Chapitre 15 : Châtiment

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La reine hésita un instant devant la porte du Boudoir d'Argent, le cabinet privé de la Matriarche.

Il y a deux jours, Aspen avait tenté de la tuer. Il avait découvert ses pouvoirs, et pourtant, elle n'était pas inquiète. Il n'y avait pas fait allusion depuis.

Pour la première fois, elle sentait une flamme brûler en elle, une braise grandissante qui promettait l'excitation de grandes aventures que vivaient les héroïnes de ses romans.

Pour la première fois, elle avait révélé son secret à quelqu'un. Cela la soulageait d'un poids immense autant que cela la faisait brûler de crainte.

Le jeune homme lui avait sauvé la vie le matin même tandis qu'elle fuyait lâchement. Elle aurait pu utiliser ses pouvoirs pour l'aider. Mais elle ne l'avait pas fait. Elle avait préféré lui faire confiance sur l'issue du combat. Elle l'avait attendu, cachée parmi les rochers, jusqu'à ce qu'elle aperçoive les Lidrosa dans le ciel lui montrer le chemin. Ils avaient échangé quelques mots et le retour s'était fait en silence tandis qu'elle méditait sur qui pouvait bien être l'homme masqué et pour qu'elle raison il voulait leur peau. Sans doute un ennemi de la couronne de Bylur.

Eira releva la tête et fit signe aux gardes d'ouvrir les battants de la porte, puis pénétra à l'intérieur.

Les murs de glace étaient recouverts de feuilles d'argent. De nombreux bibelots brillants comme des sous neufs étincelaient sur le mobilier à la lueur des bougies. Au fond de la salle, assise sur un trône ivoirin, se trouvait la Matriarche.

Elle portait un voile noir qui couvrait le bas de son visage, et ses cheveux gris perle semblaient assortis à l'atmosphère froide de la pièce.

Son regard glacial transperça Eira de part en part comme une flèche. Ses yeux avaient l'éclat brûlant de la jeunesse avec la sagesse qui vient après des siècles vécus.

‒ Approche, ma fille.

La reine s'avança, un peu intimidée. La Matriarche, la Fey la plus âgée du royaume, avait un statut un peu singulier, au-dessus des lois, au-dessus de tout rang de noblesse. Cette dernière conseillait le souverain avec son expérience acquise au cours de années. Elle se montrait rarement en public, attisant l'aura de mystère qui émanait d'elle.

‒ J'ai ouï dire que tu avais tenu un conseil la veille, déclara-elle. Tu as tenu à rédiger un traité baissant les impôts que nous doivent les... humains.

Elle cracha ce dernier mot comme s'il s'agissait de quelque chose de répugnant.

‒ Je ne pense pas qu'ils nous doivent quelque chose, nous devrions simplement...

‒ Silence ! cria la Matriarche. Cette tradition a été mise en place à l'aube de notre royaume et démontre notre supériorité sur les humains. Ce garçon t'a fait tourner la tête, ma fille. Je t'interdis de l'épouser. 

‒ Mais les rebelles..., commença Eira.

‒ Nous les massacrerons tous, et le peuple se calmera, la coupa la doyenne des Fey. Pour la reine du royaume gelé de Bylur, il faut un homme à la hauteur, capable d'inspirer la terreur à nos ennemis. Le duc de Reginn, par exemple, est venu me demander ta main.

La souveraine resta silencieuse. Elle savait que le duc avait des vues sur elle et que la Matriarche souhaitait les fiancer. Avec ses grands airs et son côté trop parfait, il l'exaspérait. Elle espérait justement lui échapper en se mariant avec le brigand Aspen.

‒ Tu vas l'épouser le plus tôt possible, reprit-elle. Je vais en informer la cour et les ministres. Tu peux disposer.

La Matriarche se leva et s'apprêta à se retirer.

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