Chapitre 39 : Départ

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La présidente en personne vint au port de Thalassa pour le départ du Walphire, la caravelle qui allait conduire l'escadron du Kanaloa sur Jayla. La proue arborait une tête de Walren, un petit mammifère marin au poil brun qui vivait dans les eaux chaudes de la mer d'Azula.

Réunis sur le quai, les trivokiens s'étaient rassemblés pour avoir la chance d'apercevoir la reine Eira. Des murmures s'élevèrent lorsqu'elle fendit l'affluence pour s'engager sur la passerelle au bras de Lord Reuel. Les autres mages la suivirent en bavardant.

La jeune femme se retourna une dernière fois pour saluer la foule, aussitôt imitée par le marquis. Des clameurs et des vivats retentirent. Elle songea que le peuple de Trivok aimait beaucoup plus ses dirigeants qu'au royaume de Bylur. Ici, les humains avaient plus de droits, dont celui de voter pour le ou la Fey qui serait à la tête du pays.

A cet instant, elle aperçut des hommes masqués se faufiler dans la cohue. Quelque chose fusa dans les airs, droit sur elle. Une ombre surgit et la bouscula violemment, la faisant trébucher sur l'appontement.

Des cris.

Des pas précipités.

Un sifflement aigu dans ses oreilles.

Et la douleur de la chute.

Quelqu'un la releva avec précaution et la tira vers le navire. Elle tourna la tête et reconnut Lord Reuel. Jetant un regard en arrière, elle vit la générale et deux mages rebrousser chemin en courant pour affronter les assaillants. Et Calida, tombée à genoux, les bras écartés, une flèche plantée dans la poitrine.

Le sang battant aux tempes, Eira oublia tout protocole. Les larmes dévalant ses joues, elle se débattit dans les bras du noble et hurla le nom de la jeune Fey qui l'avait secourue. Mais l'étreinte du marquis était bien trop étroite.

Il la déposa doucement dans les bras d'Aspen. La reine se calma quelque peu en voyant la mine inquiète du brigand. A côté de lui, Althea tremblait de tous ses membres.

‒ Du calme, flocon de neige, lui dit-il. Tout ira bien.

Il n'en croyait cependant pas un mot mais tâcha d'avoir l'air convaincant.

Elle se laissa aller dans ses bras en sanglotant doucement.

‒ Calida s'est sacrifiée, pantela-t-elle. Je n'en peux plus que tous ceux qui me sont chers tombent les uns après les autres. J'aurais mieux dû mourir en mer.

‒ Ne dites pas ça, la rabroua Aspen. Ce n'était pas de votre faute. Ce n'est pas vous qui avez tiré cette flèche. Si vous voulez protéger vos compagnons, vous allez devoir vous entraîner et devenir plus forte.

Il vit que ses paroles n'avaient pas laissé Eira indifférente.

‒ Vous avez raison, murmura la reine en tirant un mouchoir de sa manche pour essuyer ses larmes.

Les cris continuaient à déchirer les airs, ponctués du son d'épées qui s'entrechoquent. Certains hurlements se muaient peu à peu en gargouillement ou en glapissement.

‒ Je vais vous conduire à votre cabine, déclara Aspen, désireux d'éloigner la souveraine de toute cette agitation.

‒ Non, je préfère attendre ici.

Il n'osa pas insister.

‒ Comme il vous plaira.

Elle fit quelques pas et s'assit sur un banc face à la mer, une expression indéchiffrable sur le visage. Au bout de quelque temps, Lady Nakoma finit par revenir, son armure éclaboussée de sang. Le mage à la peau sombre portait Calida dans ses bras, la jeune Fey aux tresses châtaines dans son sillage. La générale adressa un petit signe de tête à cette dernière.

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