Chapitre 16

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Soudain j'entends la voix de Zia, elle laisse échapper mon nom de sa bouche. C'est une des dernières choses qui me parvient aux oreilles : je me laisse fondre sur le sol et porte mes deux mains à ma cuisse pour stopper l'hémorragie. Inopinément, des bruits m'atteignent : ceux d'une lutte. Ma tête tournant activement, je ferme les yeux. Par conséquent, j'ignore totalement ce qu'il se passe. Je m'allonge sur le dos, je tremble, j'ai mal. J'ai juste le temps de sentir qu'on me soulève -non sans délicatesse – et sombre dans l'inconscient.

J'émets un grincement quand j'éprouve une vive douleur au niveau de ma jambe, mon muscle se raidit. Étonnamment, ce n'est pas la voix de Pizarro qui entre dans mes oreilles mais celle de Zia :
_Ho pardon, je vous ai fait mal ? Sa voix est éprise d'une douceur inexhaustible. J'ouvre petit à petit les yeux et devine qu'elle est entrain de me faire un bandage assez serré. -J'essaye de relever mon buste, c'est un échec. - Je lui réponds en serrant les dents :
_ça va, tu peux continuer. Je voudrais lui poser des questions mais je suis incapable de réfléchir alors j'examine rapidement les lieux : on est dehors au beau milieu de la nuit. Un joli feu de bois crépite, autour de celui-ci je distingue quatre silhouettes : celle des deux gamins et celles de deux hommes -que je ne reconnais pas-. L'un d'eux demande :
_Elle s'est réveillée ?
Ce à quoi Zia acquiesce par un signe de tête. Par la lumière du feu, je remarque qu'il porte sur lui, une peau de léopard. Il s'approche et s'agenouille :
_Je suis Waïna et voici mon associé Ketcha. -Il désigne le deuxième homme assis à côté d'Estéban un peu plus loin- Nous sommes des Incas envoyé par notre chef Kraka afin d'accompagner les enfants au Vieux Pic.
Zia réplique :
_Ce sont eux qui sont venus nous sauver au fort.
J'en suis entièrement reconnaissante mais demande :
_Pourquoi m'avoir sauvée ?
Cette fois c'est Tao avec son fort caractère qui me réponds :
_ça, il faut le demander à Zia.
_Tao ! Elle s'est battue pour nous, elle m'a épargnée, il fallait faire quelques choses, il fallait la sauver en retour, c'était la moindre des choses non ?!
_C'est le bras droit de Pizarro je te signale.
_Peut-être mais si on l'aurait laissée là-bas, Pizarro...
_Pizarro quoi ?
Zia n'est plus capable d'émettre aucuns sons, j'ai compris le triste fond de sa pensée. Elle dit à son ami qui émet un souffle :
_Laisse tomber. Elle m'adresse ensuite la parole en me donnant un faible sourire :
_J'ai fini. Vous n'avez pas perdu beaucoup de sang mais la blessure est assez profonde.
Je regarde son chef d'œuvre :
_C'est parfait merci.
Waïna prend la parole :
_La route du Vieux Pic est encore longue, il faut repartir maintenant si nous voulons échapper aux Espagnols. Il se tourne vers moi :
_Vous restez avec nous mais Ketcha prendra vos armes. Je hoche la tête.
-Tout le monde se lève j'en fais de même. Mon muscle est affreusement tendu et je ne crains qu'avec la marche le sang coule de nouveau en abondance. -
Soudain, sans que personnes ne comprennent pourquoi, Ketcha qui était resté silencieux s'exclame :
_Ce peigne que vous portez, où l'avez trouvé ?
Je suis étonnée de sa question et répond sur un ton que j'espère le plus neutre possible :
_Il appartenait à ma mère. Je l'ai depuis...toujours. Au fond, cette phrase sort difficilement de ma bouche et le fait de prononcer le mot « mère » sonne bizarrement.
_Que dis-tu Ketcha ?
_Regarde bien Waïna. Il désigne l'objet qui tient mes cheveux de son index.
_C'est impossible, comment une Espagnole peut-elle en avoir la possession ?
_De quoi parlez-vous ? Dit Estéban.
_Vous comprendrez mieux arriver au Vieux Pic. On part ! Nous ordonne l'Inca à la fourrure.
A peine suis-je debout que Zia me rejoint. Elle a sans doute décidé de me tenir compagnie le long du voyage... C'est d'ailleurs ce qu'elle me sollicite. Je suis contente de ne pas avoir à me confronter en effectuant le chemin.
Au bout d'un certain temps, elle entame gentiment la conversation :
_Merci d'avoir essayé de nous sortir de cette impasse, ce n'était pas sans risques mais pourquoi l'avoir fait ? A cause des médaillons que nous portons Estéban et moi ?
Pour toute réponse, je lui souris espièglement.
_Vous ne voulez pas nous en révélé plus ?
_Je ne crois pas que le moment soit bien choisi.
_L'Espagnole a raison Zia, il nous faut garder nos forces et avancer pour arriver à l'aube. L'armée de Pizarro est à nos trousses et nous avons perdu pas mal de temps...
En comprenant que c'est de ma faute, j'accélère le pas. La douleur s'amplifie à chaque fois que je pose le pied au sol mais je n'en fais rien. Nous marchons ainsi jusqu'au crépuscule. Les premiers rayons de soleil nous parviennent difficilement à cause des frondaisons, mais on peut facilement deviner que nous arrivons à la sortie de la forêt par le vif éclat de lumière au terme du chemin. C'est à ce moment qu'Estéban subjugué par celui-ci se met à courir suivit de près par les deux autres gamins. A peine eut-il mit les pieds dans la prairie qu'une immensité de jaune prit son envol : des papillons, des milliers de papillons. Le spectacle est magnifique mais vite interrompu :
_Gomez, Gaspard et leurs hommes sont là ! Nous cri Estéban qui avait dû s'éloigner un peu trop loin...
Pas besoin d'en dire plus, on prend nos jambes à notre cou et on escalade la falaise dans le but de rejoindre le fort. Sa forme étonne Estéban :
_Ho regarder, la falaise... on dirait ... un aigle.
_Oui, c'est le fort de l'aigle noir. Là-bas nous serons en sécurité.
Nous finissons notre folle course de justesse, la porte se ferme au nez de Gaspard et de ses soldats. Waïna nous présente au chef du fort. Celui-ci est étonné et mécontent de ma présence que Waïna justifie plus que bien en mentionnant le phénomène qui s'est produit tout à l'heure à propos de mon peigne, ce qui me soulage. Yupanqui nous offre gentiment l'hospitalité, je m'enferme donc dans la case qui m'est attribuée. Ce n'est qu'à ce moment là que je m'autorise à crouler et à verser toutes les larmes de mon corps. Je suis à bout, éreintée, j'ai affreusement mal et je ressens de nouveau le besoin de poison. Je suis complètement perdue. -Et le fait d'ignorer totalement qui est ma mère, me fruste davantage. Il faut à tout prix que je retrouve mon père. Il faut qu'il me parle d'elle. Qu'il me dise qui elle était. – Peu après, je commence à défaire le bandage qui enroulait ma cuisse afin de regarder ma blessure. Ce que je craignais est arrivé : la plaie s'est agrandie à cause de la marche, le sang à vite fait sécher, le tissu en est tout taché. Puis sans même comprendre pourquoi, je me mets à rire, d'un rire euphorique. Je suis incapable de m'arrêter. Je ri, à tel point de finir par baigner dans un océan de larmes. En vain j'essaye de reprendre mon sérieux pour désinfecter ma blessure mais l'envie de poison et la douleur n'arrange pas les choses. Je m'efforce à respirer plusieurs fois lentement. Je fini par me calmer. A ce moment même, Zia entre dans la pièce :
_Laguerra, vous allez bien ?
J'ouvre la bouche pour lui répondre mais aucun son n'en sort à par celui d'un faible cri. La douleur est insupportable mais le manque de vin empoisonné l'est encore plus.
Zia mène tout de même ses affirmations à bien :
_Je suis venu voir l'état de votre blessure, j'ai du fil et une aiguille pour vous recoudre. Elle s'approche doucement de moi, désinfecte la plaie puis passe le fil dans le chat de l'aiguille :
_Je vous préviens ça va faire mal. Vous êtes prêtes ?
Je hoche la tête puis fermes les yeux. La sensation du passage de l'aiguille puis du fil dans ma peau est fort désagréable. La douleur s'accentue davantage : j'ai des vertiges. Toute ma jambe est tendue, en ébullition. Ma cuisse me brûle. Tout tourne. Au bout d'interminables minutes durant lesquelles j'ai l'impression qu'on me charcute même si Zia fait preuve d'une grande délicatesse, elle me dit que c'est enfin fini. Je fais un effort pour regarder son chef d'œuvre :
_Je te remercie, encore une fois c'est parfait.
Puis voyant que je dois être exténuée, elle me recommande :
_Vous devriez vous reposer maintenant.
Avant que j'aie le temps de répliquer quoi que ce soit, elle s'en va tout en me donnant un sourire. C'est le moment que je choisi pour me lever : le mouvement n'en est pas moins difficile -la pièce tangue : elle n'est plus qu'un condensé de taches blanches, de plus, ma jambe droite tremble infernalement. Je suis à deux doigts de me rassoir mais il me faut tout de même me rendre à l'endroit propice pour vider mes tripes.


Fanfiction Les Mystérieuses cités d'or.Saison 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant