Chapitre 36

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Une violente pluie d'eau douce à demi-glacée me réveille dans un gémissement rauque. Il me faut quelques secondes pour que la réalité me revienne. Ma tête me fait mal, je suis allongée sur une matière moelleuse, je ne porte sur moi qu'une fine chemise blanche bien trop lâche pour mon corps que je trouve trop frêle. Les quelques rares rayons de soleil encore très faibles de l'aurore illuminent ce qui me semble ressemblé à un salon de fortune. Quand j'entends la voix de celui dont je porte la chemise clamer un « Tu n'as pas fait de cauchemars cette nuit » je me redresse d'un coup et me mets debout, prête à lui faire face. A à peine un mètre de moi, Hernando se tient là, un sceau dans la main. Je devine que c'est lui qui me vient de me le vider sur la tête. Je lui fais savoir sur un ton pour le moins amical :
_Vous n'étiez pas obligé de me réveiller de cette manière !
A ces mots, Hernando, en me jaugeant de haut – tout en arquant un sourcil – crache :
_Tu sentais l'alcool à plein nez !
Quel alcool ? Mais de quoi il parle ?
Ma bouche s'ouvre lentement au même rythme que mes sourcils qui s'écarquillent pour laisser place à l'étonnement qu'on peut maintenant lire sur mon visage. Mais l'homme aux yeux vert émeraude ne me laisse pas le temps d'en placer une :
_Au lieu de rester planter là, tu ferais mieux de te changer ! Ce n'est pas que ma chemise te va à ravir mais je voudrais tout de même la récupérer ! Tu comprends ? Figure-toi qu'on a du travail.
Abasourdie, mon corps refuse de répondre à mon cerveau qui commence sérieusement à bouillir.
_Hé bien qu'attends-tu ? Le travail n'attend pas lui ! Dépêches-toi de faire ce que je te dis ou je le fais moi-même ! Tes affaires sont à l'arrière.
Voyant que le Gouverneur commence à perdre patiente j'obéis totalement perdue dans la marée de ces propos qui m'emportent jusqu'à la pièce dédiée à me changer.
Une fois préparée -c'est-à-dire habillée de ma tenue fétiche et mes cheveux dressés dans un chignon haut mais pas trop -, je me présente devant Hernando – accompagné des deux jumeaux, ses acolytes dont il ne se sépare jamais - sa chemise entre mes bras mais je remarque qu'il n'en a pas besoin puisqu'une autre vient parfaitement épouser les formes de son torse muscler.
J'émets un « hé » de surprise. Et pour couronner le tout, balance le haut dans la figure du Gouverneur.
_Voilà pour vous crapule ! J'ignore pourquoi j'avais votre immondice sur moi mais...
Le roux me coupe :
_Tatata ! Pas de blabla ! Ici, c'est moi qui parle !
Il tourne la tête vers le jumeau à la cicatrice qui de suite se dirige vers moi pour m'empoigner l'épaule droite dans un élan de force qui me fait légèrement perdre l'équilibre. Mon cœur cogne dans mes tympans bien trop violemment. D'un coup mon estomac se tord, je me sens mal. D'instinct, je porte les mains à ma bouche.
_Alors Senorità ? On a un problème peut-être ?
Le timbre diabolique d'Hernando résonne dans mes oreilles.
Tu sens l'alcool à plein nez. On a un problème ?
_Je ... je ... je ... qu'est-ce que vous ... ? Je peine à sortir les mots, mon larynx se ferme et s'ouvre dans des mouvements incessants. Mon estomac et mon œsophage me brûlent. J'ai envie de ... mais avant d'avoir le temps de finir ma pensée, Hernando commande à l'homme qui me tient toujours aussi fermement :
_Fais la vomir.
Hein ? Quoi ? Mais ?
De fort, je cherche à me débattre mais face à une brute pareille c'est perdu d'avance.
_Je vous assure ... que c'est ... inutile ... ça va sortir tout seul ... Je suis pliée en deux, croulée sous l'intensité de la douleur dont les quelques rares larmes me montent déjà aux yeux.
_Je n'ai pas de temps à perdre ! Je te rappelle ! Si ça doit sortir, autant que ça sorte maintenant n'est-ce pas ? Dépêches-toi Manolo. Je n'ai pas envie de me salir les mains ...
Dés lors, le soldat passe ses imposants bras musclés autour de ma taille et me compresse le ventre une première fois. J'ai l'impression que je vais suffoquer, un important filament visqueux et acide remontent le long de ma voix respiratoire. Je gerbe à en avoir le souffle coupé. Les larmes se font plus abondantes, j'ai mal.
Au Deuxième compressement et dégorgement :
Ça brûle.
ça s'enflamme.
Ça m'arrache le cœur.
Petit à petit, je sens que je perds pieds. Mes sens sont entrain de se perdre. Mes oreilles sifflent atténuant le bruit affreux de mes dégorgements et de mes hochets pleureurs. C'est une très violente gifle qui me réveille tout en m'envoyant à l'autre bout de la tente où je vomis ce qui reste en moi. Je reste allongée sur le sol, le temps qu'il met permis afin de souffler un très long et bon coup pour reprendre mes esprits. Après quoi, le mal de tête s'enfuit aussi vite qu'il était venu. Je me redresse furtivement avant que ce soit la masse de muscle qu'il le fasse pour moi.
_On se s'en mieux n'est-ce pas ?
La voix d'Hernando se reflète contre ma nuque dans un souffle léger et chaud. Dans ma régurgitation, je n'avais pas remarqué à quel point il s'était approché de moi jusqu'à me surprendre dans mon dos.
_Bon, passons aux choses sérieuses maintenant... Saches très chère, que nous avons du pain sur la planche ... j'ai une nouvelle qui vas te ravir ! Ha ha !
Sur ses paroles, il s'approche davantage. Une fois de plus, mon dos se retrouve collé à son buste. Je tourne la tête et d'une voix brisée par ma gorge enflammée mais forte et autoritaire, je lui glaviote dans l'oreille :
_Finissez donc sur votre lancé crapule ! Qu'on en finisse une fois pour toute !
_Pas si vite ma jolie. J'ai des consignes à te donner ! Le droit chemin, ce n'est pas trop ton truc à ce que je constate !
Le bras droit du Gouverneur s'enroule lentement mais surement autour de mon cou tandis que l'autre, se love à ma taille.
Je souffle :
_Alors, allez-y ! Qu'attendez-vous pour me donner une bonne leçon ? Ce n'est pas vous qui êtes pressez ?
_Tais-toi diablesse !
La bouche d'Hernando s'approche promptement de mon oreille, il m'expectore alors sa requête. Je réponds du tac au tac :
_Sinon ?
_Encore une fois tu ne comprends pas ! Eh bien voilà c'est simple : tu te tiens bien ou c'est Juan qui payera ! Personnellement, je n'hésiterai pas à te droguer pour recommencer ! Tu es tellement ... alléchante.
Il me dit ça comme si ça me paraissait évident mais je n'ai aucuns souvenirs de la veille.
Oh bordel ! Qu'est-ce qu'il a osez faire encore celui-là ?
_Recommencez quoi ? Lui confessais-je horrifiée. Et me droguer à quoi ? Comment ? Pourquoi ?
_Heureux de savoir très chère que ça à marcher ! L'alcool fait vraiment des prodiges !
_Oh mon Dieu ! Qu'est ce que vous m'avez fait ?
Tu n'as pas fait de cauchemars cette nuit. Comment est-ce possible ?
_Tu te souviens de la femme qui m'est promise à la cour d'Espagne ?
Je fais non de la tête. Il continue :
_Et ben voilà, la situation en est un peu plus délicate, c'est pourquoi si tu m'aides à m'octroyer les faveurs du roi, je te promets que ton Juan te reviendra vivant.
_Jamais. Jamais ! Vous entendez ? Jamais. Je ne peux pas être sûr que vous tiendrez parole ... Pitié, dites-moi ce que vous avez fait hier soir...
Tu n'as pas fait de cauchemars cette nuit.
_Souviens-toi de la conversation qui a précédé ...
_Qui a précédé quoi ?
_J'essaye de te le faire deviner ! Alors fournis un effort que Diable !
Tu n'as pas fait de cauchemars cette nuit.
Je ferme les yeux pour me concentrer, au même instant, la scène effroyable où Juan se fait battre ressurgit dans mon esprit. Quelques larmes coulent puis je secoue la tête pour passer à autre chose. Le cadre change du tout au tout. L'atmosphère est palpable, l'air frais, il commence à faire sombre. La nuit déjà s'abat sur le camp. Je me trouve dans le salon dans lequel je me suis réveillée ce matin. A mesure que je nage dans les souvenirs perdus de ma mémoire, les images défilent, vites et à grands nombres et alors au bout de quelques secondes, je lance dans un murmure :
_Vous m'avez séduite, putain.
_Exactement.
De fort, je sens les doigts du Gouverneur descendre le long de ma joue pour rejoindre mon menton, qu'il emprisonne de son index et de son pouce et ses lèvres légèrement humide se font proches des miennes. D'une faible voix, il m'ordonne :
_Regardes.
Alors que mes prunelles rencontrent ses yeux verts, il me prend délicatement la main pour y déposer une fine poudre blanche, que je porte alors à mes narines. Il me faut peu de temps pour constater ce que c'est. Ç'est inodore et dissoluble :
_De la morphine ! Je m'écrie faiblement.
_Une arme redoutable pas vrai ? Mon frère l'a souvent utilisée pour t'endormir...
Je regarde Hernando avec de grands yeux :
_Les fléchettes soporifiques ... mais ... mais ... comment se fait-il qu'il ne m'ai jamais prise dans mon sommeil ... ? Les mots sont difficiles à formuler et les souvenirs bien trop cruels pour qu'une petite larme ne ruisselle le long de ma joue. Hernando l'essuie du revers de sa main.
_Il fallait bien que quelqu'un soit là pour déjouer les plans de son frère et les tourner à son avantage. Le souffle chaud d'Hernando se perd dans mon conduit auditif, ce qui m'arrache un imperceptible hochet et un infime frisson.
_Vous étiez là tout ce temps ?
_Je ne peux pas être partout mais j'ai des hommes ...
Maintenant qu'il le dit. C'est vrai qu'on avait frappé à la porte au moment opportun... Ce n'était donc pas une coïncidence.
_C'est quoi votre plan ? Demandais-je dans un faible chuchotement.
_Tu obéis à mes ordres comme convenu, tu m'aides à obtenir les grâces du roi, en retour Juan ne souffre pas. Après tout, ça ne devrait pas être trop difficile, nous avons le même maître ...
_Et moi ?
_Tu n'as pas aimé ?
Je baisse la tête pour éviter son regard. Je sens mes joues rosirent et les battements de mon cœur s'accélérer.
Hernando relève ma tête et en plongeant dans mon regard il me demande :
_Réponds !
_Je ... o ... ou ... oui ... mais ... MAIS PAS AVEC VOUS !
_Hmm, c'est ce que nous verrons.
Alors que ses lèvres frôlent les miennes dans un léger murmure, il me relate :
_Combien es-tu prêtes à payer pour revoir ton chéri Isabella ? L'amour n'as pas de prix n'est-ce pas ? Alors offres-moi ton plaisir et laisse-moi faire disparaitre tes cauchemars le temps qu'il faudra ... Le jour viendra, crois-moi où nous serons unies pour l'éternité à nos destinées respectives ... Finalement, nous ne sommes pas si différents toi et moi ... nous agissons pour le même mobile ... celui d'un amour presque perdu ... Relions nos causes Isabella : finissons ensemble cette mission, je te promets que ton bonheur, te sera rendu ...
Au même instant, sa bouche s'écrase sur la mienne, nos lèvres et nos langues s'entremêlent dans un baiser ardent et rude sellant ainsi notre entente.



Fanfiction Les Mystérieuses cités d'or.Saison 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant