrive pas à identifier quoi. Je ne me suis jamais sentie aussi idiote ! Je décide de compter jusqu'à trois.
Un
Ses yeux sombres pourtant brillants rencontre les miens. Il est abasourdi mais bien vite, il m'offre un léger sourire serein.
C'est impensable.
Deux
Mes prunelles descendent alors sur sa bouche. Le sourire qu'elles dessinent est si parfait que je ne me résigne pas à m'y détacher.
Trois
J'imprègne chacun de ses traits dans ma tête. Son menton carré mais pas trop, ses lèvres angéliques, son nez, tout. Je me sens raidir, mes joues virent au cramoisi.
Quatre
Je prends une grande bouffée d'air et prend la fuite.
Mais qu'est-ce qu'il m'a pris ? Je deviens folle ! Ce que je viens de faire est impensable. Pourtant ces trois secondes, ont été les plus intenses de toute ma vie. Je jugerai que mon cœur s'était mis à battre plus vite. Que jamais en si peu de temps, je n'avais ressenti autant de palpitations dans tout le corps. Jamais quelqu'un ne m'avait fait cet effet-là ! Pourtant je hais cet homme, comme tous les autres, il en a que pour l'or.
Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?
Une fois entrée dans ma chambre, tous mes souvenirs ressurgissent. -Je sais où où nous trouvons : au Vieux Pic. - Je me souviens de tout. Mes relents sont nombreux, beaucoup trop nombreux.
Bon Dieu ! Charles ! Charles !
Ça y est ça me reviens : ma mission, la traversée sur la Victoria, mon arrivée chez Pizarro.
Bordel ! Pizarro !
A l'évocation de son nom, le sol se dérobe sous mes pieds. Je suis prise de tremblement incontrôlables et effroyables. Je me souviens de ces verres qu'ils me donnaient. Il essayait de m'empoisonner je crois. Je me souviens de son corps plaqué contre le mien. A à ce quoi j'ai échapper... Sa blessure à la joue.
Sacré bleu !
Tout la scène ressurgit, les souvenirs sont douloureux à encaisser, trop douloureux. Les larmes se font abondantes. La peur, la rage et la vengeance enfle en moi, si bien, que j'ai besoin d'évacuer. Alors je prends tout ce qui se trouve à porter de main et je balance le tout contre le mur.
Un verre, deux verres, trois verres, un bol, des assiettes... je lance autant d'objets que possible. Mes nerfs sont en feu. Je pleure jusqu'à que mes yeux gonflent et me brûlent. Je me mets à crier à hurler jusqu'à m'en déchirer la voix.
Je suis hors de moi, je prends vaguement conscience de ce que je suis entrain de faire alors je continue. Il m'en faut peu pour mettre la pièce sans dessus dessous. Plus rien n'a de sens. Je ne me suis jamais senti aussi vide, aussi seule. Mon cœur est semblable à cette chambre maintenant mutilée par ma faute.
Vide, je suis vide.
Pourtant pendant CES trois secondes je ne me suis jamais sentie aussi bien.
Mais qu'est-ce que je raconte ?
Ha Isa ! Reprends-toi pour l'amour du Ciel !
J'inspire à fond pour me calmer, pour remettre mes esprits en place mais c'est dur. Soudain la porte s'ouvre sur une silhouette que je ne reconnaitrais que trop bien maintenant.
Bon sang, Mendoza !
Il est trempé, plusieurs goutent d'eau viennent se briser sur le sol pierreux.
Comme tout à l'heure, mon corps refuse de bouger et mes yeux ne peuvent s'empêcher de l'admirer. Son regard est perçant et il n'a pas besoin de parler pour me faire savoir si je peux le laisser entrer ou pas. C'est timidement que je hoche la tête pour lui donner mon consentement.
Il s'avance à pas prudent comme si à tout moment comme un animal sauvage qu'il n'arriverait pas à dompter je m'enfuirai. Il scrute vite fait la pièce du regard et ne dit rien. D'une seconde à l'autre, il n'est qu'à quelques centimètres de moi. Ses yeux continuent de plonger dans les miens.
Il ne m'en veut pas ? Mais ce que j'ai fait est tout bonnement impensable !
Dans l'instant, je sens le bout des doigts me démanger et dans l'instant qui suit je sens des doigts effleurés les miens. Les siens. Il m'empoigne alors le poignet et ne me demande pas mon reste pour le suivre. On ressort et alors qu'il replonge dans l'eau, il m'invite à le suivre.
Ho ! Il n'est pas sérieux là quand même ? Hé bien, faut croire que si...
J'hésite, je mets un pied devant l'autre jusqu'à arrivé au bord du lac. J'y plonge alors mes chevilles, mes cuisses, mon ventre – qui se serre au contact de l'eau - puis je m'y engouffre jusqu'aux épaules. C'est bon, c'est doux, c'est agréable. Je le rejoint alors. Il m'attend immobile. Quand je me présente devant lui, il me dit dans un faible murmure :
_Enfin vous êtes réveillez Señorita. Vous nous avez fait une peur bleue.
J'écarquille les yeux incrédules.
_J'ai dormi combien de temps ? J'ai tellement du mal à déglutir que ma voix est presque inaudible.
_Un peu plus de deux jours. Soudainement ses traits se font plus dur et il m'annonce d'une voix rauque :
_Vous avez fait beaucoup de cauchemars. Vous étiez en état de choc. On a essayé de vous réveiller plusieurs fois mais ça n'a pas marché... Vous n'avez pas à me confesser quoi que soit Señorita.
Alors qu'il commence à s'éloigner pour se remettre à nager, il me lance doucement :
_Je suis heureux de voir que vous allez déjà un peu mieux.
Je suis obnubilée par ses propos. C'est eux qu'ils m'ont récupérés quand on était au plateau de Nazca. Je leur dois beaucoup.
Je nage vers lui, je marmonne un « merci ».
Il se retourne. Mes yeux re-convergent vers sa bouche humide.
_C'est à moi de vous remercier Señorita. Vous avez pris des risques pour sauver les enfants et je vous en suis éternellement reconnaissant.
Son regard est soudain impénétrable mais il ne ment pas. Je le sens, je sais qu'il est sincère. Je baisse la tête et de concert des larmes se mettent à perler au coin de mes yeux. Je me mets à les fermer pour ne pas qu'il le remarque mais mes légers sanglots me trahissent. Soudain, je sens son souffle chaud dans mon cou. Et alors je craque. Quand il me prend dans ses bras j'émets un hoquet de surprise – son torse est brûlant, musclé, doux - je fini par lui rendre son étreinte. Des fourmillements me parcourent alors.
Diable ! Mais comment ça se fait ? Il un effet sur moi que je ne connais pas mais qui m'apaise.
On reste tous les deux à nager jusqu'au petit matin parfois comme deux adultes, parfois comme deux gosses. Plusieurs fois il a réussit à me faire rire. D'un rire que je ne pensais ne plus jamais émettre de toute ma vie. Dans les douleurs et les pleurs, il m'a offert une nuit inoubliable que j'espère ne jamais oubliée.
Avant qu'on sorte pour de bon, je lui demande :
_Si je ne suis pas trop indiscrète...
_Allez-y toujours. Je n'ai rien à perdre...
_Comment vous appelez-vous ?
_Juan, je m'appelle Juan, Juan Carlos.



Fanfiction Les Mystérieuses cités d'or.Saison 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant