Chapitre 17

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Aout 1533, Cité du Vieux Pic :

Le soleil vient frapper de ses puissants rayons zénithales l'immense escalier de pierre de la cité dont nous avons entreprit l'ascension avec Waïna et les enfants. - Nous avions quitté le fort de l'aigle noir le matin même et nous avions enfin atteint la destination donnée par le quipu. L'armée du gouverneur à nos trousses n'avaient pas rendu la chose facile...
Je reviens vite à la réalité par la difficulté de monter les marches une par une -enfin, je parle pour moi- la douleur ressurgit à chaque pas et je commence à en avoir sur les nerfs d'avoir mal tout le temps quelque part ! Cela m'épuise et j'aimerais bien pouvoir retrouver mes capacités. Je ne parle même pas de mon ombre qui ressurgit à cause des manques de poison. Je n'arrive toujours pas à me convaincre qu'il n'existe pas d'antidote... Et puis un poison qui ne tue pas, ça me parait insensé : il est sans doute très probable qu'à chaque seconde, heure et jour qui passe je sois entrain de m'éteindre petit à petit... - Ne préférant ne pas y penser, j'essaye de chasser de mon esprits ses tristes pensées. Ce qui n'a pas l'air de fonctionner - Je n'arrive toujours pas à comprendre l'intention de Pizarro. -D'ailleurs, je dois toujours lui rendre son compte à celui-là ! - Je suis sensé revenir « vivante » à Sa Majesté ! La bonne blague, il m'a envoyé à une mort certaine ! Alors pourquoi ? Et puis j'ai toujours CETTE question qui trotte dans ma tête, qui suis-je pour lui ? D'ailleurs qui suis-je réellement ? ... Et qui est ma mère ? Pourquoi le peigne que je porte sur moi -qui est le sien – a suscité tant d'étonnement à Ketcha ? Au moins je devrais pouvoir avoir la réponse dans peu de temps... -
Je fais tout mon possible pour rester impassible et faire abstraction de tout ce qui bouscule là-haut ! Alors je me mets à contempler les lieux ou plutôt les habitants : tous sont agglutinés autour du grand escalier. Chaque regard est subjugué par la présence des trois enfants, la mienne suscitant que chuchotements et craintes... mais je n'en tiens pas compte...
Notre but atteint, Waïna nous présente au chef du Vieux Pic : Kraka. L'expression de son visage se fait sombre quand il pose les yeux sur moi, d'instinct, il demande à deux de ses guerriers de me ligoter. - Je roule des yeux et lâche un assez fort et long soupir... - Ce qu'ils prennent plaisir à faire : les liens me triturent les poignets mais je pense qu'ils serrent car ils ont peur : je suis une menace à leurs yeux... Pourtant ce n'est pas le mot qui me qualifierait à ce moment même. En parallèle, les trois gamins essayent de le raisonner mais je leur fais comprendre que c'est bon. Je commence sérieusement à en avoir l'habitude ses derniers temps... De plus Waïna me fait savoir que - comme je l'aurais deviné – je n'ai pas le droit d'être ici mais qu'il résonna ma présence plus tard notamment par mon peigne. J'acquiesce sans vraiment comprendre, de nouveau, je suis perdue.
Puis le regard de Kraka se pose instantanément sur le médaillon du fils du soleil. Il le regarde attentivement et demande :
_Ce pendentif, mon garçon, où l'a tu trouvés ?
Il lui répond sur un timbre doux, clair et jovial :
_Je l'ai depuis ma naissance, c'est mon père qui me l'a donné quand j'étais petit.
Dans la seconde qui suit, je remarque qu'Esteban a un léger déclic mais il reprend vite ses esprits :
_Zia a le même.
Elle enchaîne :
_Dans notre famille, ce pendentif se transmet de génération en génération à la première fille. J'en ai donc hérité.
Esteban renchérit de plus belle : - LA phrase que j'espérais qu'il ne prononcerait pas –
_Laguerra nous a dit qu'ils permettaient d'ouvrir les portes des cités d'or.
- Hé oui, avant de partir du fort de l'aigle noir, j'avais tout de même pris le temps de révéler aux enfants que les médaillons qu'ils portent sont en fait les clés permettant d'ouvrir les cités d'or. Ceux qui les avaient surpris puis réjouis. Ils n'avaient pas osé me poser de questions mais ce n'est pas sans doute que je soupçonne Zia de penser que je connais forcément le père d'Eteban. De plus j'avais laissé échapper son nom dans un souffle durant notre « entrevu » dans ma chambre... Et le rictus du petit, tout à l'heure va surement confirmer mes suppositions... - Bref, nous verrons bien. En ce moment, j'ai juste envie de me faire toute petite...
Le chef s'exclame :
_Comment une Espagnole peut-elle savoir cela ?
Là, j'ai réellement envie de disparaitre. Je préfère ne pas répondre à Kraka, je ne sais pas si par conséquent je lui manque de respect mais tant pis... A la place, je lui lance un sourire que j'espère le plus espiègle possible. Ce qui me fait rire dans le fond mais lui n'en ai pas du tout amusé... je reprends mon sérieux : j'atténue et brûle mon fou rire intérieur.
Voyant que je ne lui dis rien, il reprend, les deux médaillons présentés devant lui :
_Si ce que vous dites est vrai les enfants, alors l'Espagnole a raison. Vous êtes bien en possession des clés permettant d'ouvrir les sept cités d'or.
_Alors il y en a sept ? S'écrit Esteban. Où sont-elles ?
_Personne ne le sait mais j'ai des choses à vous montrer qui vont vous plaire.
Estéban continu d'enchaîner par une série de questions :
_Pourquoi devons-nous les trouver ? Et pourquoi nous et pas quelqu'un d'autre ? De nouveau un petit rictus de la part du bonhomme il a enfin compris pourquoi je les ai sortis de leur, de notre mauvaise posture même, chez Pizarro.
Le chef fait « non » de la tête mais ajoute par la suite :
_Notre peuple attend votre venu depuis longtemps. Vous êtes les messagers du dieu Viracocha. On savait qu'on vous reconnaitrait par vos pendentifs.
La petite poursuit en demandant :
_Que se passera-t-il si nous ne trouvons pas ces cités d'or ?
_Personne ne sait mais à mon avis rien de bon.
Kraka allait gentiment faire visiter les lieux aux gamins mais Waïna le coupe. Je n'entends pas ce qu'il lui dit mais Kraka se récrie :
_Tu es sûr que c'est celui-ci Waïna ?
_L'inscription sur son peigne n'est visible qu'à la lumière de la lune. Il s'est mis à « briller » quand il est rentré en contact avec un des rayons lunaires.
_Et comment une Espagnole pourrait l'avoir en sa possession ?
Waïna se contente d'hausser les épaules puis Kraka fait signe à ses guerriers de me détacher. J'en profite pour dégourdir mes muscles qui commençaient à être endoloris. A ma stupéfaction c'est lui qui s'approche de moi puis je lui tends mon ultime précieux. Je laisse mes cheveux tombés délicatement sur mes épaules :
Il dit d'une claire voix :
_C'est une très veille légende qui aurait fait le tour du monde. Le peigne lunaire que tu portes, aurait appartenu à Artémis. Une inscription gravée sur celui-ci n'apparait que quand il entre en contact avec la lune. Il parait qu'elle mènerait à une des cités d'or.
A cette révélation, je suis abasourdie. Si je m'attendais à une chose pareille ! Je m'attendais à tout sauf à ça !
_Qui est Artémis ? Demande Tao.
Kraka ignore mais moi je le sais grâce aux cours que j'ai suivis à l'université et cette fois-ci, c'est à moi de donner une réponse :
_C'est la déesse de la chasse et de la nature dans la mythologie grecque. Son principal symbole est la lune.
Tous sont étonnés de ma réponse ce qui me fait rire. Kraka décide de se reprendre afin de nous offrir l'hospitalité. Il finit par poser les yeux sur mon pantalon rapistolé et maculé de sang au niveau de ma cuisse, j'avais essayé de le recoudre... voilà au moins un domaine dans lequel je n'excède pas ! -Vous aviez tord commandant, je ne suis pas bonne en tout ! –
Nous entrons dans la demeure située derrière nous. On fait la connaissance de Yacuma, une jeune femme très charmante qui s'occupera des enfants. Elle a gentiment proposé aux deux garçons de prendre un bain ce qui a terminé en fou rire général ! Yacuma s'est d'ailleurs gentiment proposée pour réparer mon pantalon. Je la remercie et m'en vais prendre une douche : sentir l'eau tiède sur ma peau me fait le plus grand bien. Ce sentiment de bien être qui nait en moi est plus qu'agréable. Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas senti aussi en paix avec moi-même. Puis je décide d'examiner ma blessure. La cicatrisation est en cours, c'est bon signe mais je vais devoir enlever les fils avant que ça ne soit plus possible... j'inspire à fond et tire de toute mes forces sur la couture. Un cri et une grimace m'échappent. Je recommence jusqu'à ce qu'il ne reste rien.
Ça fait mal. Ça fait mal. Ça fait mal.
Le travail terminé, je désinfecte le tout. Le vinaigre me brûle. Je me mords la lèvre pour ne pas crier. Je ne compte pas le temps que je passe à me laver. C'est tellement accommodant. Après ça, il me reste juste assez de force pour atteindre le lit puis je m'endors.
Quand je me réveille, je prends conscience que le soleil est bien descendu. Je regarde tout autour de moi : mes armes m'ont été rendu mais je n'arrive pas à mettre la main sur mon peigne ! C'était bien le moment de le perdre ! Après une petite recherche dans la demeure, j'abandonne et rejoint Tao sur la terrasse qui examine tout un tas d'instruments de mesures astronomiques. Il est assis face à un puits. Dès que je m'approche de lui, il prend sa mine boudeuse. J'éclate de rire, ce qui le fait bouder encore plus.
_Qu'est-ce que tu fais ? Je demande en posant ma main sur son épaule anciennement blessée.
_Je déchiffre une inscription muenne. J'écarquille les yeux, je ne pensais pas qu'il allait répondre. Je décide de continuer la conversation :
_Et qu'est-ce qu'elle dit ?
Il se concentre et récite :
_ « A l'endroit où se croisent Inti, dieu du soleil, et Koyolite, étoile brillante, renaîtra le blason sacré du soleil. »
_Tu sais ce que cela signifie ?
_Je pense qu'il y a un lien avec le dessin qui est représenté à l'intérieur. -Il se lève et me montre la peinture du doigt. – Mais j'attends le retour d'Estéban et de Zia pour en être sûr.
Ignorante de la situation je lui demande :
_Où sont-ils partis ?
_Sur la montagne du Machu Pichu voir un certain Mayucca qui connaitrait surement la signification des médaillons et donc le père d'Etseban.
A ce moment même, il arrive en courant. Quand on parle du loup !
Tao le rejoint :
_Alors ?
_Je ne m'étais pas trompé. Il connaissait bien la légende à propos de mon père. On a aussi demandé pour vous Laguerra.
Je me retourne et m'exclame :
_Pour moi ?
_Oui, avec Esteban, on a récupéré votre peigne. On espérait qu'il nous en dirait plus mais celui-ci à ternit. Nous informe Zia.
_Hein ?
_Oui, regardez. Elle me le tend et au moment où il rentre en contact avec ma main, il reprend sa couleur d'origine.
J'émets dans un souffle un :
_Impossible. J'en profite pour me recoiffer. La fraicheur du soir vient gentiment me chatouiller la nuque.
Esteban renchérit :
_Zia m'a dit qu'elle pensait que vous connaissiez aussi mon père. Tao et Zia acquiescent.
Esteban me fait alors part du récit de Mayucca.
Je renchéris :
_Cet homme t'a dit la vérité, il s'agit bien de ton père.
_Alors il serait bien ici, quelque part sur ce contient ? Parlez-moi de lui Laguerra. S'il vous plaît.
_Je l'ai connu étant petite. C'était un des meilleurs amis de mon père malheureusement je ne peux pas vraiment tant dire plus ... la dernière fois que l'ai vu j'avais neuf ans et mes souvenirs sont assez flous.
_Alors comment le savez-vous ?
Je hausse les sourcils, je ne comprends pas la question de la jeune Inca.
_Quand nous étions toutes les deux chez Pizarro, vous m'avez demandé pourquoi Esteban ne portait que la moitié de son médaillon et vous aviez l'air d'ignorer le récit de l'Océan de l'Ouest : le fait que l'homme ne s'en était sans doute pas sorti et que l'enfant avait été sauvé par Mendoza. Alors comment saviez-vous que nos médaillons étaient la clé ?
_Disons que ... j'ai mes sources.
Les trois enfants soupir, je sais que mon affirmation ne leur plaît pas.
_Comment s'appelait-il ?
Je regarde Esteban dans les yeux et avec une lueur d'espoir je lui dis :
_Il s'appelle Atanaos.
Pendant qu'Esteban répète le nom de son père en boucle, Zia me quémande :
_Et vous Laguerra. Vous savez des choses sur votre mère ? Sur son peigne ?
La tristesse envahit trop vite tout mon être :
_Elle est morte en me mettant au monde.
_Et votre père ?
Je la regarde dans les yeux, là encore je ne comprends pas ...
_Il ne vous a jamais parlé d'elle ?
_Non, j'ignore tout d'elle.
Je sens que Zia est compatissante mais notre entrevu est écourté par Tao qui s'écrit :
_J'ai trouvé !
_Trouvé quoi ? S'étonne le fils du soleil d'une voix grave.
_Le lieu où se croisent le soleil et l'étoile de Koyolite. Affirme-t-il tout excité.
_Qu'est-ce que tu racontes ?
Tao leur fait part de sa découverte pendant leur absence et nous montres alors.
_Il se situe au sud du Vieux Pic.
_Tu crois que ce serait l'emplacement de la première cité d'or ?
_Possible, je ne sais pas.
_Crois-moi Tao, on va vite en avoir le cœur net. Clame Esteban.


Fanfiction Les Mystérieuses cités d'or.Saison 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant