Chapitre 20 : Monstre

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‒ Un lycanthrope ! s'écria Eira. J'ai une fois lu un livre sur ces créatures !

‒ Et qu'est-ce que cette encyclopédie disait sur eux ? s'enquit Aspen.

‒ Eh bien... ce n'était pas un guide, mais un roman d'amour.

Le brigand poussa un long soupir.

‒ Est-ce que les lycanthropes ne sont pas des êtres légendaires ? demanda Farrah à la reine.

‒ En principe, leur existence n'a jamais été prouvée. On raconte que ce sont des hommes qui se changent en Lupin particulièrement féroces à la lueur de Myrkr et qui dévorent les humains, expliqua-t-elle.

Aspen bondit sur un rocher qui se trouvait séparé de lui par un petit fossé. Le saut fit voler sa cape brune. Il vit alors quelque chose bouger en contrebas. Est-ce qu'il venait de faire tomber un caillou ? En se penchant, il réalisa qu'une sorte de grotte ou de tanière était dissimulée dans la cavité. Il eut à peine le temps de sortir son glaive qu'une masse sombre se jetait sur lui. Il esquiva un coup de griffe et parvint à entailler légèrement la peau dure de la bête avec son arme.

L'attaque avait duré moins d'un instant, et la créature avait à nouveau disparu dans les galeries qui serpentaient sous l'étendue rocheuse. Le brigand avait à peine pu distinguer le long museau gris d'un Lupin et ses oreilles pointues couvertes de poils blancs.

En face de lui, Farrah attrapa son arc qu'il portait en bandoulière. Il sortit une flèche de son carquois et l'ajusta sur sa corde, prêt à tirer. Eira, cachée derrière lui même si elle le dépassait de plus d'une tête, pressait ses mains sur sa bouche pour s'empêcher de crier. Aspen vit cependant une lueur d'excitation briller dans ses yeux.

L'attente était insoutenable. Son cur battait à une vitesse folle. Il inspira doucement, tâchant de contrôler sa respiration.

Après ce qui leur parut une éternité, le lycanthrope surgit de nouveau, chargeant le jeune homme blond. Ce dernier se jeta sur lui, évitant ses crocs acérés, et enfonça son glaive dans le doux poitrail de la bête qui se tenait sur deux pattes comme un homme.

Au même moment, la flèche de Farrah partit, se fichant dans l'il de la créature, qui poussa un hurlement de douleur et l'arracha. Aspen ne put échapper aux terribles griffes qui lacérèrent son torse, déchirant sa tunique. Un flot de sang argenté en jaillit, aspergeant le lycanthrope. Le cri aigu de la reine déchira leurs oreilles.

Tandis que l'adolescent aux cheveux de feu encochait une autre flèche, le brigand retira son couteau fiché dans la chair du monstre, qui s'échappa à nouveau dans le tunnel.

‒ Sors de ta cachette ! Je te jure que moi vivant, tu n'auras jamais la fille !

‒ Alors je te tuerais ! gronda une voix gutturale.

‒ Arrêtez ! cria quelqu'un.

Farrah se retourna. Une jeune femme aux cheveux d'un blond vénitien se trouvait derrière lui, essoufflée. Avant qu'il n'ait pu dire un mot, la bête bondit du trou, griffes sorties. Mais Aspen l'attendait, et, lui envoyant un violent coup de pied, il le flanqua de multiples coups de glaive. Le lycanthrope tomba, et roula au sol, l'emportant avec lui. Ils chutèrent tous deux dans le gouffre.

‒ Non ! Plus personne ne doit mourir ! se lamenta l'inconnue.

Dans la crevasse, le brigand se redressa avec difficulté. Il y voyait à peine. Son sang argenté et celui rouge de la bête le maculait. Cette dernière était allongée au sol, gémissant faiblement. À tâtons, il retrouva son glaive et se prépara à se défendre. Mais le monstre se mit à trembler de tous ses membres et à rapetisser. Les griffes disparurent, la fourrure se résorba, laissant place à un homme nu en mauvais état. Son il droit était ensanglanté.

‒ Edelina, appela-t-il.

‒ Je suis là, répondit l'inconnue en se penchant au-dessus du trou.

‒ Écartez-vous de là ! s'écria Aspen.

Mais à la place, la jeune femme se glissa dans la crevasse et se jeta sur le corps du lycanthrope.

‒ Dearil ! fit‒elle. Oh, mon pauvre, pauvre Dearil...

Fouillant dans les recoins de la tanière, elle trouva des vêtements et le recouvrit d'une chemise. La peau d'un Rosanee ensanglanté gisait dans un coin. Puis, elle se saisit d'un morceau de tissu et commença à bander ses blessures. Aspen la regarda faire, abasourdi.

‒ Est-ce que vous vous connaissez ? la questionna-t-il. Est-ce qu'il ne voulait pas vous tuer ?

‒ Me tuer ? Oh, non ! s'exclama la dénommée Edelina. Et quant à nous connaître, nous sommes de vieux amis.

‒ Mais alors pourquoi...

‒ Dearil, le fils du forgeron, a été mordu par une bête un jour qu'il chassait et en est devenu lui-même une, révéla la jeune femme. Quand nous avons voulu nous marier, mon père a refusé et m'a fiancé avec le fils d'un riche homme du coin. Il m'a enfermé dans le manoir et m'a interdit d'en sortir.

Elle secoua tristement la tête.

‒ Dearil a décidé de tuer des filles du village jusqu'à ce qu'on me livre à lui, mais mon père a toujours refusé. Ce soir, c'était la pleine Myrkr, et je ne voulais pas qu'il y ait une autre victime. C'est pourquoi je me suis échappée du manoir.

‒ Je comprends, dit doucement Aspen en compressant ses plaies. Mais je vais cependant devoir achever votre ami.

‒ Non ! Tout, mais pas ça ! Laissez-le vivre, et nous quitterons le village ! Je jure qu'il ne commettra plus jamais aucun meurtre !

Elle caressa avec douceur la joue de son bien-aimé.

‒ N'est-ce pas, Dearil ?

‒ Tout ce que tu veux, souffla-t-il.

Le visage inquiet de Farrah apparut derrière la fissure.

‒ Bon, tous les deux, vous remontez pour qu'on vous soigne correctement, ou vous préférez que je vous apporte une tasse de thé et des biscuits ?

Aspen s'extirpa péniblement hors du trou et aida Edelina à hisser son bien-aimé. Eira se jeta sur le brigand et le recouvrit de son manteau.

‒ Alors vous êtes bel et bien... un Fey ? bafouilla-t-elle, hésitant entre l'inquiétude et l'excitation.

A côté d'elle, Farrah dansait d'un pied sur l'autre, affichant une expression indéchiffrable. Il fronça les sourcils.

‒ Je suis comme je suis, voilà tout. Sachez que je me considère comme un humain, déclara-t-il.

Finalement, le jeune homme roux sourit et tendit sa main à Aspen.

‒ Mon vieux, qui que tu sois, je te soutiendrais toujours.

Les deux amis échangèrent une poignée de main fraternelle. Puis, Farrah sortit de sa besace du matériel médical que lui avait confié Josiah avant de partir. Il nettoya les blessures des deux hommes et les banda, secondé par la reine. Enfin, il appliqua une compresse sur l'il mort de Dearil, qui grimaça de douleur.

‒ Voilà, je crois que tout est bon, affirma-t-il.

‒ Merci pour tout, fit Edelina.

Elle échangea un doux regard avec son bien-aimé.

‒ Nous allons partir pour Finvall, et y refaire notre vie.

Ils firent leurs adieux, et les deux amants disparurent dans les ténèbres, avalés par la nuit.

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