Chapitre 29 : Dissensions

41 5 41
                                    

‒ Mais qu'est-ce qui vous prend ? s'écria Aspen tandis que Calida s'empressait d'escalader la corde.

‒ S'ils restent en arrière, ils seront tués !

‒ Ce n'est pas notre problème ! Ils nous ont vendus aux militaires !

Il tira son glaive de sa ceinture. Eira se détourna du brigand et croisa les bras.

‒ Je vous ordonne de ranger cette arme, dit-elle froidement.

‒ Et pourquoi devrais-je vous obéir ? s'enquit-t-il.

‒ Parce que je suis votre reine, répondit la jeune femme.

‒ Vous êtes peut-être reine, mais vous n'êtes pas chez vous, ici ! Et je n'ai pas à me plier aux ordres d'une exilée !

Il rangea néanmoins son arme dans son fourreau. Eira, piquée au vif, serra les dents et s'éloigna d'un pas rapide, ignorant les marins qui observaient la scène. Elle se heurta à un Fey à la mâchoire carrée qui portait un manteau à franges rehaussé d'épaulettes dorées et un tricorne en feutre. Le jeune mousse à la peau bronzée qui l'accompagnait leva un regard émerveillé vers elle.

‒ Bienvenue à bord du Skuaar des Mers, Votre Majesté, s'exclama-t-il. Je suis Makoa Doraj, le capitaine de ce splendide bâtiment. Je suis chargé de vous accompagner en Trivok.

‒ C'est un honneur d'effectuer cette traversée avec vous, Messire Doraj, affirma la reine avec chaleur.

Il hocha la tête, visiblement satisfait.

‒ Je vais vous mener à votre cabine.

Il la conduisit dans une petite chambre sommaire où se dressait une couchette, un cabinet de toilette et une chaise. Un hublot laissait voir l'immensité de la mer. Le capitaine referma la porte, la laissant seule. Eira déposa ses affaires sur la chaise, se changea et s'assit sur le lit. Elle se laissa tomber en arrière sur les draps en soupirant. Soudain, quelqu'un frappa contre le battant de bois. Elle se releva, mit un peu d'ordre dans ses cheveux encore humides et alla ouvrir.

‒ Reine des glaces ! s'écria une voix.

Calida se tenait sur le seuil, ruisselante d'eau, et la reine recula pour la laisser entrer. Aussitôt, la jeune Fey tomba à genoux, la tête baissée. Eira se pencha sur la petite forme accroupie.

‒ Est-ce que vous allez bien ? lui demanda-t-elle.

‒ Grâce à vous, oui, murmura Calida.

Elle déglutit avec difficulté, luttant visiblement contre les larmes.

‒ Je vous dois bien des excuses. Je n'attends aucun pardon. Je n'aurais jamais dû vous dénoncer aux soldats de Xurbor. Mon frère n'y est pour rien, c'est moi seule qui en ait eu l'idée.

‒ Ce n'est rien, souffla Eira.

Elle comprenait que la jeune Fey soit déchirée entre sa loyauté envers son pays et leur arrangement. A sa place, elle n'aurait su que faire. C'est alors que Calida se releva brusquement et plaqua la reine contre le mur.

‒ Pourquoi ? beugla-t-elle. Pourquoi nous avoir sauvés ? Pourquoi avoir sauvé des traîtres ?

‒ Parce que vous êtes comme nous, voilà tout. Et je ne pouvais pas vous laisser périr vainement aux mains des soldats.

Calida recula brusquement, manquant de trébucher.

‒ Vous... vous n'êtes vraiment pas comme le disent les racontars, lâcha-t-elle.

Et sur ces mots, elle fit demi-tour et disparut.

***

Le soir-même, la reine dîna en compagnie du capitaine Doraj. L'équipage avait dressé une table sur le pont, et la lumière des chandelles luisait doucement, se reflétant sur les couverts en argent. Ses compagnons avaient décliné son invitation de se joindre à elle. La mer était calme, le ciel dégagé, et la compagnie des lunes rendait Eira nostalgique. Les trois satellites l'avaient accompagnée durant tout son voyage, ne cessant de veiller sur son petit groupe.

Frozen TearsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant